En un peu plus de quatre ans, le Covid aura emporté 30 millions de vies environ. Soit une moyenne d’environ 7 millions par an, sachant que la maladie, même si elle est encore bien présente, a depuis longtemps dépassé son pic. Néanmoins, si la propagation du virus a pu être maîtrisée, c’est aussi et surtout grâce à une prise de conscience mondiale de la menace, qui aura résulté en l’application de mesures strictes, couplée à des vaccins élaborés à la vitesse éclair. Pour autant, le Covid n’est pas un danger isolé, car d’autres défis nous guettent, aux conséquences bien plus dramatiques encore. C’est bien sûr le cas du changement climatique, ou encore de la perte de la biodiversité. Et donc, d’une manière générale, de l’essentiel des questions environnementales.
Si le Covid a causé le décès prématuré de 7 millions de personnes par an, il est une autre « maladie » qui laisse le même triste bilan au million près, qui plus est depuis bien plus de quatre ans, à savoir la pollution atmosphérique, responsable notamment de la hausse vertigineuse des risques d’accident vasculaire cérébral. La contamination aux particules fines n’aura en effet jamais été aussi élevée que ces dernières années, bien qu’à des taux différents selon la localisation. D’ailleurs, les bons élèves sont rares, comme l’attestent les rapports annuels émis sur la question. Ainsi, l’entreprise suisse IQAir, spécialisée dans l’étude de la qualité de l’air, note que seuls sept pays au monde offrent à leurs citoyens un air sain. Et oh miracle, Maurice figure dans le Top 7. Ce n’est pas génial, ça ?
Malheureusement, les conclusions d’IQAir sont à relativiser et à remettre dans leur contexte. N’en déplaise à ceux qui penseraient que nous voyons constamment le verre à moitié vide, cette étude ne prend en effet pas en compte tous les paramètres, au risque de quelque peu fausser les résultats. Ainsi, les relevés effectués ne concernent qu’une poignée d’endroits, principalement des villes, et ne peuvent donc refléter la réalité globale à l’échelle d’une nation. De même qu’elle ne considère pas plus la topographie des régions et leur climat.
Or, dans notre cas particulier, nous savons tous que le pays est régulièrement soumis à des vents forts ou turbulents, avec pour effet de disperser les polluants, comme l’ozone. En outre, comme l’affirmait Thierry Le Breton, de SOS Patrimoine, au Mauricien après la publication d’un ancien classement, tout aussi élogieux d’ailleurs, « nous sommes une île au milieu d’un océan de l’hémisphère sud, à l’écart des grands centres de pollution, et balayée par des alizés qui garantissent le renouvellement de l’air que nous respirons ». Et de poser des questions sur ce type de classement : « De quel air parlons-nous ici ? Cherchons-nous à évaluer des enjeux liés à la couche d’ozone; ou les émissions de gaz à effet de serre associés au changement climatique; ou encore les enjeux de pollution qui sont de nature à affecter la santé publique ? »
Un petit tour dans les artères de nos villes suffit ainsi pour comprendre que la compagnie suisse aura été plus que conciliante quant au cas mauricien. Entre les embouteillages en heures de pointe, les épaisses fumées des pots d’échappement des bus aux gares routières et celles sortant des cheminées de nos usines, difficile en effet de croire que nous soyons à ce point bon élève. Au point de se demander, avec une pointe d’ironie, si IQAir n’agit pas comme partenaire du ministère du Tourisme, tant notre réalité environnementale est « cartepostalisée ». Le problème, c’est qu’il s’agit non seulement d’un problème de santé publique, mais qu’en se voilant ainsi la face, nous compromettons aussi nos engagements environnementaux. Pourquoi devrions-nous en effet mettre les bouchées doubles puisque nous sommes dans les sept premiers de la classe, hein ?
C’est un fait, la problématique de la pollution est symptomatique d’un manque d’engagement politique sur la question environnementale dans son ensemble. Car ce faisant, les autorités oublient qu’il ne s’agit pas ici d’un fait isolé. La pollution, tout comme la dégradation de nos espaces verts, l’exploitation de nos ressources naturelles, la stagnation de nos modes énergétiques et le défi du changement climatique, entre autres, sont autant de phénomènes interconnectés auxquels nous sommes (et serons) d’autant davantage confrontés que filent les aiguilles sur l’horloge de l’inaction.