- Les passeurs ont déjoué la surveillance pendant le week-end mais les mouvements des suspects ont trahi l’opération récupération à terre
- La carte de connexion dans les rangs de la police au Nord du suspect Brian Ricco, qui avait pris la fuite de La Réunion lors d’un raid de la gendarmerie en mai 2019
Le coup visant à faire entrer sur le territoire quelque 100 kilos de cannabis d’une valeur marchande de Rs 150 millions était presque parfait. La cargaison de drogue a effectué la traversée La Réunion/Maurice sans aucune difficulté. Le débarquement au large de la côte Sud-Ouest, notamment dans la région du Morne s’est déroulé sans anicroche. Ainsi, dès lundi matin, le convoi de trois véhicules, avec le policier Jean Hugues Rabot ouvrant la voie au volant d’un van avec la plus importante quantité de drogue, était en route sans encombre. Mais ce que Brian Ricco, moniteur de Kitesurf, âgé de 33 ans, présenté comme le cerveau du réseau du Nord – en voie de démantèlement avec l’opération Mazik de la PHQ Special Striking Team de l’assistant surintendant Ashik Jagai –, n’avait pas soupçonné est que ses mouvements durant le week-end allaient le trahir en laissant filtrer que la cargaison était arrivée à Maurice.
C’est du moins ce qu’indiquent des éléments d’informations recoupés par Le Mauricien auprès des sources concordantes au sujet des dessous des opérations du trafic de drogue pour le compte du réseau du Nord. À ce jour, sept suspects sont en détention pour le délit aggravé de trafic de drogue et dont parmi un membre de la force policière alors qu’un autre constable est activement recherché par les enquêteurs pour son rôle de premier plan au cœur de ce trafic de drogue. Les Police Headquarters prévoient de rétablir une ligne de communication directe avec leurs homologues de l’île sœur pour un échange d’informations tout au moins dans un premier temps pour faire avancer cette enquête.
À ce stade, le Central CID et la PHQ Special Striking Team conjuguent leurs efforts en vue de comprendre comment les 100 kg de cannabis, d’une valeur marchande de Rs 150 millions, sont entrés sur le territoire pour assurer la livraison dès lundi aux petites heures du matin. Les policiers sont plus que convaincus que cette cargaison a été acheminée par voie maritime depuis La Réunion, dont le trajet aurait été effectué en vedette durant le week-end.
Ce détail confirme que ceux ayant fait le voyage de La Réunion à bord d’une embarcation, ont déjoué avec une facilité déconcertante le barrage en mer à moins que la tactique de la police était de permettre à la cargaison d’être livrée pour procéder à des arrestations Red–Handed.
La direction générale de l’Anti Drug & Smuggling Unit (ADSU), qui devra se voir confier la responsabilité de l’enquête, n’écarte pas la possibilité de solliciter la collaboration des autorités réunionnaises, tant pour faire la lumière sur cette affaire que pour identifier les cultivateurs de Zamal, approvisionnant les trafiquants mauriciens. Des sept suspects arrêtés jusqu’ici, les enquêteurs s’intéressent plus particulièrement à Bryan Ricco (33 ans), bénéficiant de la collaboration et du soutien d’un réseau de policiers dans le Nord.
Ce moniteur de kitesurf est détenteur d’une licence de skipper et dispose d’une parfaite maîtrise des voies navigables en mer. La police l’avait déjà arrêté en mai 2019, le soupçonnant alors d’avoir pris la fuite de La Réunion lors d’un raid de la gendarmerie, qui avait arrêté plusieurs suspects transbordant de la drogue. À l’époque, la police avait cru savoir qu’il s’était échappé à bord de la vedette Al Dhaene, et que le propriétaire avait dit avoir loué au suspect.
Mais le trentenaire avait nié s’être rendu l’île sœur. Aussi, il a été libéré sous caution en septembre de l’année dernière. Malgré cela, les Field Intelligence Officers de la Northern Division avaient décidé de garder un œil sur lui, car Bryan Ricco est considéré comme un skipper d’expérience, qui plus est connaissant parfaitement la route maritime vers La Réunion.
Aussi, sur la supposition que l’homme était rentré bredouille de l’île sœur, les enquêteurs ont pensé qu’il pouvait avoir à rembourser ses dettes auprès des commanditaires de l’expédition ratée, et qui ont perdu gros dans cette affaire. Pour autant, malgré son passif avec les autorités policières, Bryan Ricco entretenait de bonnes relations avec certains policiers dans le Nord.
L’un des policiers est d’ailleurs accusé d’avoir apposé une fausse signature dans le Diary Book du poste de police de Trou-aux-Biches, et où le suspect devait signaler sa présence lorsqu’il était en liberté conditionnelle. Après son arrestation, ce policier indélicat avait ainsi déclaré : « mo kamrad sa ! li sonn mwa, li dir mwa fer enn lizaz ar li, met call avan 8 h. »
Outre ce policier, Bryan Ricco connaissait également bien le constable Jean Hughes Rabot, lui aussi arrêté dans le cadre de cette saisie de 100 kg de cannabis, de même que deux autres policiers d’une unité spécialisée. Aussi les enquêteurs de la PHQ Special Striking Team le soupçonnent-ils d’être un membre clé de la bande arrêtée lundi.
Depuis quelque temps, les Field Intelligence Officers avaient en effet noté des mouvements suspects dans l’entourage de Bryan Ricco, à qui rendaient visite des personnes à l’allure louche et à la mine patibulaire à son domicile de Pointe-aux-Piments. Raison pour laquelle les Police Headquarters avaient demandé à des policiers de « met tranpe » depuis trois semaines déjà, afin de suivre les déplacements de Bryan Ricco.
C’est ainsi que le cerveau présumé derrière l’importation illicite de 100 kilos de stupéfiants a été vu en train de discuter avec Joe Enzo Romeo Louis (22 ans) et Louis Gerald Carnen (23 ans), deux des suspects arrêtés dans le sillage de l’opération Mazik de Rivière-Noire, et également des habitants Pointe-aux-Piments. La police a fini par comprendre ce qui se passait lorsque le suspect a rencontré le Boat Helper Louis Arman Allas (36 ans).
C’est en apercevant Enzo Romeo Louis sortir à birr d’un 4×4 à une heure tardive dimanche que la PHQ Special Stricking Team a compris qu’une cargaison de drogue devait entrer au pays incessamment. Aussitôt, les hommes de l’ASP Jagai ont été mis en alerte, tandis que les mouvements en mer étaient épiés.
Finalement, les images des caméras du Safe City Network de la côte Ouest ont permis de voir trois véhicules suspects, à bonne distance les uns des autres, roulant à vive allure en direction de Tamarin vers 3h du matin.
La police a pu intercepter un van blanc à hauteur de Petite-Rivière-Noire. Au volant se trouvait le constable Jean Hughes Rabot. Peu après, les policiers ont arrêté un 4×4, conduit par Enzo Romeo Louis, et où se trouvaient également Jean Lajaro Meunier (33 ans) et Louis Arman Allas. Et enfin une Audi, à bord de laquelle se trouvaient James Laurent L’enteté (31 ans), le chauffeur, et Bryan Ricco. Un quatrième véhicule suspect a néanmoins réussi à prendre la fuite.
Lors de leur détention In Communicado , les sept suspects ont préféré garder le silence sur cette importation de drogue. Ils ont été traduits hier après-midi au tribunal de Bambous sous forte escorte policière.
Inculpés sous une accusation provisoire de trafic de drogue, ils demeurent en détention préventive. La police a en effet fait état du risque que ceux-ci puissent tenter de fuir la justice, manipuler les preuves et/ou interférer avec les témoins. Leur prochaine comparution est prévue pour le 11 octobre.
Leur interrogatoire formel devrait débuter dès que les suspects seront assistés d’un avocat. Ce qui est déjà le cas de Louis Gerald Carnen, défendu par Me Anoup Goodary, et du constable Jean Hughes Rabot, qui a, lui, retenu les services de Me Steven Sauhoboa. Les avocats ne se sont cependant pas encore entretenus avec leurs clients. Une fois fait, ils établiront avec la police un calendrier de travail en vue des séances d’interrogatoire.
Il est également prévu que les membres de la bande soient examinés par un médecin de la police avant la fin de la semaine. De son côté, la PHQ Special Striking Team poursuit ses investigations en vue de mettre la main sur les autres protagonistes de ce réseau de drogue.