DIPLAL MAROAM
Il va sans dire que si le protocole actuel régissant les alertes cycloniques à Maurice était amendé dans le sens de la consolidation de la sécurité des citoyens, la tragédie survenue à Trou-aux-Biches aux petites heures du matin en ce jeudi fatidique du 3 février 2022 – et qui a coûté la vie à un conducteur d’autobus de la TBS après la levée de l’alerte 4 suite au passage du cyclone intense Batsirai à environ 130 km au nord-nord-ouest de Grand-Baie –, n’aurait probablement pas eu lieu.
Pourtant, s’il y a une chose sur laquelle tout le monde – météorologues, observateurs indépendants comme la population dans son ensemble – s’accorde ces jours-ci, c’est que le protocole existant a déjà fait son temps et également ses preuves certes, mais qui, dans le contexte d’un développement socio-économique significatif de ces dernières décennies, requiert un profond dépoussiérage afin de permettre son adaptation aux exigences du moment. Car il est totalement inconcevable, voire même dangereux, de sortir brusquement le pays d’une alerte maximale pour remettre le compteur à zéro alors que des circonstances météorologiques proches des conditions cycloniques existent déjà. Dans de telles conditions, l’exigence d’employeurs pour la reprise immédiate du travail ou le renvoi des réfugiés, comprenant des enfants en bas âge, des centres d’hébergement alors que leurs logements ont été affectés ou détruits, relève d’une décision purement et simplement inhumaine et cruelle.
C’est pourquoi une rétrogradation graduelle des alertes liées non pas à la probabilité d’atteindre des conditions cycloniques, c’est-à-dire, la vitesse du vent dépassant les 120 km/h, comme c’est le cas actuellement, mais directement aux conditions météorologiques prévalant à un moment donné, serait plus à même de sauvegarder et consolider la sécurité de tout un chacun. Dans ce contexte, ne serait-il pas recommandable d’abaisser la limite minimale de l’alerte 4 de 120 km/h à 100 km/h, d’associer le concept de l’alerte 3 à une vitesse du vent entre 80 et 99 km/h et l’alerte 1 et 2, entre 60 et 79 km/h ? Cette formule qui serait liée à tout système dépressionnaire, pourrait subséquemment être peaufinée en fonction de la convenance de son application, dépendant, bien évidemment, d’autres paramètres dont la probabilité d’intensification et la trajectoire du système, bref du degré de la menace qui se profile à l’horizon. L’abaissement des alertes du niveau 4 à 3 représenterait alors cette mesure tampon et de protection dont l’actuel système est dépourvu.
L’introduction d’une phase de sauvegarde de 6 heures après la levée de l’alerte 4 a été proposée par le directeur de la météo – phase qu’il dénomme alerte 5 –, ce dans le but de constater l’état des infrastructures routières du pays avant la reprise des activités économiques ; cependant, Batsirai a ostensiblement démontré que même plus de 24 heures après la levée de l’alerte maximale, des averses et rafales persistantes et généralisées de 80-100 km/h prévalaient toujours sur l’île. Et qu’en est-il, d’autre part, des réfugiés ?
Finalement, à chaque passage d’un cyclone, la nécessité d’un changement de protocole existant revient sur le tapis, mais à la fin de la saison cyclonique, tout le dossier est soigneusement rangé au placard. Ainsi, la question que l’on se pose : existe-t-il réellement une volonté politique d’attraper le taureau par les cornes pour la sauvegarde de l’intérêt et la sécurité des citoyens – pourtant un des objectifs fondamentaux de toute administration digne de ce nom ?