– Washington tente de faire accroire que « this case (la résolution réclamant le départ de la Grande-Bretagne de l’archipel dans un délai de six mois, Ndlr) represents a potentially dangerous precedent for all UN member states »
Le Premier ministre, Pravind Jugnauth : « The 1960s-era colonial dispute (sur les Chagos) and displacement is one of the most shameful episodes in modern history »
Un nouveau tournant est sur le point d’être abordé dans le dossier des Chagos, qui fait l’objet d’un différend politique et diplomatique entre Maurice et la Grande-Bretagne depuis ces 50 dernières années. Avec le vote, ce soir, sur la résolution présentée à l’Assemblée générale des Nations unies par le Sénégal, réclamant entre autres le départ sans condition de la Grande-Bretagne dans un délai de six mois de l’archipel des Chagos, Maurice affiche la confiance de pouvoir rallier une majorité plus importante que celle du 22 juin 2017.
Du côté de Londres et de Washington, où l’on a jeté tout son poids dans un “lobbying” anti-Maurice, cette éventuelle déroute diplomatique est à craindre. C’est ce qu’indique le quotidien britannique The Guardian, dans un ultime “round-up” avant le vote aux Nations unies avec, pour titre, “UK faces thrashing in UN vote on ownership of the Chagos Islands”. Dans le camp de Maurice, avec le Premier ministre Pravind Jugnauth devant intervenir en début de soirée à la tribune des Nations unies, l’on se dit confiant quant à l’issue du vote acculant Londres et Washington dans la reconnaissance des Chagos comme faisant partie intrinsèque du territoire de la République de Maurice.
Toutefois, avant d’intervenir lors de la séance du jour de l’assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre a profité des “Africa Dialogue Series” aux Nations unies à New York, mardi, pour aborder le déracinement des Chagossiens de leurs îles natales et l’excision de l’archipel du territoire mauricien avant l’accession de l’indépendance le 12 mars 1968. « This terrible trauma continues to affect Mauritians of Chagossian origin to this very day. The 1960s-era colonial dispute and displacement is one of the most shameful episodes in modern history », s’est-il appesanti à cette occasion.
En prévision des débats du jour, Pravind Jugnauth s’est appuyé sur les commentaires du secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, qui fait de « migration and displacement a priority of his tenure ». Le secrétaire général des Nations unies s’est également félicité du fait que « Africa has set the global standard for dealing with people forcibly displaced by conflict, climate change and poverty ». Le Premier ministre a ajouté que « Mauritius’ experience illustrates the generosity of African nations – from Chad to Uganda, Ethiopia and beyond – where a third of the planet’s forcibly displaced people are welcomed ». Une manière de saluer la solidarité dont font preuve les Etats membres au sujet de la souveraineté de Maurice sur les Chagos, avec entre autres le “bloc-vote” du 22 juin 2017 pour l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice.
Pour ce qui est du vote du jour, le Guardian note que « the UK is facing a diplomatic rout at the United Nations on Wednesday when the General Assembly is expected to vote overwhelmingly to demand Britain relinquish hold of one of the last vestiges of it’s empire in the Indian Ocean ». Et cela en dépit d’un lobbying diplomatique et politique de Londres et de Washington en faveur d’une abstention au moment du vote « so as to prevent support for Mauritius reaching triple figures ».
Tout en mettant l’accent sur l’importance de la base militaire de Diego Garcia, Washington soutient par voie de déclaration officielle que « this case represents a potentially dangerous precedent for all UN member states, as it could normalise the practice of litigating bilateral disputes through UN general assembly advisory opinion requests, even when a state directly involved has not consented to the jurisdiction of the ICJ ».
La mission permanente de Maurice à New York n’écarte pas la possibilité que la barre des 100 votes en faveur de la résolution du Sénégal sur les Chagos est du domaine du possible. A cet effet, le quotidien anglais affirme que « such a lopsided defeat would also serve to underline British isolation in a battle that many UN member states, particularly in Africa, see as a last stand to preserve a relic of empire, and at a time when its European Union allies, dismayed by Brexit, are no longer automatically offering support. »
« I expect a number of European countries to stand up for the rule of law and show they value and respect the institutions member states have themselves created », fait comprendre l’ambassadeur mauricien à New York, Jagdish Koonjul, au Guardian. À cela vient se greffer la déclaration solennelle du leader de l’opposition britannique, Jeremy Corbyn, prenant à contre-pied la Première ministre, Theresa May, au sujet de l’Advisory Opinion du 25 février dernier. En route pour New York, Pravind Jugnauth a rencontré Jeremy Corbyn. Dans une déclaration diffusée par la MBC, ce dernier a qualifié la rencontre de « très productive ». Il a souhaité que l’Assemblée générale des Nations unies soutienne la résolution concernant la mise en œuvre de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice qui sera présentée demain avant de “move forward”.
Jeremy Corbyn, qui affirme avoir suivi le dossier des Chagos pendant longtemps alors qu’il occupait la fonction de président du Chagos Islands All-Party Group, a avancé être « en faveur » du retour des Chagossiens aux Chagos et de la mise en œuvre du “ruling” de la Cour internationale de Justice. Pour sa part, Pravind Jugnauth s’est réjoui du soutien obtenu de Jeremy Corbyn par rapport aux revendications mauriciennes sur les Chagos.