PISTES DE RÉFLEXION – Le pays va mal, en effet

FAIZAL JEEROBURKHAN

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Le pays a fait un parcours honorable depuis son accession à l’indépendance en 1968 malgré les prédictions alarmistes du rapport de James Meade en 1961 et de V.S. Naipaul (Sunday Times) en 1972. Ces deux auteurs se sont basés sur le fait que l’économie du pays était axée sur une monoculture fragile, un marché domestique restreint, un taux de chômage élevé, des infrastructures désuètes, une éducation inadaptée, entre autres. Mais grâce à certains politiciens visionnaires, intègres et patriotes, une constitution robuste héritée du pouvoir colonial, une Fonction publique disciplinée avec des hommes et des femmes de valeur, des institutions indépendantes et performantes, le soutien des organisations internationales et l’aide de certains pays amis, nous avons réussi le miracle économique. Malheureusement, nous avons mal abordé le troisième millénaire avec une détérioration évidente sur le plan politique et socio-économique ayant eu pour résultat une descente aux enfers croissante quant à l’administration des affaires du pays.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Voici quelques pistes de réflexion.

La politique, exercice du pouvoir dans une société organisée, est souillée par le pouvoir de l’argent, le communalisme, le castéïsme, l’hypocrisie, la trahison, les mensonges, les fausses promesses, la démagogie, l’opacité, le népotisme, la fraude et la corruption, les crimes politico-financiers, les agents « roder bout », les alliances de complaisance bidons et contre-nature, les financements occultes des partis politiques, les politiciens vieillissants indéboulonnables…

La Constitution, loi suprême du pays qui date de l’Indépendance, comporte de nombreuses faiblesses (ex: First Past The Post, Best Loser System, le système électoral, le fonctionnement du parlement, la concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre, entre autres) décriées par les politiciens quand ils figurent au sein de l’opposition mais adulées par ces mêmes personnes une fois au pouvoir.

Le parlement, temple de notre démocratie, a perdu de son lustre d’antan, est devenu méconnaissable. Les principes démocratiques sont renvoyés au rencart ; la moralité et l’éthique politique sont bafouées ; et le niveau des débats parlementaires est pitoyable.

La démocratie, régime où le peuple détient le pouvoir de façon collective, est réduite à l’hégémonie « d’un petit groupe, par un petit groupe, pour un petit groupe » ; l’élite politique – en concubinage avec l’élite économique – parvient toujours à maintenir leur suprématie et à tout contrôler sur le dos du peuple.

La méritocratie, pierre angulaire de la démocratie, est métamorphosée par le népotisme et le favoritisme ; des agents politiques et des membres des familles accaparent des postes clés, des contrats publics et des terres de l’État.

La bonne gouvernance, la gestion des ressources en vue du développement économique et social équitable et durable, est remplacée par la mainmise du pouvoir politique sur les institutions publiques et l’appareil de l’état.

La transparence, la libre circulation de l’information pour combattre l’injustice, la fraude, la corruption, le népotisme, le favoritisme, le communalisme etc, est dominée par une culture d’opacité avec des lois baillons sur la liberté d’expression et les droits humains.

Des institutions publiques, piliers de notre développement économique, social et environnemental, ont perdu de leur indépendance et de leur efficacité en raison d’une politisation à outrance ; des professionnels intègres et compétents sont remplacés par des agents politiques lèche-bottes et médiocres.

L’économie, moteur de notre développement, se retrouve dans un état critique et déplorable. Les indicateurs économiques, notamment la croissance économique, la dette publique, la balance des paiements et le déficit budgétaire, sont en zone rouge. Le chômage, l’inflation, la dépréciation de la roupie, l’insécurité alimentaire, la diminution de nos exportations, la réduction des investissements étrangers, le gaspillage des fonds publics et la baisse de notre pouvoir d’achat constituent des freins à notre épanouissement.

La moralité, socle de la bonne gouvernance, est communément ignorée. Même si les valeurs comme l’intégrité, la sincérité, le respect, la discipline et l’empathie « pa ranpli vant », elles sont néanmoins essentielles à un développement équitable et durable. On se retrouve malheureusement avec une élite politique majoritairement corrompue qui ne pense qu’à gagner et maintenir le pouvoir pour ensuite assouvir son insatiable appétit (et ceux de leurs « chatwas ») en utilisant abondamment les fonds publics.

L’avenir de notre pays repose en grande partie sur la qualité et l’engagement de nos concitoyens. Nous pouvons agir collectivement pour redresser la barre. Il suffit qu’on ne se laisse pas embobiner par des politiciens véreux et qu’on se mette au travail avec assiduité et ferveur pour l’avancement du pays et pour le bien-être de nos enfants et nos petits-enfants.

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