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PNQ: Echanges houleux sur la carte d’identité

La Private Notice Question du leader de l’opposition sur le contrat de Rs 1,1 milliard alloué à la Singapore Cooperation Enterprise et à Crimsonlogic Pte Ltd, sans passer par les appels d’offres, pour la nouvelle carte d’identité nationale, s’est déroulée dans la controverse avec des échanges houleux entre le gouvernement et l’opposition. Paul Bérenger a saisi cette opportunité pour demander au Premier ministre Navin Ramgoolam d’intervenir auprès de son homologue de Singapour, le coût présenté par la Singapore Cooperation Enterprise étant nettement plus élevé que les cotations soumises par trois autres firmes internationales de Rs 400 millions lors d’un précédent exercice d’appel d’offres. Il a souhaité voir les deux gouvernements prendre la décision d’éliminer la Non-Disclosure Clause pour que le contrat signé le 17 octobre 2012 puisse être rendu public. Il affirme que l’une des raisons justifiant la décision de garder secret ce contrat est que l’une des clauses autorise la possibilité d’augmenter le coût au-delà des Rs 1,1 milliard proposés jusqu’ici.
De son côté, le ministre des Technologies de l’information et de la Communication (TIC), qui répondait à la PNQ, a établi « un record notoire qui pourra être difficilement battu » dans les annales parlementaires avec une réponse liminaire d’un peu plus de 30 minutes alors que cet exercice doit se dérouler en une demi-heure aux termes des Standing Orders. Devant ses répétitions et explications sur le track record des deux compagnies de Singapour, Tassarajen Pillay-Chedumbrum a été rappelé à l’ordre par le Speaker de l’Assemblée nationale Razack Peeroo. Celui-ci lui a ordonné d’être « relevant » dans ses réponses.
Face aux accusations de l’opposition au sujet de l’octroi de ce contrat sans appel d’offres, les parlementaires de la majorité, dont le ministre des TIC, sont revenus sur une « affaire de dîner entre un agent politique notoire et un des soumissionnaires du précédent appel d’offres ». D’autres ont tout simplement cité le nom du restaurant La Bonne Marmite en ajoutant d’aller rechercher plus de renseignements auprès de « Ti-Frer ».
Un autre record établi lors de la séance de ce matin concerne la ponctualité pour le début des travaux. Alors que la semaine dernière, le retard était de huit minutes, pour la séance du jour, il est passé à un quart d’heure avec les deux derniers membres de la majorité à regagner l’hémicycle étant le ministre Pillay-Chedumbrum et le Premier ministre Navin Ramgoolam. Probablement, l’une des raisons de ce retard serait la visite de courtoisie du ministre d’État du Tourisme du Bihar, qui a assisté au début des travaux parlementaires.
Bérenger : Le ministre des TIC peut-il révéler à la Chambre, par rapport à l’introduction de la nouvelle carte d’identité nationale sur la base d’informations disponibles à la State Informatics Limited l’identité des soumissionnaires, les différentes cotations aussi bien que le nom de la compagnie choisie et approuvée par le board lors de l’exercice de mars 2009, le montant payé à la Singapore Cooperation Enterprise et Crimsonlogic Pte Ltd pour les services de consultants, comment est constitué le montant de Rs 1,1 milliard du projet et si une copie de l’accord signé le 17 octobre dernier sera rendue publique ?
7,3 M d’euros de Sagem
Pillay : Je remercie le leader de l’opposition de me donner l’occasion par le truchement de la PNQ de pouvoir dissiper tout doute subsistant autour de cet important projet touchant la population. La National Identity Card Act de 1986 prévoit que la durée de vie de la carte d’identité nationale est de dix ans.
Les premières ID Cards ont été émises en 1986 et subséquemment par voie de Regulations, la validité de la carte a été étendue. Il est connu que l’actuelle ID Card comporte plusieurs lacunes avec des risques et des menaces à la sécurité. Elle peut être « tampered with ». Et il existe aussi un manque cruel de caractéristiques de sécurité. En sus de cela, il n’y a aucun moyen de procéder à des vérifications au sujet de l’authenticité de ce document. Cette formule de cartes d’identité n’est plus utilisée dans le monde entier.
En novembre 2008, la State Informatics Limited s’était vue confier la responsabilité de System Implementor pour de nouvelles cartes d’identité nationale. Le 14 janvier 2009, un Request for Proposal a été lancé et adressé à sept compagnies présélectionnées. Il a aussi été décidé que cet exercice soit exempté des dispositions de la Public Procurement Act aux termes de l’article 3 (1), et un General Notice a même été publié dans la Gazette du Gouvernement à cet effet.
Trois des sept avaient soumis des cotations variant de 6,8 millions d’euros à 8,4 millions d’euros avec Sagem cotant 7,3 millions d’euros. Le comité d’évaluation s’est réuni en mars avec le choix portant sur l’offre de Sagem. Mais le contrat n’a pas été alloué car les autorités étaient parvenues à la conclusion que « the multiapplication of National Identity Cards was not the best practice » et qu’il y avait un besoin urgent que les « smartcards to be electronically secured ». En 2009, il n’y avait aucune provision pour la « certification ».
Le 6 novembre 2009, il a été décidé de recourir à un accord de gouvernement à gouvernement pour la mise à exécution de ce projet. Les procédures d’appel d’offres engagées ont alors été gelées. Entre-temps, nous nous sommes rendus compte que le nombre de cartes d’identité nationale falsifiées était en hausse à Maurice et l’un des objectifs du gouvernement était de renforcer l’aspect sécuritaire de la carte d’identité. Le 26 mars 2010, la décision était entérinée de confier la mise en oeuvre du projet à la Singapore Cooperation Enterprise suite à un accord de gouvernement à gouvernement…
Bérenger : San pass par Tender…
Bhagwan : … Maurice Lam…
Pillay : En avril, un Memorandum of Understanding avait été signé et le 17 octobre, un accord signé avec la Singapore Cooperation Enterprise pour le projet de cartes d’identité nationale.
À ce stade de son intervention, le ministre se lance dans de longues explications au sujet du mandat de la Singapore Cooperation Enterprise. Il est interrompu une première fois par l’opposition, l’accusant de faire perdre du temps à la Chambre.
Aadil Meea : Li pe fer publisite Singapour sa… Reponn kesyon.
Tassarajen Pillay-Chedumbrum reprendra, toutefois, de plus belle le fil de ses explications sur la base des notes en sa possession, soulignant que « this project is long overdue depuis 1995 » et que différents gouvernements ont tenté en vain de trouver la solution.
Bhagwan : Maurice Lam…
Bancs du gouvernement : Al dimann Baby Chuttur…
Devant le fait que le ministre des TIC persiste et signe dans la lecture de la performance de la Singapore Cooperation Enterprise, l’opposition proteste de manière véhémente.
Speaker : Order ! Order ! Order !
Jhugroo : Li bizin aret sote pile !
Bhagwan : Li pe fer sa pou pa ena kesyon siplemanter…
Bérenger : Shame ! Shame ! C’est de la lâcheté…
Speaker : Order ! Order ! Order…
Pillay : Nous ne devrons pas nous engager dans de la politique politicaille sur un dossier aussi important.
Bérenger : Shut up ! To pe refiz reponn. Filou… It’s time wasting…
Pillay : My duty is not only to answer to the question of the Honourable Member. Je dois éclairer la presse sur ce projet.
Nouvelles vagues de brouhaha au sein de l’hémicycle avec l’opposition protestant et le gouvernement applaudissant.
Speaker : … The minister must be relevant…
À ce stade, le ministre s’engage à faire état du track record de Crimsonlogic Pte Ltd provoquant de nouvelles protestations de l’opposition.
Pillay : Cette compagnie, incorporée en 2004, est engagée dans le projet e-judiciary à Maurice.
Bérenger : Without tender…
Pillay : L’exécution de ce projet se fait sous l’égide de la Cour suprême.
Bhagwan : Al lir rapor l’Audit to fer bien…
Pillay : Ce projet a bénéficié du feu vert de l’Attorney General.
Les protestations de l’opposition se font encore plus sonores alors que Tassarajen Pillay-Chedumbrum maintient le cap en révélant que le 31 août 2010 un Non-Disclosure Agreement avait été signé à cet effet. Devant la ligne qu’a adoptée le ministre, alors que 25 des 30 minutes s’étaient déjà écoulées, la présidence de l’Assemblée nationale se décide à intervenir.
Speaker : I’m sorry. The question put was specific. La réponse doit être spécifique. So let’s be relevant…
Pillay : Mais…
Bérenger : Now the minister is challenging the ruling of the Chair…
Speaker : Let’s have some order. My ruling is clear. And I hope that what I have said have been understood properly…
Pillay : Le paiement est de Rs 10 millions et le paiement n’est fait qu’à la satisfaction du client.
Le ministre poursuit en révélant que comparativement au précédent contrat où le nombre de cartes d’identité était de 800 000, pour le présent, il est passé à 900 000. Le coût proposé par la partie singapourienne est de Rs 1,1 milliard. Tassarajen Pillay-Chedumbrum énumère les différents aspects du projet avec les dépenses envisagées respectivement. Cette énumération de coûts suscite des commentaires de l’opposition.
Bhagwan : Beh komision, to pa inn dir komie ?
Pillay : Check with one of your agents…
Assirvaden : Al dimann Baby Chuttur ! Li pou dir twa !
Pillay : Toutes les précautions ont été prises en stricte conformité avec la loi. Pour ce qui est du contrat, au nom de la sécurité nationale, il ne sera pas rendu public…
Bérenger : Shame…
Pillay : Dois-je faire ressortir que dans le General Notice de 2009, il était question de sécurité nationale et nous avons le devoir d’assurer cette sécurité…
Speaker : The question is very specific…
Bérenger : Il a refusé de rendre public cet accord. Aster li kasyet …
Pillay : J’ai dit pour des raisons de sécurité…
Bérenger : Il y a des Rulings de la présidence dans le cas des PNQs que lorsque des ministres ont épuisé le temps imparti, du temps supplémentaire est accordé pour les interpellations…
Speaker : Ne vous en faites pas ! Tel sera le cas.
Bérenger : Dans la partie de sa réponse au sujet de l’appel d’offres de mars 2009, il a cité trois cotations, dont le montant est de l’ordre de Rs 400 millions alors que pour le contrat signé avec les Singapouriens, le montant proposé par ceux-ci est de Rs 1,1 milliard ?
Pillay : Je vais relire la partie relative de la réponse liminaire.
Le ministre cherche la partie concernée dans ses papiers.
Opposition : Rod Ipad…
Bérenger : Si c’est Rs 400 millions, de ce fait les Rs 1,1 milliard sont nettement supérieurs et sans passer par des appels d’offres ? Dois-je rappeler au ministre que lors d’une précédente interpellation à l’Assemblée, il avait donné la garantie que le contrat initial alloué à ces deux entités de Singapour était pour l’aspect consultancy. Le contrat était d’une durée de trois mois. Il avait ajouté que pour les contrats subséquents, les procédures d’appels d’offres allaient être de rigueur. Pourquoi a-t-il trahi cet engagement ?
Pillay : A cette époque, c’était le volet consultancy. We just started the kick-off. En juillet 2011, il y a eu le contrat de gouvernement à gouvernement.
Bérenger : Dans sa réponse, le ministre a peint en rose Crimsonlogic Pte Ltd. Mais il semble occulter les critiques sévères de l’Audit sur le projet à la Cour suprême confié à cette société sans appel d’offres. Le gouvernement a été sévèrement blâmé à cet effet ?
Pillay : Le leader de l’opposition prétend maîtriser toutes les informations. Mais il doit savoir ce qui s’est passé à un dîner notoire…
Cette réponse du ministre fait monter la tension au sein de l’hémicycle avec les parlementaires de la majorité vociférant « La Bonne Marmite » ; al dimann « Ti-Frer ».
Bérenger : je dois dire que je suis surpris d’apprendre du ministre que le prix de Rs 1,1 milliard émane de la partie singapourienne…
Cette partie des échanges est interrompue par des remarques des deux côtés de la Chambre avec le Speaker essayant d’intervenir pour rétablir la discipline.
Bérenger : Nous avons entendu que le prix proposé est de Rs 1,1 milliard. Une des raisons pour lesquelles l’accord est gardé secret est que le coût pourrait subir des hausses. Peut-il confirmer ce détail ?
Pillay : La raison est simple. Si nous avions accepté l’offre de Sagem, les cartes auront coûté Rs 650 millions sans l’aspect sécuritaire ; dans le cas présent, tout est pris en charge avec l’accord gouvernement à gouvernement.
Bérenger : Le refus du gouvernement de rendre public cet accord est éloquent. Il veut cacher la vérité sur le coût.
Pillay : Je peux donner l’assurance que tout a été fait en conformité.
Uteem : Peut-il révéler un exemple où Singapour a produit des cartes d’identité pour un autre pays ?
Bérenger : Aucun.
Pillay : J’ai déjà donné la réponse.
Bhagwan : Peut-il nous informer du rôle de Maurice Lam du BoI dans cette affaire ?
Pillay : Je n’en vois aucune référence…
Bhagwan : Al rode bien kot rekin-la ete ?
Les députés Roopun, Lesjongard et Ganoo viennent, juste avant l’ultime question supplémentaire du leader de l’opposition, en direction du Premier ministre.
Bérenger : La question s’adresse au Premier ministre. Il y a deux ans, des cotations avaient été soumises par trois compagnies lors d’un exercice d’appel d’offres. Elles étaient de Rs 400 millions. Maintenant, nous nous retrouvons avec un projet de Rs 1,1 milliard. J’en appelle au Premier ministre pour qu’il intervienne auprès de son homologue de Singapour au sujet de la proposition de la Singapore Cooperation Enterprise en vue de revoir ce dossier avec des appels d’offres et la participation de cette compagnie ; et également dans le but de revoir la clause de confidentialité du contrat.

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