La victoire historique du vétéran Andrés Manuel Lopez Obrador à l’élection présidentielle de même qu’aux législatives, régionales et municipales au Mexique le 1er juillet est l’expression de la volonté populaire du changement non seulement sur le continent américain après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2017 mais également un peu partout ailleurs comme l’indique la montée en puissance des partis extrémistes dans de nombreux pays démocratiques. L’histoire retient que presque tous les grands soulèvements populaires du passé ont pour origine les conditions de vie des populations, à l’instar du printemps arabe qui avait précipité la destitution brutale de nombreux dirigeants des États d’Afrique du nord.
En effet, il n’est plus possible aujourd’hui, même pour les habituels thuriféraires du libéralisme, de la globalisation sans frontière, du règne sans fin des marchés, de nier ce que peut provoquer un système économique incontrôlé se focalisant uniquement sur la croissance à tout prix sans tenir en ligne de compte sa répartition au sein de la population. Le principe moins d’État plus de liberté entraîne inexorablement l’établissement de la loi du plus fort et la conversion subséquente d’une économie du marché en une société de marché. Et les récentes crises économiques, financières et celle de la dette témoignent justement de l’instabilité engendrée par un développement non maîtrisé d’une économie financiarisée.
 Ainsi, le concept selon lequel le marché s’équilibrerait de lui-même s’est révélé totalement erroné. Tout comme d’ailleurs le lien direct couramment effectué entre la croissance économique et le progrès social. Le dernier rapport du World Social Index démontre, dans ce contexte, que les deux pays, qui ont enregistré les plus fortes croissances ces dernières années, la Chine et l’Inde, se classent seulement 90e et 103e respectivement sur une liste de 132 pays en termes du progrès social. C’est pourquoi, que ce soit sur le continent africain, asiatique ou européen, c’est presque le même scénario socio-économique qui est observé et qui représente une des principales causes de la déchéance des régimes politiques dans de nombreux pays.
La question que l’on se pose : le changement politique et du pouvoir constitue-t-il réellement le précurseur du changement au niveau social et économique ? En France, Emmanuel Macron a avoué devant le Congrès à Versailles le 9 juillet 2018 qu’il « ne peut pas tout » et qu’il « ne réussira pas tout ». Son prédécesseur, François Hollande, qui était contraint de rendre son tablier après un unique mandat présidentiel, avait désigné le monde de la finance comme son principal « ennemi » lors de la campagne de 2012 mais avait fini par tourner casaque pour pactiser avec le même « ennemi » une fois arrivé au pouvoir. Idem pour Alexis Tsipras, issu de la gauche radicale en Grèce, le parti Syriza. Il avait été porté au pouvoir en janvier 2015 sur la promesse de ne pas imposer davantage d’austérité à son peuple, avait défendu son droit d’instaurer une société « plus juste et équitable sans interférence externe » mais a fini par devenir le valet de la Troïka – le FMI, la BCE et l’UE. Verrouillé à double tour par la clef de la mondialisation, le système économique actuel ne permet, paraît-il, aucune sortie vers la frontière entre la gauche et la droite. Or, le fondement même de la politique en démocratie implique des alternatives, des choix clairs. Mais lorsque ce choix ne peut être exercé à travers les urnes, c’est à d’autres moyens, parfois méprisables et répréhensibles, que le peuple tente toujours de recourir.
Finalement, depuis la Grande Dépression (ou la stagnation économique) du XIXe siècle, l’économie est toujours à la recherche de nouveaux équilibres, de nouveaux réglages, ce dans le but de faire la part entre l’État et le marché, entre le capital et le social. Mais aujourd’hui, que ce soit à Maurice ou ailleurs, le changement est, manifestement, devenu un leurre, dont l’objectif unique est d’appâter l’électorat pour la conquête du pouvoir.