Positionner Maurice au sein de l’Indo-Pacifique

Trois événements majeurs ont mis en relief cette semaine l’importance grandissante que prend actuellement la région de l’Indo-Pacifique et de l’Asie orientale sur la scène politique mondiale. Il s’agit de la tenue du Forum de coopération Afrique-Chine (FOCAC) à Pékin, de la visite du pape en Indonésie, en Papouasie Nouvelle-Guinée, au Timor et à Singapour, et la visite officielle effectuée par le Premier ministre Narendra Modi à Brunei et à Singapour, qui ont eu lieu presque simultanément.
La réunion du FOCAC, la première organisée en présentiel en Chine depuis la fin du Covid, a permis à la Chine de se projeter comme un des principaux partenaires du continent africain avec la présence à Pékin de plusieurs chefs d’État, et pas des moindres. Le président Xi Jinping n’a en effet pas manqué de présenter la coopération entre la Chine et les pays africains comme un modèle entre pays du Global South. « La modernisation est un droit inaliénable de tous les pays. Mais l’approche occidentale à son égard a infligé d’immenses souffrances aux pays en développement. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays du tiers-monde, représentés par la Chine et les pays africains, ont accédé à l’indépendance et au développement les uns après les autres, et se sont efforcés de réparer les injustices historiques du processus de modernisation », a-t-il affirmé dans son discours d’ouverture du FOCAC.
Joignant la parole à l’acte, la Chine annonce des investissements totalisant 360 milliards de yuans, dont 210 milliards seront débloqués sous forme de lignes de crédit à long terme. En plus de la nouvelle route de la soie (Belt and Road Initiative), d’autres instruments sont développés : des accords de swaps de devises entre banques centrales qui permettent de stimuler les échanges économiques par l’utilisation des monnaies nationales, en se passant de devises étrangères, notamment du dollar et de l’euro. Ces accords ont été passés avec plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, l’Angola, l’Algérie, l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigeria, l’Éthiopie, le Zimbabwe, et plus récemment avec Maurice, pour un montant Rs 13 milliards sur trois ans.
La visite du pape François dans le sud-est asiatique et en Océanie tient également compte de l’importance que prend l’Indo-Pacifique dans l’économie mondiale. « L’Asie-Pacifique, coeur de l’économie mondiale, n’est plus seulement un horizon ni une périphérie pour une Église catholique implantée depuis plus de cinq cents ans. Son action et son influence y croisent, peu ou prou, aussi bien les défis du développement que ceux de la démocratie et de la paix, au croisement des enjeux de puissance (États-Unis, Chine, Inde, Japon, Russie) », note l’historien Olivier Sibre, spécialiste des relations entre le Saint-Siège dans un entretien accordé à Vatican News. « Ce voyage est marqué par une géopolitique certaine de l’ASEAN, et des recompositions économiques et géostratégiques en lien avec les tensions sino-américaines », poursuit-il.
Finalement, la première visite effectuée par un Premier ministre indien à Brunei donne une dimension historique à la visite officielle de Narendra Modi dans ce pays. De plus, son déplacement à Singapour permet de consolider le partenariat stratégique entre l’Inde et la cité État. Et les discussions ont porté également sur les dynamiques régionales, notamment en relation avec la Chine. 
Tout cela pour dire la montée en puissance sur la carte mondiale de la région Indo-Pacifique, au sein de laquelle l’océan Indien occupe un rôle primordial et fait l’objet de convoitise de toutes les grandes puissances.
L’Inde, qui émerge comme une force politique, économique, militaire et spatiale, se présente comme le gardien de l’océan Indien. Il revient maintenant à la République de Maurice, dont la devise est l’étoile et la clé de l’océan Indien, d’être à la hauteur de cette ambition. Non seulement on attend avec intérêt ce que les principaux partis ont à dire à ce sujet dans leurs programmes électoraux respectifs, mais on s’attend aussi à ce que les élections générales arrivent au plus vite. Il reviendra alors au nouveau gouvernement de s’assurer que le pays peut jouer le rôle digne de la place qu’il occupe au sein de l’océan Indien, en partenariat avec ses partenaires privilégiés, dont l’Inde, mais tout en maintenant son indépendance.
Bonne fête aux Mauriciens qui fêtent Ganesh Chaturthi et à ceux qui seront en pélerinage pour la fête du Père Laval. 

Jean Marc Poché

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