On the Campaign Trail : l’annonce du réajustement salarial prend à contre-pied le privé

Coup de massue et casse-tête anticipés pour les PME

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Adilla Diouman-Mosafeer (Talent Lab) : « Un fort impact sur notre compétitivité à l’échelle mondiale »

La surprise est de taille, et l’agacement à peine dissimulé dans le secteur privé. La hausse des salaires annoncée par le gouvernement a déclenché une incompréhension, doublée d’une levée de boucliers au niveau des entreprises, que ce soit au niveau des associations patronales, des opérateurs économiques et même au niveau des observateurs et des spécialistes du marché de l’emploi et des ressources humaines.

Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab et fondatrice de HR Café, partage ses inquiétudes. Il y aura des effets en cascade, prévient-elle, d’autant que la masse salariale représente un des principaux postes de dépenses des entreprises. « Le budget national a été présenté en juin et à aucun moment on a fait mention d’un rehaussement des salaires. Les compagnies avaient déjà planifié leur propre budget pour la présente année financière », dit-elle. Et l’application de cette hausse avec effet immédiat pose aussi problème « Je suis d’accord qu’on doit Bridge the Gap et assurer une certaine parité entre ceux en haut et ceux au bas de l’échelle, mais il faut des consultations et une stratégie. En outre, cette décision aura un fort impact sur notre compétitivité à l’échelle mondiale. Les investisseurs étrangers choisissent Maurice parce que nous avons une main-d’œuvre bilingue et que le coût des salaires est abordable comparé à d’autres pays ; c’est le cas notamment pour le secteur BPO. Mais là on augmente encore les salaires sans oublier les charges patronales comme la CSG, le PRGF et Climate Levy », poursuit-elle.

Eddy Jolicoeur, qui a exercé au sein de grands groupes et opère désormais à son compte en tant que consultant en ressources humaines, abonde dans le même sens : « Pour certains secteurs qui dépendent des marchés d’exportation, une augmentation des salaires sans une progression correspondante de la productivité peut éroder la compétitivité, réduire les recettes en devises et entraîner des pertes d’emploi. » Par ailleurs, l’un des effets immédiats d’une augmentation générale de salaires sans les gains de productivité appropriés « conduira à un cercle vicieux d’inflation des salaires et des prix ».

À cet effet, il met en garde contre la Stagflation (une situation où l’inflation et le chômage augmentent simultanément, tandis que la croissance économique stagne), qui peut mener à des périodes prolongées de difficultés économiques : « pour Maurice, une économie qui est déjà confrontée à des défis tels qu’un ratio dette/Pib élevé et des vulnérabilités liées aux chocs externes, la stagflation pourrait être particulièrement déstabilisante. »
L’impact de cette annonce aura aussi des effets non-négligeables sur les Petites et moyennes entreprises, selon la directrice de Talent Lab, lesquelles sont déjà en Survival Mode. « Je suis sur le terrain, je les rencontre et les conseille en matière de ressources humaines et pour ces petites entreprises, la hausse salariale que l’on nous impose, représente un coup de massue et un véritable casse-tête », fait-elle ressortir. Pour Adilla Diouman-Mosafeer, cette forte augmentation des salaires aurait dû se faire avec une stratégie pour encourager la productivité et surtout avec l’accompagnement des entreprises, « l’équilibre est Distorted sur le marché du travail. Les salaires ne font qu’augmenter, avec des effets certains sur l’inflation, mais la productivité ne suit pas. »
Au lieu d’une telle annonce, à quelques mois des élections générales, elle estime que le gouvernement aurait dû revoir sa stratégie macro-économique, notamment en termes de Policy Making, mettre en place des stratégies pour contenir l’inflation, travailler au niveau de la politique monétaire, de la politique fiscale et du soutien aux entreprises, sans oublier la formation et l’éducation afin que la main d’œuvre puisse faire face aux défis. Cette spécialiste RH trouve aussi dommage que le gouvernement « valorise les qualifications » dans sa récente annonce, au lieu des compétences, car les Fresh Graduates, n’ont pas encore les compétences nécessaires.
De son côté, Eddy Jolicoeur explique que les révisions salariales devraient être le résultat d’une approche tripartite, impliquant un dialogue entre le gouvernement, les employeurs et les représentants des salariés afin de concilier les intérêts de toutes les parties concernées.

« L’absence de consultation des parties prenantes du secteur privé avant la mise en œuvre d’une telle politique sape la confiance des entreprises », regrette-t-il. Cela, avant d’ajouter que les entreprises sont prises au dépourvu par la décision, ce qui impacte leurs plans d’investissement futurs, réduit leurs projets d’expansion, avec des effets sur la croissance économique future .

« Le gouvernement devrait engager un dialogue constructif avec tous les intervenants afin d’élaborer un plan complet qui harmonise les augmentations salariales et la productivité. Cela pourrait impliquer d’investir dans le développement des compétences et la promotion d’une culture de l’innovation dans les secteurs public et privé. »  Eddy Jolicoeur met en exergue qu’il est essentiel de tenir compte des réalités sectorielles lors de la mise en œuvre de révisions salariales, car différentes industries ont des capacités variables pour absorber cette augmentation, et il incombe d’adapter les politiques aux besoins spécifiques et les conditions de chaque secteur pour assurer des résultats plus équitables et durables.

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