C’est au cœur du Caudan Waterfront que le pays a accueilli officiellement le Plastic Odyssey, ce bateau-laboratoire engagé dans une lutte sans merci contre la pollution plastique dans les océans. Cette escale, qui durera jusqu’au 25, s’inscrit dans une mission océanographique et citoyenne sans précédent portée par la Commission de l’océan Indien (COI), en partenariat avec plusieurs institutions scientifiques et entreprises engagées, telles que l’IRD (Institut de recherche et développement), le CNRS (Centre national de recherche scientifique), l’AFD.
Le constat est accablant : 19 tonnes de plastique se déversent chaque minute dans l’océan. Si aucune action concrète n’est prise, on comptera plus de plastique que de poissons dans les océans d’ici à 2050. Pour Maurice, État insulaire cerné par les flots, la menace est directe et existentielle. À bord du Plastic Odyssey, une vingtaine de chercheurs, accompagnés de jeunes scientifiques de l’Indianocéanie, vont cartographier la pollution plastique dans la région : typologie, abondance, trajectoires, et risques pour la biodiversité.
L’initiative, dirigée par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et le CNRS, vise aussi à identifier les pathogènes véhiculés par les microplastiques et leur dangerosité pour la santé humaine. « Il n’est plus possible de détourner nos regards de la pollution plastique, » a lancé avec fermeté Rajesh Bhagwan, ministre de l’Environnement. « Nous subissons les effets de cette crise de plein fouet. Des bouteilles vides qui jonchent les caniveaux, dans nos villes, dans nos villages, des emballages en plastique qui flottent dans les cours d’eau, qui sont abandonnés en bordure de route, dans les champs. Le cyclone Belal, qui a transformé des rues de la capitale en rivières en crue le 15 janvier 2024, a mis en évidence l’ampleur des déchets plastiques qui s’accumulent dans nos drains et cours d’eau. Il ne s’agit plus uniquement d’environnement, mais de santé publique. »
Rajesh Bhagwan affirme que « nous devons apprendre à consommer différemment et qu’il n’y a pas de croissance durable dans un environnement malade.» Il a ajouté que « produire, emballer et vendre en plastique, c’est aussi contribuer à une crise sanitaire et environnementale que nous ne maîtrisons plus ». Et de conclure par : « Refusons ce qui pollue. Réutilisons ce qui dure. Chaque geste compte. Chaque choix pèse. »
Éveiller les consciences
Au-delà de la recherche scientifique, le passage du Plastic Odyssey à Maurice prend une tournure profondément citoyenne. Des sessions de formation, des conférences éducatives, ainsi qu’une exposition interactive ouverte au public au Caudan Arts Centre ponctueront cette escale mauricienne.
Entrepreneurs, étudiants, écoliers, institutions, et simples citoyens sont conviés à repenser leur rapport au plastique. « Sensibiliser, former, innover : c’est tout le sens de notre action », explique Thierry Hébraud, Chief Executive Officer de la MCB. « L’océan Indien est en danger, et Maurice est en première ligne. Cette escale est un catalyseur pour éveiller les consciences. Il faut impliquer les citoyens, les entrepreneurs, tous les acteurs du territoire. »
Le groupe MCB, qui a levé Rs 15 millions pour des projets de préservation de la biodiversité, s’est fortement engagé pour soutenir cette escale. Ce soutien s’inscrit dans le programme Success Beyond Numbers, qui vise à conjuguer performance économique et responsabilité environnementale. Le soutien de la MCB à Plastic Odyssey comprend plusieurs objectifs. Le premier étant de définir des solutions de recyclage et des alternatives pérennes afin de réduire la pollution plastique dans nos lagons, ainsi que dans l’océan Indien.
Depuis le 7 avril, le Plastic Odyssey a entamé une mission de quatre mois dans l’Indianocéanie, après une escale à La-Réunion. Il mettra ensuite le cap sur Madagascar, les Seychelles, Mohéli, et les Comores. Cette expédition ne se limite donc pas à Maurice : elle cherche à créer une dynamique régionale, avec des actions coordonnées dans les cinq États membres de la COI.
« La COI a choisi d’agir. Nous accompagnerons quarante porteurs de projets innovants », annonce Edgard Razafindravahy, secrétaire général de la COI. « Nous voulons changer les regards, toucher plus de 200 écoles dans l’océan Indien, et former une nouvelle génération consciente des enjeux », dit-il.
De son côté, Laëtitia Habchi, directrice de l’Agence Française de Développement (AFD), a abordé l’importance d’agir concrètement : « La pollution plastique est un des grands défis de notre époque. Aujourd’hui, à Maurice, à peine 4% des plastiques sont recyclés. Il faut faire émerger des solutions durables. Le Plastic Odyssey incarne l’innovation et l’action de terrain. »
Frédéric Bontems, ambassadeur de France à Maurice, ajoute que : « Notre mission est de redonner de la valeur à ce qui est considéré comme un déchet. Nous voulons montrer qu’il est possible de transformer les plastiques contaminés et fragmentés en ressources utiles à l’économie locale. Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité que nous devons accélérer. »
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Micro-usines de recyclage
L’un des piliers du projet Plastic Odyssey réside dans l’exploration de solutions concrètes, notamment à travers la mise en place de micro-usines de recyclage. Ces unités, embarquées à bord du navire, peuvent transformer le plastique souillé en objets utiles : matériaux de construction, carburant, ou outils agricoles.
Le passage du Plastic Odyssey à Maurice ne se veut pas un simple arrêt technique, mais bien un moment de rupture. Il incarne une nouvelle dynamique où la science, l’économie, l’éducation et la coopération régionale se rencontrent pour répondre à une urgence planétaire.
Alors que le Plastic Odyssey s’apprête à poursuivre sa route vers d’autres îles de l’Indianocéanie, gageons qu’il laissera derrière lui un écho fort et nécessaire : celui d’une île qui regarde vers l’avenir, consciente des menaces, mais aussi des solutions à portée de main.
Maurice, à l’instar de nombreuses îles du Sud, a peut-être une petite superficie, mais démontre une volonté de faire bouger les lignes. Et dans cette lutte contre les déchets plastiques, chaque geste, chaque action, chaque prise de conscience compte.
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L’urgence d’agir
Si les océans souffrent d’une pollution mondiale, une grande partie des déchets plastiques qui finissent dans les mers vient des territoires eux-mêmes : pique-niques abandonnés, emballages à usage unique, systèmes de collecte inefficaces.
À Maurice, comme dans les autres îles de la région, les lagons, les récifs coralliens et les espèces endémiques sont directement menacés. Dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, un tourbillon océanique concentre une grande partie des déchets flottants.
Cette zone, parfois comparée aux « continents de plastique », exacerbe les effets de la pollution sur les écosystèmes fragiles de la région. Pour agir efficacement, il est essentiel de réduire les plastiques à la source ; renforcer l’application des réglementations existantes ; promouvoir les bonnes pratiques de tri, de recyclage, et de valorisation et mieux comprendre les sources, les flux, et les conséquences de cette pollution.