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POINT DE VUE : Pour un changement de doctrine dans la morale sexuelle de l’Église catholique

« L’homosexualité n’est pas un péché. Cela correspond à une attitude chrétienne lorsque deux personnes, quel que soit leur sexe, se soutiennent l’une l’autre, dans la joie comme dans la tristesse. Je parle de la primauté de l’amour, notamment dans la rencontre sexuelle ». Cette déclaration n’est pas celle d’un prêtre contestataire marginalisé, mais du Cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising, président de la Conférence épiscopale allemande de 2014 à 2020 et initiateur du Chemin synodal, processus en cours, de l’Église catholique en Allemagne. Il est, de surcroît, membre du Conseil restreint des Cardinaux (G 9) qui aide le pape François à gouverner l’Église. C’est donc d’un éminent cardinal et d’un poids lourd de l’Église en Allemagne qu’émane cette prise de position, lors d’un entretien au magazine allemand Stern, le 30 mars 2022. Il avait, au début du mois de mars de cette même année, présenté ses excuses pour la discrimination de l’Église catholique contre les homosexuels.

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Les homosexuels méritent des excuses

Lors de la commémoration du 20e anniversaire des Offices pour la communauté queer dans le diocèse de Munich (offices religieux jusque-là tolérés), le prélat a présidé lui-même, en l’église Saint-Paul, la célébration. Le symbole est fort : le cardinal Reinhard Marx, évêque du diocèse de cette très catholique Bavière, a célébré une « messe queer ». D’autant plus fort, qu’à côté de l’autel, sur les marches, on avait pris soin d’installer un drapeau arc-en-ciel, symbole de la lutte de ce groupe qui, a admis le cardinal, « a subi beaucoup de dégâts » de la part de l’Église-institution. En plaidant pour une Église inclusive, le cardinal Marx a avoué être surpris qu’au XXIe siècle, la discrimination fondée sur le sexe persiste toujours dans l’Église catholique. Pour le prélat, « les personnes LGBTI font partie de la création et sont aimées de Dieu, et nous sommes appelés à nous opposer à la discrimination. Je crois que Dieu cherche la communion avec eux, comme il la veut avec tous les hommes. Pour moi, le péché est plutôt de vouloir pousser les autres hors de l’Église ». D’où son appel à un changement de l’enseignement catholique sur l’homosexualité (Cath-Info – 01/04/2022).

Ce positionnement doctrinal du Cardinal Reinhard Marx est pleinement partagé par l’actuel président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bâtzing, évêque de Limbourg. Le cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich, président des évêques européens et homme de confiance du pape François selon le journal La Croix (20/01/2022), plaide également pour un changement de l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité, tout en mettant en cause le fondement du dit enseignement. « Je crois que le fondement sociologique-scientifique à la base de cet enseignement n’est plus adéquat », a affirmé le cardinal Hollerich(1) dans un entretien à l’agence allemande Katholische nachrichtenagentur (KNA), publié le 2 février 2022). Rappelons que ce cardinal est le rapporteur général du Synode sur la Synodalité (2021-2023).

Maintenir la pluralité interne au sein

du catholicisme est un impératif

Les prises de position de ces cardinaux et leur appel à procéder à une révision fondamentale de l’enseignement catholique sur ce point tranchent avec celles de certains évêques, qui campent sur une position intransigeante sur cette question, tout en donnant l’impression que c’est la seule position soutenable dans l’Église catholique aujourd’hui. Ce n’est pas le cas, ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme nous pouvons le constater. De hauts responsables de l’Église catholique, à l’instar du Cardinal Max qui défend l’ordination d’hommes homosexuels, se sentent de plus en plus libre de dire ce qu’ils pensent en vue de faire avancer l’enseignement de l’Église. : « Nous ne voulons pas réécrire le dogme mais faire avancer la discussion », déclare le cardinal Marx (La Croix, 12/09/2022).

Sur la contraception, l’avortement, la question du genre, tout comme sur la question du mariage pour tous … les divisions sont profondes parmi les catholiques et les affrontements parfois très durs. Le catholicisme est travaillé, traversé, par une pluralité interne et c’est heureux. On peut être catholique et favorable au « mariage pour tous ». Donner l’impression du contraire est une erreur. À l’heure où le catholicisme français est marqué par un fort courant identitaire et droitier depuis la mobilisation contre le mariage pour tous, il est plus que jamais nécessaire de maintenir une pluralité au sein de ce catholicisme, tout en œuvrant pour une Église inclusive.

Faire évoluer la morale sexuelle

Il convient également de souligner que les propositions de réformes radicales du Chemin synodal allemand – l’ordination des femmes, mariage des prêtres et nouvelle approche doctrinale de l’homosexualité – ont soulevé et soulèvent une vive inquiétude chez certains évêques catholiques hors Allemagne, voire chez une minorité de catholiques allemands, au point de susciter une mise en garde du Saint-Siège, dans un bref communiqué diffusé le 21 juillet 2022. Ce qui explique peut-être que la quatrième session du Chemin synodal allemand, du 8 au 10 septembre 2022, est passée près de l’échec. Un texte sur la morale sexuelle de l’Église, approuvé par la majorité des participants (avec 155 voix favorables contre 9 opposées et 12 abstentions), n’a pas obtenu la majorité des deux tiers des évêques requise (trois voix manquantes).

Le texte en question proposait entre autres de reconnaître l’égalité et la légitimité des orientations non hétérosexuelles. Il s’agit, pour le cardinal Marx, d’un changement de paradigme et de perspective dans la morale sexuelle et l’éthique sociale, tout en précisant que « c’est un processus. Nous allons d’ailleurs en parler encore au sein de la conférence épiscopale. Je tiens à rappeler quand même que ce texte a été accepté par plus de 80 % des membres de l’assemblée synodale et par 62 % des évêques ». Mais d’autres textes ont été approuvés et le processus synodal enclenché se poursuit.

Les remontées du Synode sur la Synodalité (2021-2023) révèlent que les choses bougent dans le catholicisme : les catholiques luxembourgeois appellent à des changements dans la morale sexuelle et le célibat, les catholiques belges se prononcent en faveur du sacerdoce féminin, en Angleterre et au Pays de Galles les croyants appellent à une église inclusive, à Barcelone les croyants appellent à un débat sur l’ordination des femmes prêtres et l’abolition du célibat obligatoire, en France, les catholiques réclament « d’authentiques contre-pouvoirs », plus de place aux laïcs, particulièrement aux femmes, le libre choix du célibat pour les prêtres et la reconsidération de leur statut, tout en déplorant l’exclusion « des divorcés remariés et personnes homosexuelles ». Bref, de partout les catholiques appellent à des changements profonds et concrets dans leurs Églises.

1. Pour l’Église catholique, le vouloir divin est supposé s’exprimer dans un ordre de la nature

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