Les squatters de Camp Mana dans l’attente d’un « miracle »

– L’annonce de la messe du 1er janvier leur apporte du baume au cœur

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À Camp Mana, un coin retranché de Tranquebar, se cache une cruelle vérité. Dans de frêles baraques en tôle ondulées, rouillées et trouées vivent une centaine de familles. Elles sont des squatters. C’est dans cet environnement faisant fi des normes d’un habitat décent que la Commission Justice et Paix a choisi de célébrer la traditionnelle messe marquant la Journée de la Paix. Un événement attendu par les habitants, qui nourrissent l’espoir d’un avenir meilleur. « Mo atann ki enn mirak lozman arive pou lane prosenn », lâche sur un ton optimiste Rosita, installée ici depuis trente ans…

Les squatters de Camp Mana n’en croyaient pas leurs oreilles lorsque les bénévoles de Caritas leur ont annoncé que le cardinal Piat sera chez eux, le 1er janvier, pour célébrer la messe marquant la Journée de la Paix. Placée sous le thème “Pena lape san zistis”, la cérémonie sera radiodiffusée par la MBC. Eux, les oubliés de Tranquebar, se retrouveront sous les feux des projecteurs.

Du coup, cette messe prend l’allure d’un événement marquant pour tout le quartier. Ce n’est pas Rosita, une des plus anciennes habitantes de Camp Mana, qui nous dira le contraire. « Se enn gran zafer ki pou deroule isi le premie zanvie. Se enn gran levennman pou moi e tou dimounn pe atann sa avek inpatians », relate-t-elle.

Le quartier Mana, plus connu sous le nom de Bangladesh, se trouve sur la piste des randonneurs de la capitale qui montent vers la montagne Le Pouce. Concentrés sur leur marche, ils ne semblent faire guère attention aux bâtisses en tôle rafistolées qui se sont multipliées dans le décor naturel de la montagne. Un spectacle choquant. La précarité ici représente une norme à laquelle les habitants se plient depuis des lustres. Selon le dernier recensement de Caritas de Port-Louis, 165 familles de squatters cohabitent dans trois quartiers de Tranquebar: 119 à Camp Mana, 28 à Cremation et 18 à ‘Crown Land’ Tory.
Rosita en est convaincue: les choses vont changer en mieux pour elle et pour d’autres habitants du Camp Mana après cette messe du 1er janvier 2018. « Plis ki 30-an mo res-la e depi lontan mo pe atann enn vre lakaz. Apre sa lames ki Kardinal pou selebre-la, mo pe atann enn mirak. Mo santi kitsoz pou sanze », nous confie-t-elle.

Les attentes des habitants sont énormes. Le comité organisateur a, en effet, confié aux familles l’animation de la messe. Ces dernières répètent assidûment depuis plusieurs jours. Les enfants se sont, eux, donnés à cœur joie pour dessiner la maison de leurs rêves. Leurs œuvres seront d’ailleurs présentées lors de la messe du 1er janvier. L’autel sera installé sur la dalle d’une ancienne maison rasée, nettoyée à coups de balai. « Nou pa pou kasiet lanvironman kot nou pe viv par bann zoli dekor. Bann dimounn ki pou vini pou bizin trouve ki nou lavi isi », soutiennent des habitants.

Solidarité

Ces familles de Camp Mana vivotent dans des pièces exiguës et sombres, qui se transforment en passoires à la moindre averse. « Partou koule! Ena plis dega dan lakwizinn kan ena gro lapli, nou pa kapav fer nanye », témoigne Rosita qui nous entraîne dans son modeste “chez soi”. « Nou priye pou ki lapli pa tonbe », poursuit-elle. Le contraste est saisissant avec les maisons en dur et entourées de cours bien entretenues et clôturées se trouvant de l’autre côté de la rue…

L’environnement extérieur de ces habitations fragiles n’est guère mieux. Il y manque les infrastructures de base et les installations sanitaires. L’accès à l’eau potable et à l’électricité relève du rêve pour beaucoup de ces familles et leurs enfants. « Grâce à la débrouillardise des adultes, il y a quelques points d’eau et certaines familles ont aussi de l’électricité. Ena enn solidarite, bann seki ena partaz avek lezot famiy », indiquent des travailleurs sociaux de l’endroit. Les habitants font preuve d’ingéniosité pour apporter l’eau jusque chez eux et pour capter l’électricité. Tandis que le sol se transforme en marécages par temps de grosses pluies et devient impraticable, empêchant par là même les enfants à se rendre à l’école.

Malgré leurs conditions de pauvreté extrême, ces squatters arborent un ton positif. « Nou sitiasion bien difisil me omwin nou pa dan lari », souligne un jeune homme. « Pandan tou sa lane ki mo res-la, mo pa finn gagn okenn problem lasante. Toulezour mo dir bondie mersi parski mo bien », ajoute une mère de famille. Ce qui réconforte les bénévoles de Caritas, c’est que la quasi-totalité des enfants et des jeunes encore à l’âge d’être scolarisés vont à l’école, et la majorité serait régulière. « Que ce soit pour la maternelle, le primaire ou le secondaire, ils sont tous à l’école. Malgre ki pena elektrisite dan lakaz, zot fer zefor pou fer devwar e pou aprann », relate avec satisfaction Christiane.

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