Les services météorologiques de Vacoas « n’auraient pas dû enlever l’alerte IV de façon abrupte sans avoir fait un état des lieux des réseaux routiers ». C’est ce que soutient, dans l’interview qui suit, Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), ajoutant que « la Météo a une mort sur la conscience ». Cette « bourde », dit-il, a causé la mort d’un travailleur, « qui se précipitait sur son lieu de travail ». Le fait que la Météo « a été forcée d’émettre un avis de vents forts après la levée de l’alerte prouve qu’elle avait tort de laisser le pays sans avertissement ».
Commentant le “recount” dans la circonscription de Stanley/Rose-Hill (No 19), le président de la FCSOU est d’avis qu’une « erreur humaine réalisée intentionnellement pour influencer les résultats d’élections n’est pas une erreur humaine, mais une fraude ». Pour lui, l’exercice de “recount” « aurait dû être arrêté du moment où on a aperçu que 71 bulletins manquaient ».
Enfin, il trouve que le ministère du Travail « a leurré les travailleurs en parlant de Covid Leave », ajoutant que « c’est tout simplement un Vaccination Leave » et que« le Covid Leave aurait dû couvrir ceux qui sont en quarantaine ou en isolement à domicile ».
Comment se présente l’année 2022 pour vous ?
Avec les restrictions qui perdurent dans le pays, je dois dire l’année a changé en terme de date seulement. Sur le plan social, c’est quand même une année différente car certaines traditions mauriciennes qui démarrent normalement le 31 décembre pour aller jusqu’au 1er janvier ont dû être mises au frigo. 2022 n’est pas une année qui apportera du bonheur dans le cœur des Mauriciens, car il y a d’une part des restrictions liées au Covid-19, la peur de contracter le virus, des restrictions imposées par la force policière, les pertes d’emploi, etc. Tout cela pèse dans la balance.
Il y a des gens qui ont démarré la nouvelle année sans de sous en poche car ils ont perdu leur emploi, des collègues qui continuent à se fier à l’assistance gouvernementale pour joindre les deux bouts. Ce n’est pas en tout cas une année normale, remplie de ferveur et de gaieté. Sur le plan social, je constate que la misère continue à frapper les gens, ce qui fait qu’ils sont obligés de se serrer la ceinture.
J’ai aussi constaté que pour accueillir la nouvelle année, beaucoup de gens ont évité de s’engarer dans des dépenses. Allons dire les choses telles qu’elles sont. En 2022, les gens n’ont pas assez d’argent pour dépenser. Il n’y a qu’une poignée de gens dans le pays qui peuvent se permettre des largesses alors que la majorité de la population est en de sérieuses difficultés.
L’année 2022 n’est pas une année favorable sur le plan social pour la population. Je constate aussi que c’est une année très triste sur le plan financier, car beaucoup de gens ont perdu leur travail. Lorsque les gens disent Happy New Year, je crois que le mot Happy est pluridimensionnel. Je n’ai pas encore vu jusqu’ici ce Happiness Index durant la célébration du Nouvel An, qui est passée comme une lettre à la poste car des gens ont hésité à faire des dépenses pour les pétarades. De toute façon, sonner des pétards pour accueillir la nouvelle année n’était pas un acte approprié car il fallait respecter les familles qui ont perdu des proches en raison du Covid-19. Le cœur des travailleurs n’était pas à la fête lors des festivités marquant la nouvelle année.
Il y a, d’autre part, beaucoup de travailleurs qui sont dan dife et qui n’ont pas d’argent parce qu’ils ont perdu leur emploi. La célébration du Nouvel An était plutôt une corvée pour eux car ils souffert de ne pas pouvoir offrir des cadeaux à leurs proches.
Comment avez-vous vécu le passage du cyclone Batsirai ?
Le passage d’un cyclone n’est pas une nouveauté pour les Mauriciens en général. Au fait, c’est une des raisons pour laquelle les Arabes et les Portugais, qui avaient découvert l’île, avaient choisi de la quitter. Il y a trop de cyclones qui s’abattent sur elle. Cependant, je ne comprends pas qu’avec toute expérience, nos infrastructures ne soient pas à l’épreuve des cataclysmes naturels. J’ai constaté toutefois que le CEB a fait des progrès dans le domaine, car même durant la période d’alerte IV, l’île n’était pas en Black-Out, sauf…
Cependant, j’ai été étonné de voir des pylônes électriques qui ont été déracinés durant le passage du cyclone. On peut comprendre que dans le passé le pays ne disposait pas de techniques appropriées pour installer manuellement des pylônes électriques pour résister à de violents cyclones tels que Gervaise et Carol. Mais aujourd’hui, on dispose de facilités mécaniques pour installer des pylônes électriques. J’ai vu en début de semaine qu’un pylône électrique en béton était sur le point de tomber à terre. Est-ce qu’il n’y a pas de superviseurs pour surveiller l’installation de ces pylônes électriques ?
Je constate, d’autre part, que la façon dont les câbles électriques ont été installés sur les pylônes laisse à désirer. On a l’impression que le travail est bâclé. Ce n’est pas, en tout cas, une image esthétique qu’on met de l’avant. Il ne faut pas oublier que de nombreux touristes visitent notre pays et certaines installations les choquent certainement. Je prends un simple exemple, l’autoroute M1. On voit des fils électriques qui alimentent les lampadaires à ciel ouvert alors qu’ils auraient dû être sous terre. C’est ce que j’appelle un travail bâclé. Lorsqu’un lampadaire ne s’allume pas, on le raccorde à un autre et le fil électrique se balade en air. Est-ce qu’en 2022, on va continuer à voir ces genres de scènes ?
Par ailleurs, le service de ramassage d’ordures après le passage d’un cyclone laisse beaucoup à désirer. Les éboueurs ramassent des ordures comme bon leur semble. Je pense que si l’on veut que la capitale reste propre, il faut commencer par installer des poubelles partout au lieu de dire « to zete to tase ». Il est du devoir du ministère de l’Environnement et des Collectivités locales de mettre des poubelles à la disposition de la population. Même en dehors des périodes cycloniques, lorsqu’on emprunte la route de Pailles pour se rendre à Port-Louis, on constate des détritus le long de la route. Il y a donc quelque part quelqu’un qui ne fait pas son travail convenablement. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un ministre qui vient dire qu’il faut protéger l’environnement pendant que son propre gouvernement est en train de le détruire.
En sus de cela, le gouvernement va à l’encontre de certaines de ses directives en autorisant des projets à aller de l’avant sans de certificats EIA. Le gouvernement a pris des engagements à la COP26 et il n’est pas en train de les respecter. Le métro en est un exemple. Il y a aussi le projet de construction d’une route reliant Plaisance au Nord du pays et de 16e Mille jusqu’à Rivière-Noire. Il n’y a qu’à voir les dégâts causés par ces projets aux forêts naturels. Cela ne veut pas en tout en tout cas dire qu’on est en train de tout faire pour diminuer l’émission de carbone dans l’atmosphère. On détruit pour construire des routes.
La décision du gouvernement de mettre en chantier de gros projets n’est-elle pas bonne ?
Je me demande si les autorités se basent sur leurs propres intérêts avant de prendre une décision pour réaliser des projets de développement. Je constate que le gouvernement va encore une fois emprunter de l’argent auprès de l’Inde. Il va endetter encore une fois le pays pour qu’il puisse continuer à étendre le réseau du métro vers le Nord et l’Est du pays. Est-ce cela les priorités du moment ?
Tout cela pour vous dire qu’il y a un manque de planification dans la mise à exécution des projets de développement. Il faudrait mettre en place au sein du gouvernement un ministère qui planifie le développement du pays car il y a dégradation de l’environnement à chaque fois qu’il entreprend un projet de développement. Je prends par exemple les projets de drains.
Des milliards ont été votés dans le budget national pour la réalisation des drains pour l’évacuation de l’eau. L’eau continue à s’accumuler sur les routes et les ronds-points. Est-ce que les ingénieurs qui avaient conçu ces ronds-points et routes n’ont pas réalisé qu’il fallait installer des drains pour assurer les évacuations d’eau ?
Beaucoup de gens disent qu’il ne fallait pas lever l’alerte IV subitement. Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’ils ont levé l’alerte IV soudainement car ils pensent que c’est seulement eux qui sont intelligents dans le pays et qu’ils peuvent faire toutes les prévisions. Ils le font en tout cas dans l’à-peu-près. Lorsqu’on regarde la façon dont la météo opère et émet ses informations, on ne sait pas s’ils sont en train d’utiliser le radar (Dopler) pour faire des prévisions. Installé à Trou-aux-Cerfs, le Dopler est un équipement sophistiqué qui peut surveiller avec précision le mouvement des nuages et des dépressions cycloniques. Je me demande s’ils sont en mesure d’opérer et lire les données de ce radar. J’ai impression qu’il y a pas mal de prévisions que la météo de Maurice est incapable de faire.
Puisque le pays est entouré par la mer, il y a la possibilité que des nuages se forment de façon instantanée à travers le processus d’évaporation et la brise de mer. Cela provoque dans de nombreux cas des pluies torrentielles instantanées. J’ai l’impression que les prévisions de la météo de Maurice sont approximatives et la plus grosse bourde que la météo de Maurice a commise c’est d’avoir levé l’alerte IV à 4h du matin. Et à 4h01, il n’y avait aucune alerte de cyclone dans le pays alors que Batsirai était encore sur sa trajectoire. Nous savons tous que les cyclones sont associés à des pluies torrentielles et des vents forts et violents par moments. Un vent spiral est beaucoup plus dangereux. Un vent spiral peut soulever une voiture.Peut-on ainsi lever une alerte IV de façon brutale sans un constat de l’état de nos routes ? Voilà pourquoi un chauffeur de la compagnie Triolet Bus Service (TBS) a trouvé la mort en se rendant sur son lieu de travail alors qu’il fait encore nuit. Ce n’est pas le travailleur qui est à blâmer. On a levé une alerte cyclonique et la personne a pris sa moto pour aller travailler et a perdu la vie en cours de route. Le décès dramatique de cet employé de TBS doit rester sur l’âme et la conscience de la météo. Que ce drame serve d’exemple au service météorologique de Vacoas?
Nous sommes d’accord avec le fait que nous devons faire rouler l’économie du pays. Nous devons aussi comprendre qu’un humain n’est pas un produit. Nous faisons comme si un humain est un robot et que dès qu’une alerte de cyclone est levée, il doit se mettre en route pour le travail. Avant de lever l’alerte, la météo aurait dû chercher des informations sur l’état du réseau routier, entre autres. On l’a fait sans pour autant mettre en avant un avis de vents forts et de fortes pluies. Ce n’est qu’après avoir réalisé qu’elle a commis une bourde monumentale que la météo a émis plus tard un avis de vents forts et de pluies torrentielles.
Les routes étaient toujours inondées et impraticables. La météo a déstabilisé le monde du travail par rapport à sa façon de faire. Elle a accordé priorité à l’économie du pays au détriment de la vie sociale, de la vie familiale. Un Bread Earner a trouvé la mort en raison de la décision prise la météo. Je pense que dans ce cas, les membres de sa famille doivent faire appel à un avocat pour que justice soit faite.
Qu’est-ce qui explique le fait que 40% du personnel de la fonction publique s’est absenté après la reprise jeudi ?
Au fait, d’après les chiffres qui me sont parvenus, le taux de présence au sein de la fonction publique se chiffrait aux alentours de 40%. Il se pourrait que ce taux soit en réalité de 85% car les policiers, les officiers de prison, les enseignants, les travailleurs travaillent sur des Shifts. Pour moi, un taux de présence de 59% au sein de la fonction publique est raisonnable.
Les raisons qui expliquent l’absence des fonctionnaires sont multiples : maisons inondées, nécessité de faire des nettoyages à l’intérieur des maisons, etc. Il faut savoir que le temps était encore pluvieux car on venait de lever l’alerte cyclonique et beaucoup de routes étaient impraticables. Toutes ces complications ont incité bon nombre de fonctionnaires à ne pas se rendre sur leur lieu de travail. Ils ont pris un congé forcé.
Comment se portent les relations industrielles au sein de la fonction publique en ce moment ?
Au sein de la fonction publique la négociation collective n’existe pas.
C’est le Pay Research Bureau (PRB) qui est censé régler nos problèmes. Malheureusement, cette institution fait la pluie et le beau temps et elle recommande des conditions de service qui lui font plaisir.
Ces recommandations font parfois fi des accords passés entre le management et les syndicats de la fonction publique. Ce qui fait que la négociation collective au sein de la fonction publique n’existe pas en dépit du fait qu’en 2016, le Committee of Application of Standards avait proposé au gouvernement de prendre des mesures afin d’appliquer ce principe de négociation. Cette proposition est restée dans les tiroirs et cela explique pourquoi il n’y a pas de négociation collective.
Nous sommes d’accord sur le fait que c’est le PRB qui fait des recommandations pour nos conditions de service. Mais décider des conditions de service des fonctionnaires ne peut pas se résumer à un exercice unilatéral où c’est le PRB qui prend la décision finale. Le PRB aurait dû opérer comme une plate-forme tripartite ou c’est lui qui aurait dû agir en arbitre. On aurait dû avoir au sein de cette plate-forme les représentants du ministère de la Fonction publique et les représentants des syndicats. Mais ce n’est pas de cette façon que les choses s’opèrent.
En 2016, le gouvernement, après les recommandations du Bureau international du travail, a mis sur pied l’Employment Relations Commission. D’ailleurs, la fédération avait obtenu une “draft legislation” à ce sujet. Il était question que la fédération soumette ses propositions par rapport à cette ébauche. La FCSOU était favorable à la mise sur pied de cette commission car nous étions arrivés à la conclusion que celle-ci aller négocier sur les conditions de service. Nous avons obtenu une correspondance du ministère de la Fonction publique en 2020 sur cette commission. Cette fois-ci, ils ont changé le profil de cette commission où désormais les négociations collectives ne seront pas de mise. Nous n’étions pas d’accord avec cette façon de faire et jusqu’à maintenant le ministère de la Fonction publique n’a pas de plan pour le système de négociation collective dans la fonction publique.
Êtes-vous d’accord avec la décision prise par le gouvernement pour l’introduction du Covid-Leave ?
Je pense que le gouvernement est venu embêter les travailleurs avec la formule de “Covid leave”. À aucun moment, le ministère du Travail, Soodesh Callichurn, est venu dire que les congés de ceux qui sont en isolement seront payants. Pour ceux qui sont en quarantaine, leurs congés seront déduits dans les congés de maladie, congés annuels ou “vacation leave”. Seulement le jour où un travailleur va se faire vacciner, ce jour est comptabilisé comme un “paid leave”, voire un “Covid leave”.
Nous considérons que le “Covid leave” est finalement une “vaccination leave” tout simplement. Nous savons tous que bon nombre de personnes ont de la fièvre au lendemain de la vaccination. Que va faire le travailleur dans ce cas précis.? Il doit certainement puiser dans ses congés de maladie ou dans d’autres “leaves”. Le ministre du Travail a mené en bateau les travailleurs avec le “Covid leave”. Il a fait croire aux travailleurs que lorsqu’ils vont s’absenter du travail après avoir contracté le Covid, ils auront droit à des congés payants. Le “Covid leave” aurait dû couvrir la période de quarantaine ou la période d’isolement à domicile. Il fallait que ces congés soient spéciaux et ne soient pas déduits des congés de maladie, des congés annuels ou des “vacation leaves”.
Le gouvernement doit comprendre qu’un travailleur qui a été infecté sur son site de travail aurait dû avoir droit à des “special leaves”. En d’autres termes, durant son engagement avec le gouvernement pour répondre à ses responsables, c’est en sa capacité de fonctionnaire qu’il a contracté le virus. Le gouvernement dit qu’il est certes venu avec des lois qui accordent beaucoup plus de protection à la classe des travailleurs. J’ai bien envie de savoir où sont ses protections. Si les lois du travail en vigueur ne peuvent pas donner la protection à un syndicaliste contre son employeur, je me demande quelle sorte de protection nos lois du travail accordent aux travailleurs. Nous savons tous que des nombreux syndicalistes ont été démis de leurs fonctions avec les memes lois qui sont en vigueur dans le pays. Pour moi, le “Covid-leave” n’existe pas, c’est un mirage que le ministère du Travail a créé.
Que pensez-vous du “recount” des voix dans la circonscription No 19 ?
Dès le début, nous avons tous constaté que 73 bulletins de vote étaient portés manquants. Je pense que c’était amplement suffisant pour quelqu’un qui serait dans la peau de l’Acting Master & Registrar, de ne pas procéder à l’exercice de recomptage. Ce comptage s’est déroulé dans une condition de fraude électorale.
La disparition des bulletins ne peut pas être une erreur humaine. Une erreurs humaine peut se produire lors des décomptes mais lorsque des bulletins disparaissent ou qu’un bulletin provient d’une autre circonscription, je pense que l’Acting Master and Registrar aurait dû dire qu’on ne pourrait pas faire le “recount” en présence de ce genre de manquement.
Moi, je qualifierais de fraude un bulletin de la circonscription No 1 qui atterrit dans la circonscription no 19. Et les 73 bulletins qui manquent à l’appel constituent aussi une fraude. Il n’y a pas de sceau électoral sur deux bulletins, et est aussi une fraude. Le commissaire électoral, Irfann Rahman, se cache derrière la thèse de l’erreur humaine pour venir dire qu’il ne faut pas la mettre sur le même piédestal qu’une fraude. Une erreur humaine réalisée intentionnellement pour influencer les résultats des élections, ce n’est pas une erreur humaine mais une fraude. Le Master & Registrar aurait dû dire au commissaire électoral d’aller chercher les 73 bulletins qui manquent à l’appel avant de démarrer le “counting”. Il fallait chercher à savoir si les 73 bulletins étaient en faveur d’Ivan Collendavelloo ou de Jenny Adebiro.