Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, croit que bon nombre d’électeurs s’intéressent ces temps-ci à la diversité des tendances. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle il a choisi de poser sa candidature dans la circonscription de Stanley/Rose-Hill (No 19) lors des prochaines élections générales. Son parti, dit-il, n’a pas encore décidé s’il ira seul ou en alliance pour cette joute électorale. Une chose est sûre cependant : En Avant Moris ne présentera pas de candidat dans la circonscription de Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est (No 10). « Nous ne participerons pas à cette partielle. Parce que c’est une mascarade aussi coûteuse qu’ennuyeuse. Le MSM peut faire son cinéma, nous n’achèterons pas les pistaches », dit-il.
Pourquoi vous avez dit que le gouvernement « pe mont lakaz letaz lor lakaz tol » à propos du budget ?
Je veux dire que le budget aurait dû, en principe, apporter des réponses aux problèmes économiques, mais le budget proposé repose sur des fondements fragiles. Un ministre des Finances respectable et raisonnable aurait présenté des prévisions pour l’inflation et le déficit commercial. À plus forte raison, dans le contexte actuel d’inflation et de dépréciation de la roupie. Or, il fait l’impasse sur ces deux indicateurs, comme si ce n’était pas important. Donc, nous voyons bien que la belle maison qu’il essaie de nous vendre n’a pas de fondations solides et ne tardera pas à s’écrouler lorsque l’inflation aura rogné dans tous les revenus. Pas seulement dans les revenus des plus faibles économiquement, mais y compris dans ceux de la classe moyenne.
Dans quelle circonscription souhaitez-vous poser votre candidature pour les prochaines élections générales ?
Je travaille dans la circonscription No 19 depuis la campagne pour les élections de 2019. Donc, cela fait maintenant plus de cinq ans que j’ai dit aux électeurs de cette circonscription que je n’allais pas les abandonner et que j’allais incarner l’opposition extraparlementaire. C’est aussi dans cette circonscription qu’En Avant Moris a pris naissance.
C’est très symbolique et les électeurs du No 19 savent que j’ai non seulement tenu parole, mais j’ai encouragé la diversité des tendances au sein de cette opposition extraparlementaire. C’est donc au No 19 que je dois poser ma candidature. Mais En Avant Moris sera aussi présent dans les circonscriptions de Grand-Baie/Poudre-d’Or (No 6), Savanne/Rivière-Noire (No 14), Curepipe/Midlands (No 17), Belle-Rose/Quatre-Bornes (No 18) et Beau-Bassin/Petite-Rivière (No 20).
En Avant Moris ira seul ou en alliance ?
C’est prématuré de parler d’alliance même si En Avant Moris est très sollicité. Il faut d’abord comprendre pourquoi nous voulons être au Parlement. C’est cela la vraie question pour l’électorat de nos circonscriptions. Notre objectif d’être au Parlement, c’est pour être un rempart contre les excès de ceux qui accèdent au pouvoir.
Voyons cela maintenant avec le regard de nos électeurs qui ne se retrouvent pas dans les partis de la majorité. Nous sommes populaires auprès d’un électorat qui s’identifie mal au leadership actuel des grands partis. Nous apportons une fraîcheur, un nouvel élan qui leur donne enfin envie de s’intéresser à la politique. Beaucoup de nos sympathisants sont excédés de ces films à répétition qui n’ont rien changé à leur quotidien. Ceux-là sont très en colère et inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Ces électeurs ont été délaissés par des politiciens qui ont perdu le contact avec le terrain et n’entendent plus ce que les citoyens ont à dire.
Or, nous, nous sommes là ! Nous nous rapprochons, nous voyons ce qu’ils voient et nous sommes à l’écoute. Quand on écoute plutôt que d’entendre à distance, nous vivons leur détresse avec eux. Nous partageons avec eux ces problèmes du quotidien qui ont été rapportés aux autorités, sans que cela ne mène à des solutions réelles et durables. Nous partageons avec eux ces moments de désillusion, de découragement. On se dit qu’on n’a pas le droit de les laisser tomber.
Donc, nous avons nos orientations et toute discussion sur un accord éventuel portera d’abord sur les mesures que nous envisageons pour le mieux-être de nos futurs mandants. Nous voulons faire entendre la voix de notre électorat au Parlement et, pour cela, il faut s’entendre pour faire un contrat de gouvernement avant ou après les élections.
Pourquoi pas le MSM ?
Soyons sérieux : je ne vais quand même pas vous citer les grands titres de votre journal durant ces neuf dernières années ! Ni ceux de vos confrères. Cette gouvernance actuelle du MSM, ou plutôt cette mise à mort de la gouvernance, arbitraire et cynique, nous n’en voulons ni pour nous, ni pour nos enfants.
Qu’est-ce que les électeurs attendent de vous ?
Les électeurs dans les six circonscriptions où nous nous présentons ont des attentes très précises. Ils attendent que leurs députés les aident à communiquer avec cet énorme éléphant qui s’appelle l’État et qui avance en écrasant tout sur son passage. Ils nous demandent de les aider à naviguer dans un système de plus en plus complexe et perçu comme arbitraire. Ils nous font part de leur dégoût de ces scandales qui montrent le succès de ceux qui réussissent sur la base de copinages politiques et comment le système délaisse ceux qui ne rentrent pas dans l’équation.
Nous ne pouvons pas changer l’éléphant, c’est la nature de l’État. Mais nous pouvons changer la nature arbitraire du système. Il faut s’assurer que l’éléphant avance en prenant les citoyens sur son dos plutôt qu’en les écrasant. Les électeurs nous demandent d’être ceux qui vont ouvrir le passage à l’éléphant, qui va faire grimper les électeurs sur son dos. Pour cela, les partis qui veulent gouverner ont autant besoin de nous que nous avons besoin d’eux.
Avez-vous rencontré Xavier-Luc Duval pour discuter alliance ?
Pas que lui ! J’ai rencontré plusieurs de mes homologues dirigeants de parti. Nous n’avons convenu d’aucune alliance et personne ne vous dira que j’ai discuté de tickets pour les prochaines élections. J’ai déjà dit, dans votre journal même, que je suis ouvert au dialogue avec les dirigeants politiques et que je refusais le fanatisme. Je pense qu’il y a beaucoup de bonne volonté dans plusieurs partis.
Le plus important avant même de parler d’alliance, c’est de pouvoir considérer ces partis qui partagent nos valeurs. Nous sommes pour la démocratie, pour le respect des institutions, pour l’égalité des chances. C’est donc important que nous nous parlons pour bien comprendre si nous pouvons nous battre aux côtés de ceux qui militent pour ces valeurs.
Quelles sont les retombées de votre rencontre avec le commissaire électoral ?
Il faut bien réfléchir à moderniser le système. Nous pensons que le commissaire électoral essaie d’œuvrer en ce sens. Nous soutiendrons les initiatives prises pour que les élections se passent de la manière la plus Free and Fair possible. Donc, en ce sens, le commissaire électoral entend nous démontrer qu’il aura réussi ce qu’il voulait entreprendre. Je lui souhaite de réussir. C’est impératif ! Pour lui, comme pour le pays.
Êtes-vous prêt avec votre programme électoral ? Quelles en sont les grandes lignes ?
Oui, nos équipes ont passé quatre ans sur le terrain à écouter nos concitoyens. Le bureau politique a orienté sa réflexion pour le programme sur quatre grands axes : économie, social, gouvernance et écologie.
Pour la gouvernance, comme on le sait déjà, nous avons déjà évoqué des réformes telles que le renforcement des protections de la Constitution elle-même, soit de recourir au référendum pour tout amendement que le gouvernement au pouvoir souhaiterait mener aux chapitres I et II de la Constitution. C’est important de ne pas toucher aux libertés fondamentales des citoyens sans que ceux-ci ne se prononcent sur la question.
Nous avons aussi préconisé la réforme de la police, afin que nous ayons d’une part la police régulière que nous connaissons, et une police judiciaire où l’on retrouverait des juristes pour assister les enquêteurs afin qu’ils soumettent des dossiers plus solides à la validation du DPP.
Il y a aussi la nécessité d’instaurer une Commission de la diversité dans la fonction publique. Il s’agit, d’une part, d’assurer une meilleure représentativité des composantes de la population au sein de la fonction publique, parce que le déséquilibre actuel suscite des frustrations au sein des minorités.
Pour l’économie, nous sommes bien conscients que les entreprises mauriciennes se soucient de la stabilisation de la roupie et que pour la population, la lutte contre l’inflation est un enjeu crucial. Cependant, il faut que nous puissions résoudre cette double problématique immédiatement sans perdre de vue que l’enjeu majeur c’est comment on relance le secteur productif dans notre pays afin de sortir de l’endettement.
Pour le social, nous estimons que notre pays a besoin de convoquer les assises de l’Éducation parce qu’il est clair que nous avons un système éducatif qui ne permet pas aux plus vulnérables de réussir socialement.
Pour l’écologie, il est impératif que la société civile retrouve et reprenne la parole dans les prises de décision. Mais il faut, avant toute chose, que notre environnement ait un statut légal, avec une Ombudsperson pour entamer des procédures de justice quand ses droits sont lésés. Il faut que tous les partis se mettent d’accord dessus afin de protéger cet écosystème que l’économie traditionnelle a fragilisé. Nous n’oublions pas nos artistes pour qui nous préconisons un One-Stop-Shop pour toutes leurs démarches administratives et un lieu de concert par district.
En Avant Moris présentera-t-il un candidat au No 10 ?
Non, nous ne participerons pas à cette partielle. Parce que c’est une mascarade aussi coûteuse qu’ennuyeuse. Le MSM peut faire son cinéma, nous n’achèterons pas les pistaches.
Quels sont les enjeux des prochaines élections générales ?
L’enjeu est de taille : soit on accepte de sombrer dans l’arbitraire le plus cynique… car il est question d’en faire payer les conséquences à nos enfants. Soit on résiste pour remettre le pays sur la voie de la démocratie et construire un cadre de vie plus équitable pour tous. Ce n’est pas pour rien que notre devise est Lil Moris pou nou tou. Notre génération ne supporte plus le fait que ce pays soit favorable à quelques-uns seulement.
Quels sont les nouveaux membres du parti ?
Ils sont nombreux. Je peux vous parler de deux éléments féminins qui sont devenus des chefs de file : au No 17, nous avons Anne Robert, ancienne journaliste spécialisée sur les questions économiques, et au No 14, nous avons Jessica Lafleur, comptable dans une société privée. Nous avons aussi des personnes comme Yasser Doobory, Sharven Cuttarree, Ally Jeerooburkhan qui viennent épauler Nita Jadoo, Alexandre Pougnet, Hanley Raddhoa, Christopher Durhone et moi-même.
Et comme dans tous les partis, nous avons aussi ce regroupement de volontaires anonymes qui se vouent corps et âme pour créer la mobilisation sur le terrain. Ces gens-là sont extraordinaires ; sans eux, nous ne sommes rien. Je n’hésite pas à le dire ainsi parce que ce sont ces personnes qui ont souhaité l’existence d’EAM, ce sont eux qui nous font confiance et répondent présents quand nous avons besoin d’eux.