L’accès aux devises étrangères continue d’être un casse-tête chinois pour beaucoup de Mauriciens. En effet, moins d’une semaine après l’injection de USD 50 millions dans le circuit monétaire par la Banque de Maurice, et au lendemain des assurances données par le gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam, lors du point de presse organisé après la réunion du MPC, des commerçants nous ont fait part hier de leurs difficultés à avoir accès aux devises étrangères pour l’achat de produits essentiels, dont les médicaments.
« Nous avons frappé en vain à la porte de plusieurs banques », nous confiait ainsi un pharmacien, qui observait que d’autres confrères du secteur sont confrontés aux mêmes difficultés. Avec pour conséquence une pénurie de certains médicaments. « Il nous faut faire la queue et attendre jusqu’à 12 jours pour avoir des devises. Encore faut-il que nous ayons de bonnes relations avec les banquiers concernés », fait remarquer notre interlocuteur avec amertume.
Mais où vont toutes ces devises qui entrent à Maurice, que ce soit par le biais de l’industrie touristique ou des services financiers, les deux Main Drivers en matière de devises étrangères ? À cette question, l’ancien ministre des Finances Rama Sithanen observe qu’une « partie du Corporate Sector ne joue pas le jeu ». Ceux qui ont des devises pensent que le dollar va s’apprécier, et donc le gardent et empruntent de l’argent en roupies, voire ils laissent leurs devises à l’étranger. « Nous avons un marché noir officiel avec des taux en dehors de ceux recommandés par la Banque centrale. »
Il fait état particulièrement du « forward exchange contract », qui serait largement pratiqué dans les milieux bancaires en ce moment. Il semblerait que le problème réside dans la confiance en la roupie, et les commerçants appréhendent chaque jour la fluctuation de sa valeur. C’est donc une question de confiance.
Jeudi, le gouverneur Harvesh Seegolam a donné l’assurance qu’il possède le « firepower » nécessaire pour contrôler la volatilité de la roupie. Interrogé par la presse, il a donné les garanties que « la roupie continue de refléter les principaux fondamentaux économiques de l’offre et de la demande, ainsi que les mouvements des devises internationales ». Poursuivant : « La Banque centrale est intervenue sur le marché le lundi 8 et a vendu pour USD 50 millions à Rs 46,76. Alors que nous approchons des commandes de fin d’année, je tiens à rassurer le marché du fait que la Banque de Maurice suivra de près la situation et qu’elle est prête à intervenir pour assurer un approvisionnement ordonné de devises. » Son appel sera-t-il entendu ?
Il a annoncé par la même occasion que des guidelines sont en préparation concernant les forward exchange contracts en consultation avec les banques. Il semble que le temps presse. Entre-temps, la BoM aurait dû ouvrir un guichet pour enregistrer toutes les plaintes quotidiennes des opérateurs commerciaux et des citoyens en général. Ce qui lui permettrait de se faire une idée en temps réel de l’ampleur du problème des devises.
Tous ces problèmes ont des effets sur le coût de la vie, qui est déjà plombé non seulement par la hausse du fret à l’international, par aussi par les problèmes au niveau portuaire, où les produits ne débarqueraient pas à temps. Il n’est pas étonnant qu’un sondage réalisé par StraConsult pour le compte d’Afrobarometer révèle que 85% des Mauriciens considèrent que le gouvernement gère très mal la stabilité des prix à Maurice.
Autre question qui intéresse en ce moment la population, c’est que malgré les procédures en vue de l’organisation de l’élection partielle dans la circonscription No 10, avec l’enregistrement des candidats, et malgré les remarques du Premier ministre adjoint au Parlement vendredi, beaucoup pensent que l’élection n’aura pas lieu. D’aucuns pensent que, comme cela a été le cas plusieurs fois auparavant, le Parlement sera dissous bien avant cette élection. En vérité, c’est la campagne en vue des élections générales qui commence. D’autant que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a annoncé qu’il présentera bientôt son bilan pour les cinq dernières années et ses projets pour les cinq années à venir.
Jean Marc Poché