Les clameurs se sont tues. Pas sur les dessous des Missie Moustass Leaks, qui minent la campagne pour les élections générales du dimanche 10 novembre, mais tout au moins sur le paravent superbement orchestré de l’IA (Intelligence artificielle) pour expliquer la teneur de ces bandes sonores avec des extraits d’échanges téléphoniques.
Chacune des parties concernées, avec des expertises de tous genres en appui, a eu l’occasion de démontrer que toute cette affaire relève d’une fabrication à une échelle démesurée que même Le Prince de Machiavel n’aurait pu concevoir. Et cela, sur la base du volume d’écoutes téléphoniques déballé sur les réseaux sociaux.
D’un côté, ceux qui ont pris le soin de s’investir pour confirmer l’authenticité de chaque mot échangé lors de ces appels, faits en toute confidentialité. De ce fait, ils ont porté un rude coup à la première ligne de défense du commissaire de police, Anil Kumar Dip, accablé par des dénonciations, difficilement imaginables pour un patron de la police, dont le mandat est d’assurer le Law and Order.
Mais c’est vrai que Sir Anerood Jugnauth avait dû se défaire d’une personne de confiance, propulsée à la tête de l’ADSU (Anti-Drug and Smuggling Unit). Un responsable de la police, avec des pouvoirs aussi étendus que le commissaire de police, sauf la protection de la stabilité de son poste sous la Constitution, avec pour mission de démanteler le réseau de trafic de drogue dans les années 80.
Le dénommé Harris Mungroosingh, qui était à tu et à toi avec des parrains de la mafia, avait confondu son rôle d’assurer la protection de la société contre les marchands de la mort. Il était acquis à la cause de ces hors-la-loi, qui avaient pris la loi entre leurs mains, avec la bénédiction des politiques, pour assurer la prolifération de la drogue. Finalement, il est parti en disgrâce des Line Barracks.
Dans la conjoncture, il n’y a aucune intention de dresser un parallèle. Mais le poison des écoutes téléphoniques de manière systémique est encore plus perfide et pernicieux. Il s’attaque à ce qui est le plus intrinsèque et intime de chacun. La vie privée que même les milliards des Chagos ne pourront acheter. Qui de ceux engagés dans les quelque deux millions de connexions téléphoniques mobiles peut se vanter d’être immunisé contre des pratiques illégales de PhoneTapping ? Ne serait-ce qu’une seconde ?
Difficile de répondre par l’affirmative à cette simple question. Chaque détenteur d’une SIM Card pour le réseau de téléphonie cellulaire peut se sentir légitimement lésé dans son intégrité personnelle avec les Missie Moustass Leaks. Logiquement, si vous recevez un appel d’un abonné, placé illégalement ou même légalement sur écoute, vous êtes infectés par du phone tapping. Le degré d’infection peut varier d’un abonné à l’autre, mais l’effet de contagion est indestructible.
Mais le premier devoir de l’État n’est-il pas de garantir la sécurité du citoyen ? Tout étudiant en Droit est initié au fait que c’est la première raison pour laquelle les individus acceptent de renoncer à exercer leur droit de se défendre par eux-mêmes. Sans État, et en particulier sans la force de sa police, on peut même affirmer qu’il n’existe pas de véritable société.
L’État s’est-il manifesté depuis les premières indications de fuites des échanges téléphoniques le jeudi 17 octobre dernier ? À moins que cette formule apocryphe, « L’État c’est moi », prononcée le 13 avril 1655 par Louis XIV, roi de France et de Navarre, devant les parlementaires parisiens, soit encore valable aujourd’hui.
Évidemment, les autorités sont dans l’impossibilité de nier la politique des pratiques d’écoutes téléphoniques à Maurice. Et cela depuis des alternances de cibles en fonction du pouvoir politique en place. Avec les Missie Moustass Leaks, tou dimounn inn pass dan bin. Personn pa’nn sape.. N’importe quel quidam peut s’attendre un jour ou l’autre à entendre sur les réseaux sociaux ses appels téléphoniques enregistrés illégalement.
Quel recours ? Simple, dans l’État de droit, réclamé par la Res Publica, tout acte répréhensible, voire illégal, doit faire l’objet d’une enquête de la police dans un premier temps en vue d’établir un Prima Facie Case. Puis suivront les procédures institutionnelles jusqu’aux conclusions d’un jugement d’un magistrat siégeant dans un tribunal.
Avec le scénario des Missie Moustass Leaks, et le commissaire de police, devant impérativement se défendre des faits allégués les uns plus graves que les autres rapportés à sa décharge, des questions se posent quant à la validité des conclusions de toute Investigation of the Police by the Police to The Police.
Dans cette éventualité, la République de Maurice, dont l’intégrité en matière de démocratie est écornée avec le Mo Ibrahim Index, se prépare soit à s’engager dans la voie de la parodie, si ce n’est la perversion de l’État. Mais le citoyen demande à être rassuré de manière instantanée quant au respect de ses droits les plus fondamentaux