Un moteur solaire autonome créant de l’énergie mécanique, une solution pour transformer les murs des bâtiments métalliques en radiateurs géants, une autre pour traiter les eaux usées et fixer le CO2 des fumées industrielles… Et ce ne sont là que quelques exemples parmi plusieurs centaines d’innovations mises en lumière lors du récent World Impact Summit 2022. Inscrit dans une logique environnementale, l’événement milite pour favoriser toute technologie permettant de lutter efficacement contre le changement climatique. Une initiative somme toute louable, d’autant qu’elle ne fait pas (trop) intervenir dans ses débats de questions politiques, comme c’est entre autres le cas lors des traditionnelles COP.
L’explorateur et environnementaliste Bertrand Piccard, parrain du sommet, parle de ce dernier comme d’un « Salon de solutions ». Quant à son organisateur, Nicolas Pereira, il décrit, lui, le rendez-vous de « sommet pour l’action, pour les solutions, se basant sur la liberté d’action des entreprises, plus grande que celle des États ». Et sur ce point, il a parfaitement raison. Difficile en effet de contredire son analyse, tant nous savons pertinemment que les gouvernements ne sont pas totalement maîtres de leurs décisions, celles-ci étant pour l’essentiel dictées par l’économie, et donc les conglomérats qui en assurent la (bonne ?) santé. De fait, il apparaît donc « normal » de demander aux entreprises de faire leur part du travail en réduisant leur empreinte carbone.
Pour autant, quel que soit le bien-fondé de cette observation – et même pourrait-on dire de cette « psychanalyse socio-économique » –, doit-on s’en réjouir pour autant ? Rien n’est moins sûr. Toute la question tient en effet à la contradiction entre, d’un côté, les bonnes intentions affichées, à grands coups de promesses « ecofriendly », et, de l’autre, le paradoxe consistant à vouloir à tout prix maintenir un système que nous savons être à l’origine même du problème. Il n’est en effet un secret pour personne que pour les industriels, la priorité absolue demeure de rester compétitifs, et donc d’assurer la pérennité de leurs affaires. La question climatique, elle, n’est par conséquent que secondaire, et aura somme toute été imposée par la réalité physique. Autre réalité : toute entreprise omettant de considérer la question climatique dans son plan de développement compromet automatiquement et irrémédiablement, dans la conjoncture, l’adhésion de certains gros clients « écoresponsables ». C’est donc pour eux avant tout une question d’image.
Pour ce faire, entreprises et conglomérats se voient pousser des ailes (« d’anges », probablement) lorsqu’une nouvelle technologie leur propose, moyennant des investissements plus ou moins modérés, de poursuivre leur cadence de production tout en pouvant afficher publiquement leurs ambitions « vertes ». Et ça marche ! Comme le prouve d’ailleurs le nombre grandissant de compagnies ayant choisi ce chemin. Ainsi dédouanées de leur empreinte carbone peuvent-elles poursuivre leurs activités en toute quiétude sans avoir à revoir le fondement même de leur existence : le profit.
Or, comme nous ne cessons de le dire, non seulement la technologie, aussi vertueuse puisse-t-elle être, ne pourra à elle seule lutter contre le changement climatique, mais ce faisant, nous poursuivons dans une voie nous éloignant davantage encore de la source du problème, et donc de la manière dont en venir à bout. Le souci, une fois encore, n’est pas de savoir qui pollue plus et qui pollue moins, mais plutôt de vouloir à tout prix conserver un système industriel poussant à la surproduction et la surconsommation. Et dont le Graal reste la croissance.
Tant que l’on n’aura pas compris les origines du changement climatique – les mêmes d’ailleurs que la plupart de nos problèmes anthropiques –, rien ne résoudra jamais rien ! Car quand bien même nous gagnerions « un peu de temps », ce temps nous reste malgré tout compté. Ce qui ne signifie aucunement bien sûr que l’on doive jeter au panier les solutions actuellement à notre disposition, à commencer par les plus innovantes. Mais mettre tous nos œufs dans le même panier est définitivement un mauvais pari. Si ce n’est, bien entendu, d’assurer quelques années de rentabilité supplémentaires à ceux actuellement aux manettes de l’économie mondiale.