Quelques jours à peine après que le pays a célébré avec faste son cinquantième anniversaire d’indépendance en présence de plusieurs invités de marque, le conflit violent qui oppose le gouvernement à la présidence de la République est en train de porter un très mauvais coup à la réputation du pays.
Pour la première fois depuis l’accession de Maurice à l’Indépendance, on se retrouve devant une crise constitutionnelle d’envergure, sous les regards ébahis non seulement de tous les Mauriciens mais de la communauté internationale. Depuis la semaine dernière, Maurice bénéficie d’une couverture de presse aux quatre coins du monde mais pour de mauvaises raisons. L’annonce du projet de la présidente de la République avait fait rapidement le tour du monde, mais son refus de démissionner a été tout autant médiatisé.
Cette fois, alors que tout le monde attendait que le Premier ministre annonce la décision qu’il a prise pour sortir le pays de cette crise, sa conférence de presse de jeudi a accouché d’une souris. Il a simplement annoncé que la question serait abordée pour la deuxième fois au conseil des ministres hier. Mais à la surprise générale, le communiqué concernant les travaux du conseil des ministres ne pipe mot sur la crise constitutionnelle, même pas pour faire mention que les décisions prises par le cabinet spécial de jeudi dernier indiquaient que le gouvernement se penche sur la ligne à suivre.
Toutefois, c’est la présidente de la République qui a pris à plusieurs reprises l’initiative ces derniers jours, en premier lieu pour faire savoir que dans un courriel adressé au Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo, elle avait bien fait comprendre qu’elle n’a aucune intention de soumettre sa démission. En deuxième lieu, pour annoncer que c’est Me Yousuf Mohamed qui dirigera un panel d’avocats pour la représenter devant un tribunal dans l’éventualité où la motion de destitution serait présentée à l’assemblée nationale. Laquelle motion impliquait l’institution d’un tribunal par le Chef juge pour étudier la justesse de la demande du Premier ministre de destituer la présidente. Son dernier coup fourré a été l’annonce de l’institution d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur l’octroi d’une licence de banque d’investissement par la FSC au groupe Alvaro Sobrinho, sur les circonstances dans lesquelles la présidente a été nommée sur le board du Planet Earth Institute, sur les circonstances de l’octroi de la Platinum Card à la présidente et les transactions encourues ainsi que sur les fuites bancaires, entre autres. Visiblement, Ameenah Gurib-Fakim est disposée à mener une lutte à mort pour protéger son image et préparer une sortie honorable.
La réplique du Premier ministre a été tout aussi cinglante. Il accuse la présidente de la République de violation grave de l’article 64 de la Constitution, qualifie l’instauration de la commission d’enquête de nulle et non avenue et d’acte illégal. Lorsqu’on ajoute à tout cela l’annonce du Premier ministre selon laquelle il compte révéler de graves informations sur la présidente, nous pouvons mesurer la gravité de la situation. Le pays est traîné dans la boue. On a l’impression que deux pouvoirs s’affrontent avec une violence inouïe. Pourtant, tous les légistes le diront, il n’y a qu’un seul pouvoir, le pouvoir politique. Il revient au Premier ministre de prendre les décisions qui s’imposent pour empêcher la détérioration de la situation. Beaucoup lui reprochent déjà d’avoir laissé traîner la situation et de n’avoir pas eu le courage de convoquer le Parlement avant la célébration de la fête de l’indépendance. D’autres s’attendaient à ce qu’il convoque le Parlement hier. Son autorité est plus que jamais mise en cause.
La situation a trop duré alors que de grands défis attendent le pays. Pravind Jugnauth est la seule personne à disposer de tous les pouvoirs constitutionnels pour mettre fin à ce conflit qui fait du tort au pays. C’est à lui de relever le défi de l’opposition, qui l’accuse de ne pas avoir l’étoffe d’un Premier ministre. L’intérêt général du pays arrivera-t-il à primer sur les intérêts particuliers ? Souhaitons que de part et d’autre la sagesse puisse primer et que personne ne s’aventure à pratiquer la politique de la terre brûlée.