Même si la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Alan Ganoo, ne lui était adressée à la mi-journée, le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques, Anil Bachoo, a passé un sale temps et quart d’heure à l’Assemblée nationale. Les obstructions sur le lit du Ruisseau du Pouce avec les travaux de construction de la troisième voie entre Caudan et le front-de-mer sur la Nationale ont été présentées comme l’un des principaux facteurs ayant contribué aux inondations avec la mort d’au moins huit personnes au Caudan Underpass et au Port-Louis Harbour Front.
Devant le refus du Speaker, Razack Peeroo, d’accorder au leader de l’opposition de proposer une ultime interpellation supplémentaire au Premier ministre, Navin Ramgoolam, l’opposition a effectué walk-out vers midi aux cris de « Bachoo kriminel ! » et « Bachoo demisione ! » Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques avait tenté de se dédouaner une première fois auparavant en affirmant par le biais d’un Point of Order qu’à l’époque de l’adoption du projet de loi pour recouvrir une partie du Ruisseau du Pouce en 1998, il n’était nullement le ministre de tutelle car, à cette époque, il détenait le portefeuille du Commerce dans le gouvernement de sir Anerood Jugnauth. Il voulait répondre à Showkutally Soodhun, qui l’avait attaqué sur ce point.
Cette affaire de Ruisseau du Pouce recouvert fait partie de la polémique sur la cause des débordements catastrophiques au Caudan Waterfront. Répondant au leader de l’opposition, qui avait soutenu que l’une des causes de ces débordements reste les travaux sur le chantier du Ruisseau du Pouce liés à la troisième voie, le Premier ministre a riposté que l’ancien gouvernement dirigé par sir Anerood Jugnauth avait fait adopter un texte de loi pour permettre qu’une partie de ce ruisseau soit recouverte en vue de la construction d’immeubles, dont Rogers House ou encore le FKC sur La Chaussée.
Même si de manière répétée le Speaker s’est appesanti sur la gravité du dossier avec onze victimes de ces inondations, ou encore Navin Ramgoolam à l’effet que l’heure n’est nullement pour des opérations de « scoring points », les échanges sur la PNQ portant sur les inondations de samedi se sont déroulés dans une ambiance de tension avec chacun des deux côtés de l’hémicycle renvoyant le blâme sur l’autre. Les menaces de la présidence de la Chambre de mettre un terme prématuré à la PNQ n’ont eu aucun effet sur les membres de l’Assemblée nationale.
Exceptionnellement, la séance du jour n’a été consacrée qu’à la PNQ suite aux événements dramatiques du week-end. Les parlementaires ont observé une minute de silence à la mémoire des 11 victimes qui ont péri dans les inondations de samedi à Port-Louis principalement.
Ganoo : Eu égard aux pluies torrentielles de samedi à Port-Louis, avec la perte de douze vies humaines, le Premier ministre peut-il obtenir les informations suivantes, soit des services de météo sur l’absence de bulletins d’avertissement sur les risques et les débordements conséquents comme cela avait été le cas à la Réunion, du commissaire de police sur les mesures prises pour venir en aide aux membres du public et restreindre l’accès à la capitale et de confirmer à quelle heure et sous quelle présidence le Disaster Management Committee s’est réuni, les mesures d’urgence prises par rapport à la situation et aux sinistrés de Canal Dayot et les mesures prises pour remédier aux graves lacunes dans le système de drainage d’eau relevées après les précédentes inondations du 13 février dernier ?
Navin Ramgoolam devait préciser qu’il a constaté de visu les misères engendrées par les crues subites de samedi. Il s’est dit conscient que rien ne ramènera jamais la vie de toutes ces personnes emportées par les flots. Il a souligné qu’il importe d’établir les faits tels qu’ils sont. Les chiffres montrent, selon lui, la quantité, l’intensité et la soudaineté du grossissement des flots. « Nous sommes en effet victimes de flashfloods. » Il devait dans la même veine citer la survenue d’inondations dans des pays tels la Chine, qui a causé un million de décès ; la Grande-Bretagne en novembre 2000 ; les États-Unis qui ont connu des milliers de victimes en 2005 ; 1 200 personnes mortes aux Philippines en 2011 et d’autres victimes plus récemment en Russie. C’est un phénomène, dit-il, « que l’on doit examiner. » Ces crues subites constituent un problème pour la communauté scientifique, poursuit le PM, ajoutant qu’aucune solution claire n’a encore été trouvée à ce problème.
S’agissant de l’absence d’alerte de pluies torrentielles, Navin Ramgoolam a précisé que « les services météorologiques ont détecté une zone d’instabilité depuis jeudi mais il était difficile de prédire la tournure des choses. » Pour lui, il est « unsafe » d’établir une comparaison avec les prévisions établies pour La Réunion. De 11h30 à 12h, il y a eu, dit le PM, 1,4 mm d’eau ; entre 12h et 12h30, 0,4 mm ; entre 12h30 et 13h, 0,4 mm ; entre 13h et 13h30, 8 mm ; entre 13h30 et 14h, 37mm ; entre 14h et 14h30, 50 mm ; entre 14 h30 et 15h, 41,4 mm et 15 mm d’eau en seulement six minutes, soit entre 14h12 et 14h18.
Ce qui a induit le Premier ministre à déclarer que cet événement est dû au changement climatique et que, même « avec les équipements les plus sophistiqués, il serait impossible de prédire » la tournure des choses.
Il devait en outre informer qu’à partir de 13h35 samedi, l’inspecteur Muttur est intervenu à la radio pour mettre le public en garde contre les dangers sur les routes. Par ailleurs, la police est allée au secours des membres du public qui étaient piégés par les inondations. À partir de 15h30, la Special Mobile Force a prêté secours aux membres du public au Caudan et s’est mise à la recherche des personnes introuvables. Un hélicoptère a aidé au transport de personnes blessées vers l’hôpital SSR.
S’agissant du National Disaster Committee, les principaux concernés se sont réunis à partir de 15h39 aux Line Barracks. La SMF, la SSU et la NCG ont été déployées dans les endroits affectés.
Selon le PM, suivant les inondations de février 2013, des travaux ont démarré à Canal Bissoon, Rivière Lataniers, Canal Dayot et à Batterie Cassée. Navin Ramgoolam a ajouté que « le gouvernement ne s’épargnera aucun effort en vue d’assurer la sécurité de la nation. » Il a par ailleurs rendu hommage au « continuel élan de solidarité » dont ont été témoins les sinistrés.
A ce stade de la réponse du Premier ministre, faisant état de la décision d’avoir recours à des experts de Singapour pour revoir tout le système de prévision du temps, des protestations se sont fait entendre dans les rangs de l’opposition. Navin Ramgoolam, ne peut poursuivre sa réponse.
Ramgoolam : You don’t want to listen to the answer. …
Speaker : Silence please. Il faut laisser le Premier ministre poursuivre sa réponse.
Ramgoolam : La police a fait de son mieux dans les circonstances…
Bhagwan : Twa ki responsab..
Bancs du gouvernement : La honte ! Pe fer Cheap Politics…
Speaker : Order ! Order ! I’m on my feet.
Les échanges entre le député Rajesh Bhagwan et le Private Parliamentary Secretary Hossen se poursuivent avec des accusations réciproques de vouloir tirer un capital politique sur le dos des victimes des inondations. Le Speaker rappelle à l’ordre le PPS Hossen et le député Bhagwan en réclamant qu’il ne voulait plus de provocations. Le Premier ministre bouclera sa réponse liminaire en mettant en exergue l’élan de solidarité qui a vu le jour depuis dimanche envers les victimes des inondations tout en remerciant tous ceux qui se sont relayés 24 heures sur 24 pour assurer les opérations de recherches sur les lieux du sinistre depuis samedi jusqu’à ce matin.
Ganoo : Au nom de l’opposition, j’exprime mes condoléances auprès des proches des victimes et également tous les sinistrés de ces inondations. Puis-je venir à la partie consacrée aux prévisions de la météo ? Le Premier ministre est-il au courant que dans son bulletin de 11h30 le samedi 30, la météo avait trouvé que le temps allait être plutôt nuageux en faisant état de l’Est, du Sud et du centre de l’île. Par contre, à La Réunion, depuis vendredi, il était question d’alerte vigilance avec les Réunionnais informés de revoir leurs plans pour le week-end pascal en raison des conditions climatiques difficiles. Il y a une différence fondamentale dans les deux prévisions. Comment explique-t-il cela ?
Ramgoolam : Let us look at the facts. La Réunion a été affectée bien avant Maurice. Le bulletin de la météo de la Réunion de 6h47 vendredi dernier avait soutenu que le soleil était au rendez-vous. Ce ne fut qu’à 19 heures ce même vendredi que la situation allait changer avec La Réunion affectée par cette masse nuageuse alors que le matin les services météo de La Réunion avaient prévu du soleil.
Ganoo : Sera-t-il d’accord que l’un des problèmes demeure le fait que la station météo de Vacoas ne dispose pas des services d’un radar pour mieux suivre les phénomènes météorologiques ? Ce fait est concédé. Le gouvernement n’a pas investi dans cet équipement car il trouvait que le coût était onéreux. Pourtant, dans son rapport en 2008 sur les inondations fatidiques de Mont-Goût en 2008, le juge Domah avait recommandé que la météo soit dotée des équipements nécessaires. Mais rien n’a été entrepris par les autorités et récemment M. Dumputh est venu dans la presse pour dire que le radar ne sera disponible que dans deux ans…
Ramgoolam : Let me remind the leader of the opposition of one thing. Le radar de la météo est tombé en panne depuis 2002. And you were in government…
Cette remarque du Premier ministre relance la polémique au sein de l’hémicycle.
Cette remarque du Premier ministre relance la polémique au sein de l’hémicycle avec les bancs du gouvernement accusant l’oppositon et vice-versa.
Bancs du gouvernement : Zot ine fane !
Bancs de l’opposition : La honte pou zot !
Ramgoolam : That’s the fact. I’m stating the facts…
Jhugroo : Onze dimoune finn mor ladan…
Speaker : I’m on my feet. Honourable Bhagwan, please listen…
Labelle : Zot pé fer Cheap Politics…
Speaker : Cette affaire est extrêmement sérieuse et mérite toute notre attention dans la sérénité la plus totale…
Cet appel de Razack Peeroo n’atténue pas pour autant la tension au sein de l’hémicycle avec le Premier ministre reprenant le fil de sa réponse au milieu du brouhaha.
Ramgoolam : I’m stating the facts. J’ai posé la question du radar au directeur de la météo. Il m’a fait comprendre que même avec les services du radar, il aurait été difficile de prévoir le timing et l’endroit exacts de samedi. Dois-je faire comprendre qu’il n’en est pas seulement le cas de faire l’acquisition d’un radar au coût de Rs 345 millions. Il est aussi question de formation pour une utilisation et un rendement au maximum de cet équipement. Nous ne pouvons dévoiler le nom du pays où le radar a été commandé tant qu’un MoU n’aura pas été signé.
Ganoo : Si tout va bien, la météo aura son radar dans deux ans. Dans son rapport recommandant que la météo soit pourvue des équipements nécessaires, une étroite collaboration avec la météo de La Réunion avait été préconisée. Le siège de la MWO pour suivre les cyclones et autres phénomènes de la météo est installé à La Réunion. Y a-t-il des échanges entre les deux services ? Si tel avait été le cas, ils auraient dû émettre un avertissement pour Maurice alors que le Premier ministre semble blâmer La Réunion au niveau des prévisions.
Ramgoolam : I’ve stated the facts (un brouhaha interrompt la réponse avec un rappel à l’ordre du Speaker.) La météo n’a pas de radar depuis 2002. Je ne suis pas en train de blâmer les autorités de La Réunion. Je n’ai fait que répéter ce qu’elles ont prévu. Je dois dire que les deux services de météo ont une étroite collaboration.
Ganoo : Le Premier ministre parle d’experts de Singapour aujourd’hui. Mais depuis 2008, le rapport Domah a remué le doigt dans la plaie en faisant état des lacunes au niveau des équipements de la météo…
Bancs du gouvernement : To ti dan gouvernman en 2002…
Speaker : Silence !
Ganoo : Le Premier ministre concédera-t-il le fait qu’il y a une grosse lacune au niveau du protocole pour les pluies torrentielles ? Ce protocole ne fait provision que pour les écoles et rien pour le week-end. D’ailleurs, la météo a soutenu qu’il n’y avait pas lieu d’émettre un avis de pluies torrentielles samedi car il n’y avait pas d’école.
Ramgoolam : There are some difficulties with the protocol. Je partage le point de vue du leader de l’opposition. Mais le radar ne fonctionne pas depuis 2002. Nous avons déjà initié des négociations. Le vice-Premier ministre et ministre des Finances a déjà prévu le financement dans le précédent budget. Mais il ne faut pas oublier qu’avec les pluies torrentielles de samedi, il y a 11 victimes. Ce n’est nullement une question de scoring points. J’ai fait état des faits et j’ai fait une demande aux experts en vue de revoir toute la situation.
Bhagwan : Koupab là li là…
Ganoo : En 2008, le juge Domah avait fait des propositions. Mais il est la considered view de tout un chacun que la police a échoué dans sa tâche. Le comité sur les désastres ne s’est réuni qu’à 15h29 alors qua le journée de courses hippiques avait été annulée depuis la deuxième course, soit à 13h20. Des éléments de la police, dont la SMF, la SSU ou encore le Quick Intervention Group auraient dû être sur le terrain pour intervenir en faveur de ceux prisonniers des eaux dans des véhicules.
Speaker : Dois-je rappeler au leader de l’opposition qu’il propose trop de questions en un seul coup et qu’il y a des risques des questions restent sans réponses. Les Standig Orders n’autorisent pas trop de questions supplémentaires d’un seul coup.
Ramgoolam : Je n’ai as dit que la réunion avait démarré à 15h29. Les hauts gradés de la police étaient sur le terrain depuis bien avant. Le commissaire de police avait convoqué la réunion. Mais il fallait attendre l’arrivée des participants. In the meantime, needful was done…
Cette réponse suscite des protestations de la part de l’opposition.
Ramgoolam : J’ai déjà dressé la chronologie des faits. They want to score points. Pour la première heure, soit de 12h à 13h, il n’y a eu que 0,4 mm de pluies par demi-heure. Tout s’est dégradé à partir de 13h…
Ganoo : Mais les caméras de surveillance de la police dans les parages du Caudan auraient pu être d’une utilité. À Canal Dayot, des sinistrés ont dû chercher refuge sur le toit de leurs maisons. Ils ont lancé des SOS à chaque quart d’heure. Mais il n’y a pas eu d’intervention de la police.
Ramgoolam : Je ne suis pas d’accord avec le leader de l’opposition. I command the police force in the circumstances.
Alors que le leader de l’opposition interpelle le Premier ministre au sujet de la présidence du Disaster Committee, le Speaker intervient pour rappeler que la demi-heure accordée pour la PNQ est écoulée depuis longtemps mais qu’il accordera des supplémentaires en raison du sérieux du dossier.
Ganoo : Avec es inondations du 13 février dernier où la PPS Bholah avait eu de gros problèmes, les travaux de la construction de la troisième voie sur la Nationale sous la supervision de la Road Development Authority et le ministère des Infrastructures publiques avait été mis en cause, rien n’a été fait. Aucune mesure corrective. Et encore les travaux sur l’autoroute et la Ring Road avec du béton partout n’ont également pas aidé la situation. Le Premier ministre est-il au courant que dans son rapport de 2008, le juge Domah avait attiré l’attention sur cette invasion du béton constituant des obstacles pour l’évacuation de l’eau des pluies torrentielles ?
Bancs de l’opposition : Démissionnez !
Ramgoolam : They had put the question. They don’t want to listen to the answer. Puis-je rappeler que vers la fin des années 1990, une partie du Ruisseau du Pouce avait été recouverte après l’adoption d’un projet de loi du gouvernement de sir Anerood Jugnauth…
Bancs de l’opposition : Bachoo sa !
Le Premier ministre poursuit sa réponse dans le brouhaha en rappelant que ce projet de loi visait à permettre à Rogers et à d’autres compagnies du privé, dont KFC, de construire sur le Ruisseau du Pouce. Le Speaker tente en vain d’intervenir pour maintenir le décorum et l’éthique de la Chambre. Alan Ganoo répond que les 195 et 200 millimètres de pluies dans le temps n’avaient pas donné des résultats dramatiques.
Bachoo (visiblement ébranlé par cette attaque frontale de l’opposition) : On a point of personal explanation, je n’étais pas le ministre des Travaux à cette époque, j’étais le ministre du Commerce. (Il faisait allusion directe à la remarque de Showkutally Soodhun à son encontre.)
La tension continue à monter au sein de l’hémicycle. Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques est pris pour cible. Le leader de l’opposition intervient pour une nouvelle interpellation supplémentaire. Le couperet de la présidence tombe.
Speaker : Time is over !
Razack Peeroo ne cède nullement aux pressions de l’opposition pour qu’Alan Ganoo puisse proposer une interpellation supplémentaire. Il n’en démord pas. Presque tous les membres de l’opposition sont sur leurs pieds
Speaker : Time is over !
Alan Ganoo donne le signal du walk-out et tous les députés de l’opposition quittent l’hémicycle aux cris répétés de « démission ! » ou encore « Bachoo kriminel ! »…
PNQ/CAUDAN WATERFRONT : Sale temps pour Anil Bachoo
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