Le procès instruit contre le Deputy Port Master Kaviraj Nawoor, accusé d’homicide involontaire par négligence, a débuté, hier, en Cour intermédiaire devant la magistrate Varsha Biefun. L’acte d’accusation allègue que Kaviraj Nawoor aurait obligé le capitaine Moswadeck Bheenick à prendre la mer à bord du Sir Gaëtan le 31 août 2020 pour remorquer, de Pointe-D’Esny à Port-Louis, la barge L’Ami Constant, alors remplie de fûts de déchets toxiques récupérés à la suite du naufrage du MV Wakashio. Opération à laquelle s’était d’ailleurs opposé le capitaine Bheenick, qui avait demandé son report pour cause de mauvais temps, la mer étant alors démontée.
Peu après, le remorqueur avait chaviré au large de Poudre-d’Or, et quatre hommes avaient péri. Parmi eux se trouvait le capitaine Bheenick, dont le corps n’a par ailleurs jamais été retrouvé. Une Court of Investigation, présidée par l’ancien juge Gérard Angoh, avait ensuite été mise sur pied pour faire la lumière sur le drame. Après quoi le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) avait logé une charge formelle d’homicide involontaire par négligence contre le capitaine Nawoor.
Ce 10 janvier, le capitaine Nawoor a pris place dans le box des accusés. La poursuite, représentée par Me Nataraj Muneesamy, du bureau du DPP, devait ensuite indiquer à la magistrate que « the case is in shape » et que la poursuite était fin prête. Toutefois, Me Neelkanth Dulloo, qui représente l’accusé, a présenté une motion sous la section 10 de la Merchant Shipping Act 2007 pour réclamer l’arrêt du procès.
Ainsi, selon l’homme de loi, quand il y a mort d’homme sur un navire battant pavillon mauricien, le Director of Shipping doit tenir une enquête préliminaire pour déterminer la cause du décès. Or, dit-il, si le gouvernement a bien instauré une Court of Investigation, celle-ci s’est déroulée sans enquête préliminaire. Pour Me Dulloo, il s’agit là d’un vice de procédure. Raison pour laquelle il a réclamé un Permanent Stay of Proceedings, en d’autres mots, l’arrêt pur et simple du procès.
De son côté, le représentant du DPP a immédiatement objecté à la motion. Ce faisant, il a attiré l’attention de la Cour sur la section 3 de la Merchant Shipping Act 2007, selon laquelle cette loi s’applique à tout navire commercial battant pavillon mauricien, à l’exception toutefois des bateaux appartenant à l’État. Il s’est aussi appesanti sur la formulation de la section 10, où il est stipulé que le Director of Shipping « may hold a preliminary inquiry », et non pas « shall hold a preliminary inquiry ». Ce qui signifie, selon son interprétation, qu’il n’y a aucune obligation à tenir une telle enquête. Il a poursuivi en rappelant qu’il s’agit d’une affaire criminelle, initiée par la police sous la Police Act, et qui ne dépend donc nullement de la Merchant Shipping Act.
Neelkanth Dulloo a rétorqué à la Cour qu’il doit avant tout être déterminé si le remorqueur Sir Gaëtan appartenait bien à l’État mauricien. Aussi a-t-il pris l’engagement de produire le Certificate of Registration du bateau par un témoin accrédité, en toute probabilité un cadre de la Mauritius Ports Authority (MPA), lors de la prochaine séance. La magistrate a agréé à cette démarche.
L’affaire a été reportée au 19 mars.