Le barrage sur la plage de Pomponette a été enlevé, mais la lutte n’est pas terminée pour le collectif Aret Kokin Nou Laplaz (AKNL) qui, par l’entremise de deux habitants de la région, a déposé une demande de révision judiciaire contre la déproclamation. Cinq ans après, non seulement l’affaire dure en cour, mais les membres se disent « outrés » par les derniers arguments des représentants du ministère des Terres lors de la séance de la semaine dernière. Yan Hookoomsing, porte-parole du collectif, déclare qu’il a appris que les plaignants ne peuvent contester la déproclamation, car cette affaire est « d’intérêt public ». Or, dit-il, c’est justement dans l’intérêt public que le collectif se bat.
« Il n’y a aucune raison empêchant les autorités de reproclamer la plage de Pomponette publique, car non seulement le projet de construction d’hôtel de Clear Ocean Hotel and Resorts Ltd n’est plus d’actualité, mais le secteur touristique est en plein déclin ». Il ajoute : « Avec la conjoncture actuelle où même les grands hôtels existants luttent pour leur survie, je ne vois pas la nécessité de venir construire un nouvel hôtel à Pomponette. Donc, le justificatif d’économie nationale pour maintenir la plage ne tient plus la route, » déclare Yan Hookoomsing. Le ministère avait en effet répondu aux contestataires, dans un affidavit, que même si le bail du promoteur sud-africain avait été résilié, le site était maintenu pour le développement hôtelier.
Yan Hookoomsing est particulièrement remonté par la prise de position, en Cour suprême la semaine dernière, des représentants du ministère, qui ont demandé que la demande de Judicial Review contre la déproclamation de Pomponette soit « set aside car c’est une affaire d’intérêt public ». Et d’ajouter : « En gros, quand ils viennent dire que cette affaire is in the nature of public interest litigation, ils veulent dire que cela ne touche pas à nos droits, en particulier. Or, quand on m’interdit d’aller sur cette plage, cela touche à mon droit de citoyen. Eux, quels intérêts défendent-ils ? »
De plus, souligne-t-il, il n’est écrit nulle part non plus que le ministre a le droit de déproclamer une plage publique. « Il y a là un vide juridique. Je laisse le soin à la cour de se prononcer sur ce sujet. » Il regrette que cette affaire dure depuis cinq ans et qu’à chaque fois, les avocats du ministère mettent en avant des petits détails. « Il semble qu’il y ait des delaying tactics pour qu’on s’épuise… Heureusement que nos avocats nous défendent gratuitement, car autrement, nous n’aurions jamais trouvé l’argent pour les payer pendant tout ce temps. J’en profite pour leur dire merci. »
Yan Hookoomsing lance également un appel au Deputy Prime Minister et ministre des Terres, Steven Obeegadoo : « Je sais que c’est une affaire difficile qu’il a héritée, mais il nous a déjà écoutés et a fait enlever le barrage de la honte, chose que ses prédécesseurs n’avaient pas faite. J’espère qu’il va en faire de même pour rendre cette plage aux citoyens. » Il ajoute que cette affaire relève de l’un des plus grands scandales de par la manière dont le gouvernement mauricien a donné cette plage à « des escrocs notoires en Afrique du Sud, qui n’ont même pas payé le loyer de leurs bureaux, à Ébène, et le propriétaire a même dû aller en Cour pour réclamer le Winding-Up de la compagnie ».
Yan Hookoomsing invite le DPM Obeegadoo et les avocats du SLO à venir visiter Pomponette. « Cette plage n’étant plus publique, la Beach Authority ne s’en occupe pas et elle est complètement abandonnée. Dès la réouverture des plages, notre première action sera d’aller nettoyer Pomponette comme nous le faisions régulièrement. Car la Beach Authority ne nettoie plus la plage et celle-ci est délaissée. J’invite d’ailleurs Steven Obeegadoo, qui est aussi celui du Tourisme, ainsi que les membres du State Law Office, qui défendent le ministère en cour, à venir voir l’état de la plage. »
Rappelons que Clear Ocean Hotel and Resorts Ltd avait obtenu le bail pour la construction d’un hôtel à Pomponette, en 2016, alors que Showkutally Soodhun était ministre des Terres. Les promoteurs, des Sud-Africains, avaient par la suite érigé un barrage en tôle sur une partie de la plage pour empêcher le public d’y avoir accès. Des gardiens, souvent aperçus avec des sabres, étaient même postés sur place. Toutefois, l’hôtel n’est jamais sorti de terre. Sous la pression de la contestation citoyenne, les autorités ont fini par résilier le bail l’année dernière. Le barrage avait toutefois été maintenu sur place. Suite à une rencontre avec les membres d’AKNL, le DPM Steven Obeegadoo l’a finalement fait enlever en septembre 2020.