Lockdown digital

La restriction temporaire de l’accès aux principaux réseaux sociaux a pris tous les Mauriciens par surprise vendredi matin. Et c’est grâce à un communiqué d’Emtel qu’on devait apprendre que le pays était sous lockdown digital partiel à la demande de l’ICTA. Cette dernière devait préciser plus tard avoir agi sur la base d’instructions reçues au plus haut niveau gouvernemental.
Il a fallu attendre la fin de l’après-midi pour entendre les arguments avancés par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui accuse l’opposition de complot afin de mettre en péril la sécurité du pays. Il affirme que la décision a été prise sur la base d’informations à l’effet que les enregistrements dans le cadre des Missie Moustass Leaks, qu’il considère découlant de manipulations informatiques, pourraient véhiculer des propos susceptibles de provoquer des conflits d’ordre religieux dans le pays. Le gouvernement serait en négociations avec les plateformes des réseaux sociaux pour tenter d’empêcher que de nouveaux enregistrements toxiques ne circulent à nouveau, avant de lever les restrictions sur l’accès aux réseaux sociaux.
La décision gouvernementale a provoqué une vive réaction dans le secteur privé qui, visiblement, a été pris de court. La MCCI tient à souligner l’importance cruciale des réseaux sociaux dans l’écosystème économique moderne de Maurice, notamment pour le secteur du commerce, qui s’appuie fortement sur ces plateformes pour ses activités de vente, de marketing et de communication client. Le secteur ICT/BPO, pilier majeur de notre économie, dépend aussi significativement de ces outils pour ses opérations quotidiennes, ainsi que les entreprises mauriciennes, indépendamment de leur taille et de leur secteur d’activité, et qui utilisent également ces plateformes. Elles ont l’importance fondamentale de maintenir un climat des affaires propice au développement et aux impératifs économiques. Elles ont demandé que la situation se normalise dans les plus brefs délais, afin de minimiser l’impact socio-économique pouvant être particulièrement sensible dans le contexte du processus électoral déjà enclenché.
Business Mauritius a pour sa part parlé « d’ondes de choc » dans la communauté des affaires et au sein de la société civile dans son ensemble. « Cette mesure affaiblit grandement notre réputation et notre positionnement à l’international. De plus, la liberté économique et le respect de la démocratie restent des conditions sine qua non pour les investisseurs et pour un climat des affaires sain », insiste l’organisation centrale du secteur privé.
Visiblement, l’économie du pays a été sacrifiée sur l’autel de la politique. L’annonce de cette suspension a déjà fait le tour de monde dès vendredi matin. Alors qu’une commission d’enquête a été instituée pour faire la lumière sur les Missie Moustass Leaks, la diffusion de ces enregistrements continue de soulever des questions fondamentales. Qui, au départ, a autorisé l’enregistrement téléphonique des Mauriciens en général ? Comment un gouvernement, qui a le contrôle sur toutes les institutions, n’a pu assurer la sécurité des données, même si elles ont été recueillies illégalement par les autorités ? Qui a autorisé et toléré les écoutes téléphoniques ? Comment le Premier ministre, qui est responsable de la sécurité du pays, n’a pas pu empêcher que son propre téléphone soit mis sous écoute ? Il faut croire qu’il y a « something rotten in the kingdom of Danemark ».
On a l’impression que le gouvernement a été éclaboussé par ses propres défaillances. Au lieu d’entendre des accusations politiques, qui restent à être démontrées et prouvées, nous nous attendons à ce que le gouvernement donne des garanties aux Mauriciens et au monde qu’il n’y aura plus d’écoutes téléphoniques illégales. Chaque Mauricien, et pas seulement le Premier ministre, doit avoir l’assurance que son téléphone n’est pas mis sur écoute et qu’il ne vit pas sous surveillance en permanence, comme c’est le cas dans des dictatures comme la Corée du Nord.
Le public en général, mais aussi les entrepreneurs et l’économie, ne doivent pas payer les pots cassés des abus et de l’incompétence des autorités. Vivement donc le retour à la normale afin que la fin de la campagne électorale et les élections générales se passent dans la sérénité et la paix, comme le souhaite l’ensemble du pays.

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