Le père, Bruneau Laurette, ne participera pas aux séances d’interrogatoire avec ses avocats évoquant une violation des Judge’s rules
Le SP Rajaram sermonné en Cour pour non-respect de l’engagement au sujet de l’enregistrement vidéo de la perquisition du 4 novembre à Petit-Verger
Dix-sept jours après son arrestation par la PHQ Special Striking Team (SST), Jean Luca Ryan Laurette (23 ans) se dit « soulagé ». Il a obtenu sa libération sous caution lors de sa comparution devant le tribunal de Moka hier.
« Se enn soulazman an etan inosan ladan. Mo resi trouv sa liberte-la. Enn liberte ant gime, me enn liberte. Konba-la, enn long konba sa », a-t-il déclaré à sa sortie du tribunal de Moka hier après-midi. Tout en remerciant tous ceux qui l’ont soutenu, le jeune homme a cependant une pensée spéciale pour son père, Jean Bruneau Laurette (48 ans). « Kouraz solda ! » a-t-il lancé avec émotion en levant la main, tout en s’interdisant de faire de plus amples commentaires, « car l’enquête policière est toujours en cours ».
Des débats étaient prévus hier sur la motion de remise en liberté conditionnelle présentée la semaine dernière par le Leading Counsel, Me Sanjeev Teeluckdharry, assisté de Mes José Moirt et Akil Bissessur. Me Manjula Boojharut, State Counsel au bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), a informé la magistrate Jade Ngan Chai King qu’elle n’avait aucune objection à la remise en liberté conditionnelle du jeune homme sous les deux charges logées contre lui, soit de possession of drugs for the purpose of selling et de possession of firearms.
Pour la première charge, Ryan Laurette devait ainsi s’acquitter d’une caution de Rs 100 000 et signer une reconnaissance de dette de Rs 500 000, contre une caution de Rs 15 000 et une reconnaissance de dette de Rs 35 000 pour l’affaire de possession d’armes à feu. La Cour a aussi attaché d’autres conditions à sa libération, notamment l’obligation de signaler sa présence chaque jour au poste de police de Grand-Gaube, d’avoir une adresse fixe et un numéro de contact, et de rester disponible pour l’enquête de police.
Les débats étaient en revanche plus animés lors de la comparution de Bruneau Laurette. La magistrate Jade Ngan Chai King a ainsi d’abord sermonné le surintendant Krishna Rajaram, car il n’a pas respecté son engagement pris en Cour vendredi dernier, à savoir de confronter l’activiste social à la vidéo de la perquisition effectuée chez lui, à Petit-Verger, le 4 novembre.
Après quoi Bruneau Laurette s’est adressé à la Cour pour exprimer son souhait que la vidéo en question montre comment les véhicules de police ont pénétré dans sa cour le 4 novembre et comment certains policiers sont entrés par la fenêtre. « Mo anvi sa video-la montre mwa tou bann polisie ki ena enn per legan ble dan zot lamin. Montre mwa kouma inn cuff mwa, inn anpes mwa rant dan mo lasam ! » dit-il.
Bruneau Laurette dit par ailleurs espérer que la vidéo puisse fournir certains détails, notamment concernant deux officiers qui, selon sa version, sont entrés dans sa chambre, mais aussi ceux ayant pris son cellulaire et son portefeuille, contenant deux reçus de football. Il espère également y voir l’inspecteur Ootim, de la SST, lui montrer le mandat de perquisition signé par l’ASP Jagai, de même que deux officiers, munis de gants, ayant frotté « quelque chose » sur son visage et son corps, avant de lui dire « Ala ADN ! ».
Bruneau Laurette ne s’est pas arrêté là . Il a également espéré que la vidéo lui montre ce que l’ASP Jagai lui a dit, de même que les emplacements où la drogue synthétique avait été retrouvée dans sa chambre, autant d’ailleurs que les armes à feu. Mais aussi que l’on y voit la policière qui lui a remis les clés de sa BMW, et qu’il dit avoir refusé de prendre.
Sans compter les policiers entrés dans sa chambre sans qu’il ne soit présent, dit-il, la manière dont ceux-ci ont ouvert le coffre de sa voiture pour en retirer les trois sacs contenant, selon eux, du haschich, ou encore le trajet entre Petit-Verger et les Line Barracks.
Les demandes de Bruneau Laurette ont pris au dépourvu les policiers, même si le SP Rajaram a insisté que la vidéo serait montrée à l’activiste social lors de son interrogatoire. Le haut gradé avait d’ailleurs concédé la semaine dernière qu’il n’avait lui-même pas encore visionné la vidéo. De fait, il dit ignorer à quel moment de l’opération la vidéo commence et si tout ce qu’affirme Bruneau Laurette a pu être enregistré.
Après que son client a demandé à voir tous les détails susmentionnés sur la vidéo, Me Shakeel Mohamed a soulevé un point de droit en Cour, expliquant que la police choisit les questions qui sont posées au suspect lors de son interrogatoire. Ce qui, selon lui, constitue une violation des Judge’s rules, car son client ne peut donner d’informations sur sa version, comme son background.
« Au terme des Judge’s Rules, la police doit informer l’accusé qu’il a le droit d’écrire par lui-même son Statement. S’il ne peut le faire, un officier doit écrire sa version des faits. Ce n’est que dans des cas exceptionnels, après que la police l’a informé de la charge contre lui, qu’elle peut lui poser des questions », ajoute l’homme de loi.
Le Leading Counsel affirme ainsi que Bruneau Laurette ne peut mettre par écrit ce qu’il souhaite dire dans sa déposition en raison, dit-il, de certaines questions choisies spécifiquement par la police. « Mon client ne peut se présenter aux séances d’interrogatoire à chaque fois pour répondre No Answer, sauf si la police vient de l’avant avec des preuves, et non pas faire une Fishing Expedition lors de cet exercice » , affirme-t-il encore.
Le SP Rajaram a en outre affirmé que son équipe n’a pas encore accusé réception du rapport du Forensic Science Laboratory (FSL) concernant les substances saisies chez Bruneau Laurette. Ce qui fait tiquer Me Shakeel Mohamed, qui croit savoir que ces résultats « auront un effet conséquent » sur la suite de l’affaire. Raison pour laquelle il demandait à au moins obtenir les conclusions du rapport préliminaire. En vain.
Du fait de la suspension de l’interrogatoire de Bruneau Laurette et le retard des rapports du FSL et de l’Information & Technology Unit, Me Shakeel Mohamed a présenté une motion pour réclamer que les accusations provisoires contre Bruneau Laurette soient rayées.
Les Grounds présentés par Me Shakeel Mohamed sont « absence of reasonable suspicion », « constant failure to carry out a fair inquiry », « failure by police to carry out severals tests in order to show fairness to accused », « refusal of police to comply to Judge’s rule » et « abuse of process ». La représentant du DPP fera connaître ses objections le 2 décembre.
Me Shakeel Mohamed a également présenté une motion pour réclamer la remise en liberté conditionnelle de Bruneau Laurette. Ce dernier est pour rappel représenté par un panel d’avocats, comprenant Mes Shakeel Mohamed, Rouben Mooroongapillay, Neelkanth Dulloo et Anoup Goodary.