Il fallait, incontestablement, l’anticiper. La déferlante phénoménale du 11 novembre, avec son 60-0, devait finir par toucher terre… et s’écraser. Avant d’en arriver là, à se casser la gueule, les dégâts peuvent (et doivent, on l’espère bien !) être limités. Entre-temps, néanmoins, il faut avaler quelques pilules margoz.
La dernière qui nous a été donnée est le prix du carburant, qui reste inchangé, malgré les baisses à l’international. Dans son souhait de rendre la vie du citoyen moins amère, l’Alliance du changement avait, parmi d’autres, brandi cette promesse-là. Qu’elle ne peut tenir, aujourd’hui. Du moins, pas pour le moment, se sont chargés d’expliquer et de marteler Michael Sik Yuen, ministre du Commerce, autant que le Junior Minister aux Finances, Dhaneshwar Damry, dans le cadre des consultations prébudgétaires en cours.
Oui, avant de fer labous dou, il faudra inévitablement en avaler quelques-unes, de ces pilules margoz. Et cela, justement la population n’en veut pas. Quand il faut, cinq mois après le super feel good factor, toujours réduire son caddie et encaisser à la pompe, difficile d’avaler la pilule. Navin Ramgoolam l’a compris, et c’est pour cette raison qu’il profite de la moindre occasion pour rappeler que lui et ceux qui l’entourent soupçonnaient bien que notre économie était dans un sale état, mais pas à ce point-là. Malgré le fait que les signes avant-coureurs étaient bien là… Comme cette manie de Pravind Jugnauth de “fann kas partou” à la moindre opportunité. Et voilà le résultat !
Un gouvernement d’amateurs et d’arrogants qui a navigué à vue d’oeil. Qui a dilapidé les fonds et où plusieurs proches du pouvoir s’en sont mis plein les poches. Mais, attention, ce gouvernement avait lui aussi fait des promesses s’il revenait aux affaires. L’on se demande bien comment Pravind Jugnauth et sa kwizinn s’y seraient pris, sachant qu’ils avaient déjà… pillé et vidé les caisses de l’État.
À leur décharge, Ramgoolam, Bérenger et leurs alliés ne pouvaient pas deviner que l’économie était en si piteux état. Il ne s’agit pas de justifier ni d’excuser Ramgoolam et compagnie. Depuis quatre mois qu’ils tiennent les rênes du pouvoir, chacun se brûle régulièrement les doigts en réalisant à quel point pwalon la pa so, li bouyan ! Ce qui impacte grandement des projets que le pays aurait pu réaliser, si les données étaient différentes. Et il y a aussi ce qui tarde à venir, comme ces mesures de redressement et de reprise qui mettront le pays sur la bonne pente.
Comme accélérer l’accès à l’autosuffisance alimentaire et encourager davantage de compatriotes à se tourner vers cette voie. Certes, légumes et fruits ne pousseront pas en une semaine pour constituer un grenier adéquat. Mais, de surcroît, face aux caprices de Donald Trump de jouer avec les cordons de la bourse mondiale, nous gagnerions à développer d’autres avenues que le seul tourisme… Secteur qui continue, hélas ! à prendre l’eau, semaine après semaine.
Il y a aussi ces exemples qui viennent d’en haut. Par exemple, que les ministres touchent des salaires qui correspondraient davantage à la situation économique. Pourquoi est-ce que c’est seulement au citoyen de trinquer ? Une vague de solidarité, avec des exemples venant des décideurs, entraînerait un meilleur élan national. Diminuant considérablement le goût amer de la pilule…
Navin Ramgoolam voulait rompre avec une certaine pratique politique qui, selon ses propres mots, a fait son temps. Voilà l’occasion rêvée de passer à l’action ! Construire une île Maurice 3.0 ne se fera pas qu’en discours. Il faut impérativement des actions. La croisée des chemins à laquelle nous nous trouvons doit être un landmark pour un redémarrage sur des fondations plus solides et viables que celles qui nous tiennent pour l’heure, mais qui menacent de céder à la moindre secousse.
Dhaneshwar Damry a bien expliqué que le premier budget de l’Alliance du changement sera l’entame, les premières esquisses du road map, du Bridge to the Future, qui s’échelonnera sur les cinq prochaines années. Mais le citoyen est impatient. Entre certaines nominations qui laissent perplexes et des mesures qui tardent, le nombre de pilules margoz à avaler semble augmenter ! Heureusement que ce week-end avec Pâques, les chocolats dissiperont un peu cette amertume…
Husna Ramjanally