Il y a déjà une semaine, l’une des plus importantes institutions dans une démocratie, digne de ce nom, a été appelée à se prononcer sur la vie de la Cité. Le verdict a été sans appel et indiscutable, avec pour mot d’ordre le changement. Sans nul doute, des puristes diront que cette équation de 60/0 à l’Assemblée nationale présente des caractéristiques malsaines sur le front de l’exercice de la démocratie. Même si ce n’est pas la première fois que Maurice connaît un 60/0 avec un leader de l’opposition désigné par la formule de Best Losers et sur la base de son appartenance ethnique. N’en déplaise aux commentateurs historiens.
Sauf que l’on pourra concéder le fait que ce sera, sans nul doute, une opposition qui sera appelée à se chercher pour encore longtemps, compte tenu de la configuration. Un leader de l’opposition constitutionnel sans membership. L’autre membre de l’opposition, député correctif sous la bannière de L’Alliance Lepep, même sans avoir pris sa place au sein de l’hémicycle, a préféré annoncer la couleur et prendre ses distances de son allié aux dernières élections générales. L’intérêt primordial des quatre autres membres de l’opposition, notamment les députés de Rodrigues, relève davantage d’autres préoccupations. À moins d’un sursaut.
L’absence d’élus de l’opposition sous le First Past The Post au Temple of Democracy est-elle la réponse de l’électorat à ce qui a été vécu au Parlement au lendemain de la présentation du budget 2024/25 ? Un leader de l’opposition, qui se vante d’avoir, pendant plus de quatre ans, semaine après semaine, proposé des Private Notice Questions (PNQ) contre la politique et les pratiques adoptées par le gouvernement, se retrouvant à faire l’apologie de ce même gouvernement à la veille de la campagne électorale.
Sans oublier que ce même leader de l’opposition avait subi l’opprobre d’un Loudspeaker, dont le seul mandat était de réprimer la voix de cette même opposition. Devenu candidat pour les besoins de la campagne électorale, il n’a pas hésité à s’attaquer frontalement à ses anciens dans les rangs de l’opposition pour faire plaisir à ses maîtres du jour.
Évidemment, cette dépréciation de la fonction de leader de l’opposition, tout comme celle de la roupie, a pesé dans la balance. Toutefois, au nom de la bonne gouvernance, des garde-fous contre des abus et des dérives en tous genres existent bel et bien. Ces centaines de milliers d’électeurs, qui ont plébiscité les 60 candidats de l’Alliance du Changement dimanche et cette foule en liesse devant l’Hôtel du Gouvernement, hier, constituent l’une des institutions, en démocratie, le plus à craindre.
Quand elle se sent trahie au plus profond d’elle-même, cette institution agit de sang-froid et sans pitié. Les nouveaux locataires de l’Hôtel du Gouvernement en ont déjà fait les frais. Probablement pas dans la même proportion que ceux infligés dimanche dernier au gouvernement sortant. C’est vrai que le champ d’intervention de cette institution est défini aux termes des dispositions de la Constitution.
Mais elle sait se faire entendre et faire sentir sa présence quand il le faut. Et cela, en dépit des contraintes artificielles imposées. La double mobilisation à Port-Louis et à Mahébourg dans le sillage de la marée noire le long de la côte du Sud-Est avec le naufrage du MV Wakashio du 25 juillet 2020 en demeure la preuve tangible du poids de cette institution, qu’est l’opinion publique.
Cette opinion publique, qui souvent fait plus mal que des dénonciations percutantes au sein de l’hémicycle, s’appuie surtout et avant tout sur un socle, qui a fait ses preuves, soit la presse. Dans son ensemble et dans son hétérogénéité, ce quatrième pouvoir, forces et faiblesses confondues, a toujours su se montrer à la hauteur de la situation pour garantir le bien commun.
Ainsi, dans un billet intitulé « Moralité ranpli vant plis ki pitay », dans La Vie Catholique, l’ancien vicaire général, le Père Jean-Maurice Labour, qui n’a pas sa langue dans sa poche, a su rendre un juste hommage à la presse mauricienne. Et cela, en contraste flagrant avec l’expression lapidaire et dévalorisante de l’historien de service trouvant que « la presse a aussi ses propres intérêts à défendre, mais elle doit faire son travail de 4e pouvoir. »
Sans faire sienne l’expression galvaudée et pédante, en l’occurrence pas de leçons à prendre de qui que ce soit, la presse trouve sa légitimité dans cette réflexion pertinente du Père Labour, à savoir : « Dans cette campagne électorale, les médias, boostés par les réseaux sociaux, ont justifié avec une efficacité surprenante leur appellation de 4eᵉ pouvoir. » Ceux qui affirment le contraire « bizin al kasiet parla ». D’autant plus que quelques lignes plus loin, il enfoncera le clou : « Nous avons ainsi vécu un grand moment de notre démocratie grâce à ce 4e pouvoir. »
Comme preuve que les institutions en force sont des piliers de la démocratie ou encore que la force des institutions est un gage pour la démocratie en tout temps, il ne fallait pas aller chercher ailleurs…