Mener en bateau sur l’archipel des Chagos

“Be British !” (Conduisez-vous en Britanniques !). C’est ce qu’avait enjoint le commandant Edward John Smith aux petites heures du matin du 15 avril 1912. À ce moment précis de cette ultime strophe prononcée par le capitaine, le somptueux paquebot Titanic sombrait dans l’Atlantique après avoir heurté un iceberg. Avec le dossier de l’exercice de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, affichant son sourire ingénu, a suivi à la lettre ce conseil du capitaine du Titanic. Oui, sans conteste. Les faits sont irréfutables.

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En date du 29 avril dernier, le Premier ministre des Anglais, dans une conversation téléphonique avec son homologue mauricien, Pravind Jugnauth, aurait été tout rassurant quant au dénouement du différend historique et politique au sujet des Chagos. Mais c’était tout simplement une étape dans l’opération de mener les Mauriciens en bateau sur le dossier des Chagos, au lieu de faire voguer les Chagossiens en bateau vers l’archipel des Chagos. Zoli tizil perdi, comme le chante le groupe Cassiya.

La preuve de cette perfidie abusive des Britanniques, s’il en fallait une encore, se résume à ce communiqué émanant du 10 D(r)owning Street en date du 29 avril dernier, soit :

“The Prime Minister spoke to Mauritius Prime Minister, Pravind Jugnauth, this afternoon.

They discussed the progress made in negotiations between the UK and Mauritius on the exercise of sovereignty over the British Indian Ocean Territory/the Chagos Archipelago.

Both leaders reiterated their commitment to a mutually beneficial outcome and instructed their teams to continue to work at pace. They looked forward to speaking soon.”

En tout cas, le dernier souhait exprimé formellement dans cette communication ne se réalisera pas. Jamais ! Une vingtaine de jours après, soit le mercredi 22 mai, Rishi Sunak, avec son sourire naïf lessivé par le temps pluvieux qu’il faisait à Londres, annonçait des élections législatives au Royaume-Uni pour le 4 juillet. Donc, aucune décision en ligne avec la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en date du 22 mai 2019, visant à ouvrir la voie à la fin du processus de décolonisation de Maurice.

La coïncidence de la date du 22 mai ne peut être que fortuite historiquement. Mais Rishi Sunak a été fidèle au conseil du commandant du Titanic : Be British! Au mieux sois perfide ! C’est toujours bien d’être wise after the event. Me kot Moris inn fote ? Avec le Common Statement du 3 novembre 2022, l’Hôtel du gouvernement s’est laissé dicter les règles du jeu sur ce nouveau chapitre, comme ce fut le cas lors de la conférence constitutionnelle de la Lancaster House de septembre 1965 à l’effet que “everything must be shrouded in secrecy”.

Depuis cette déclaration du Premier ministre, Pravind Jugnauth, à l’Assemblée nationale, ce 3 novembre 2022, le mutisme le plus complet a été suivi du côté de Port-Louis. Probablement dans le vague espoir de ne pas mettre en danger les chances d’un accord. Point de vue légaliste utile. Mais pas nécessairement politiquement valable !

Dans la conjoncture de “pasians ena limit“, Pravind Jugnauth ne songera-t-il pas à un full brief à l’Assemblée nationale des progrès réalisés et des stumbling blocks se dressant sur la voie de la décolonisation complète de Maurice ? Facts will remain facts. Be they be exposed today or after 50 years? At least, there will be an element of contemporaneity.

Ce tournant pourrait générer un effet plus fédérateur au sein de la République de Maurice sur le dossier des Chagos et aiguiser le sens de fierté de chaque Mauricien à être partie prenante de ce combat, réaffirmant les droits inaliénables des déracinés des Chagos et de leurs descendants. Où qu’ils se trouvent aujourd’hui au sein du Global Village ?

Mais attention, cet héritage légué à l’Histoire ne doit pas être « bangolé » politiquement en faisant croire aux Mauriciens qu’un gouvernement britannique dirigé par des travaillistes sera plus avenant aux revendications d’intégrité territoriale de Maurice. En 1965, le complot de l’excision des Chagos de Maurice avait d’ailleurs été ourdi sous un gouvernement travailliste, dirigé par Harold Wilson. Mais il y aura pire au tournant du XXIe siècle. Tony Blair aura en effet eu recours à des dispositions royales ringardes pour bloquer le retour des Chagossiens dans leur archipel natal, ordonné à la faveur d’un jugement de la High Court de Londres de novembre 2000. Ce Premier ministre travailliste britannique avait brandi deux Orders in Council en date du 10 juin 2004 pour gâcher les illusions des Chagossiens.

Doit-on croire que 20 ans après, la verve d’un Keir Starmer est moins British, pour ne pas dire moins insidieux, que le rictus grimaçant d’un Rishi Sunak sous une pluie battante ?

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