Littérature – Margaret Li Yin : « L’action collective a une valeur pédagogique »

La sortie de son premier album jeunesse Cours toujours ! a été l’occasion pour l’auteure, Margaret Li Yin, également Senior Academic Media Coordinator à l’Open University of Mauritius, d’évoquer l’importance de la lecture collective en classe pour que l’élève puisse avancer dans son apprentissage. « Je crois dans la valeur pédagogique de l’action collective et qu’on lise une histoire en entier », dit-elle à Le-Mauricien.

- Publicité -

Pour Margaret Li Yin, un élève doit avoir complété la lecture d’une dizaine de livres en une année scolaire. « Il y a la lecture individuelle, certes, mais moi, je défends le principe de la lecture collective dès l’école maternelle, et ce, jusqu’au secondaire. On lit un livre ensemble, en classe sur une semaine, un mois, voire un trimestre, dépendant du niveau. C’est un plaisir de lire et de découvrir l’histoire ensemble, petit à petit. Chaque extrait lu est alors suivi de discussions de groupe. Je crois dans la valeur pédagogique de l’action collection », fait-elle ressortir.

Elle évoque sa collaboration avec une école française depuis cinq ans. « Dans cette classe, chaque enfant a une copie du livre Voyage dans le monde des petits, que la maîtresse garde en classe. Ils lisent ensemble et avancent en même temps. La maîtresse organise ensuite une rencontre en visioconférence, et les enfants peuvent poser des questions et partager leur expérience. Un jour, j’ai eu un enfant qui m’a dit qu’après avoir découvert le gato moutay dans le livre avec ses parents, ils ont cherché la recette et en ont confectionné » , confie-t-elle.

L’auteure souhaite que ses livres puissent faire leur entrée dans les écoles. Elle fait état de quelques expériences vécues dans les écoles à Maurice et se désole que les enseignants n’aient plus de liberté pour choisir un livre qu’ils enseigneront en classe. « Dans le temps, les enseignants avaient la liberté d’inclure un livre d’histoire dans le cours de français en Form 1 et 2, soit en Grades 7 et 8. »

Cela lui a permis d’accompagner son premier roman jeunesse, Voyage dans le monde des petits, en intervenant auprès de ces élèves. « Les enseignants travaillaient sur le livre pendant un trimestre et organisaient une rencontre avec l’auteure. Les élèves posaient les questions qu’ils avaient. J’ai personnellement fait beaucoup de visites dans les écoles. Ensuite, il y a eu des listes préétablies. Et maintenant, ce sont des manuels avec une compilation d’extraits. » Si l’auteure accueille cette démarche positivement, parce qu’elle « permet aux élèves de connaître une variété de genres et d’auteurs », elle défend néanmoins le principe qu’un enfant « doit pouvoir lire une histoire en entier ».
Margaret Li Yin souligne que, souvent, les enseignants ne connaissent pas non plus les livres d’auteurs mauriciens disponibles sur le marché, et regrette que les périodes soient de 35 minutes. « Je suis aussi pour des doubles périodes : ce qui donne à la classe un peu plus d’une heure pour explorer un passage et discuter de ce qu’elle a vu et, éventuellement, compléter une activité. »

Pour elle, « cela favorisait l’apprentissage de la langue avec beaucoup de plaisir ». Ce qu’elle considère « important », car « pour écrire une histoire, il faut faire preuve de créativité, et maîtriser la grammaire et la syntaxe, et avoir un vocabulaire riche ».
Elle souhaite qu’avec l’arrivée d’un nouveau ministre de l’Education, « une approche à l’apprentissage d’une langue soit favorisée », notamment avec l’introduction de la lecture et l’écriture créative. « Trop souvent, on pense qu’il suffit de mettre des livres à la disposition des enfants pour qu’ils lisent. Si à la maison, il n’y a pas de culture de la lecture, ils ne sauraient pas lire. D’où l’importance des lectures longues en collectif. »

PUBLICATION — Littérature jeunesse : Margaret Li Yin présente « Cours toujours ! »

Paru à compte d’auteur durant le troisième trimestre 2024, Cours toujours ! est un album jeunesse signé Margaret Li Yin, qui a déjà à son actif deux romans jeunesse, à savoir Voyage dans le monde des petits et Mais où est-il donc passé ?. Cours toujours !, illustré en noir et blanc par le bédéiste/illustrateur Laval Ng, est une édition bilingue français/créole. Le texte a été traduit par le dramaturge, écrivain et traducteur Henri favory.

« Un courant électrique traversa l’atmosphère. Le caméléon vira au rouge et se tortilla la queue de travers. Le sanglier assomma la mouche virevoltante avec son groin. Le singe se décrocha la mâchoire et dégringola de sa branche. Tous les animaux dressèrent l’oreille, narines dilatées. Ils attendaient impatiemment la réponse de Madame Tortue. » L’extrait présenté sur la quatrième de couverture agit comme un teaser. D’aucuns ayant lu La Fontaine ne peuvent omettre de faire le parallèle avec la fable Le lièvre et la tortue, « symboles de vanité et de persévérance ». D’ailleurs, l’auteure écrit : « En souvenir de mon père, grand conteur devant l’éternel, et de tous ces moments joyeux où il nous contait les aventures de Komper Lieve ek Zako. » Mais qu’en est-il de Cours toujours ! ?

Dans cette histoire dynamique, qui frôle la fable, Margaret Li Yin crée une tension qu’elle maintient jusqu’à la fin, avec notamment deux séquences narratives, avec la deuxième qui sert à la relancer. Passionnée d’histoires avec pour personnages principaux des animaux, l’auteure amène le lecteur dans son univers, où chacun a un rôle important à jouer dans la communauté.

Elle fait preuve de créativité. Dans un langage dense, elle souligne les caractéristiques de chaque animal et, en même temps, traite de divers thèmes et fait passer des messages. Elle a aussi parfois recours à l’humour. Pour elle, raconter une histoire va de pair avec la communication d’un message. « Par exemple, il ne faut pas avoir peur des défis. Ce ne sont pas des obstacles insurmontables, mais des épreuves qui poussent à aller de l’avant. Il faut parfois être fin stratège et faire preuve de créativité », affirme-t-elle.

Ayant toujours souhaité avoir ses histoires en créole, elle fait appel à Henri Favory pour une traduction. Celui-ci semble s’être bien approprié l’histoire et propose une traduction riche en expressions et vocabulaire locaux. Par exemple, « Chère amie » est traduit par « Mo ser ». Il ajoute parfois des éléments visuels par le biais de métaphores, comme dans « kouma dir enn gran moustiker ».

À la fin du livre, Margaret Li Yin propose aussi une série d’activités pédagogiques qui favoriseraient l’engagement actif des élèves dans leurs apprentissages et qui serviraient de soutien au travail de l’enseignant. Elle propose également un bestiaire bilingue français-créole illustré.

A Le-Mauricien, Margaret Li Yin indique qu’elle a écrit cette histoire il y a plusieurs années pour un concours de l’Association mauricienne pour la lecture. L’histoire avait d’ailleurs été primée. « Quelque temps après, j’ai confié l’histoire à Henri Favory pour une traduction, car j’ai toujours voulu que mon histoire soit en créole », dit-elle.

Après des démarches non abouties pour trouver du financement, Margaret Li Yin décide de poursuivre son aventure avec le concours de Laval Ng, qui a accepté d’illustrer l’histoire. Pour des raisons financières, ils décident d’un commun accord que les illustrations seront en noir et blanc. « L’idéal aurait été d’avoir des illustrations en couleurs. Cependant, j’aime le noir et blanc, et je trouve que ce n’est pas la couleur qui fait la beauté de l’image, mais le graphisme et la maîtrise de son art par l’illustrateur. Les images sont parlantes », soutient Margaret Li Yin. « De plus, le noir et blanc permet à l’enfant d’être partie prenante de l’histoire. Il peut imaginer un monde en couleurs et, éventuellement, colorier les images. »

Margaret Li Yin travaille à plein-temps comme Senior Academic Media Coordinator à l’Open University of Mauritius. Elle enseigne la traduction, la didactique du français, la littérature jeunesse, les techniques d’expression orale et écrite. Elle écrit durant son temps libre, car, précise-t-elle, pour se faire, il faut avoir une disponibilité mentale. « À chaque fois, j’ai écrit durant mes vacances. »

Cours toujours ! est disponible en librairie.

- Publicité -
EN CONTINU ↻

l'édition du jour

- Publicité -