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Les enquêtes de l’ICAC cette année : Franklin (finalement) inquiété après sa condamnation à La Réunion

Trafiquant de drogue entre La-Réunion et Maurice condamné depuis juillet 2021 par les autorités françaises et avec des entrées et sorties incalculables en haut lieu, Jean Hubert Célérine, alias Franklin, est arrêté par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) en février. C’est l’activiste Bruneau Laurette qui lève le voile sur ce personnage alors que les débats sur sa remise en liberté conditionnelle étaient en cours au tribunal de Moka au début janvier.

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Franklin est arrêté pour blanchiment d’argent et il est appelé à expliquer sa source de revenus. Or, cet habitant de Rivière-Noire avance qu’il ne possède qu’une voiture et un restaurant. Même la luxueuse résidence où il réside n’est pas enregistrée à son nom.

L’Independent Commission Against Corruption (ICAC) procède alors à l’arrestation d’une dizaine de suspects soupçonnés d’être des prête-noms de Franklin. Des maisons, des voitures, des comptes en banque et des terrains de plusieurs protagonistes font l’objet d’Attachment Orders. L’un des protagonistes, Jérémy Décidé, plus connu comme Nono, considéré comme le bras droit de Franklin, est lui aussi arrêté.

Il est accusé de blanchiment pour un cas qui remonte à l’année dernière ! Il était en possession de plus de Rs 600 000 en devises lors d’un voyage à Madagascar. L’ICAC soupçonne qu’il avait l’intention d’utiliser ces fonds pour financer le trafic de drogue. Néanmoins, les enquêteurs ont décidé de mettre en suspens l’enquête contre lui car le skipper a été extradé à La-Réunion. Il y a été condamné à quatre ans de prison ferme par le tribunal de Saint-Denis en octobre pour complicité de transport, d’acquisition, d’exportation, de détention en contrebande de stupéfiants et de marchandise dangereuse pour la santé publique en bande organisée.
Le cas de Franklin – demande d’extradition et accusation de blanchiment d’argent par l’ICAC – est toujours en attente devant les instances judiciaires à Maurice.

MT : les dossiers sous l’ère Sherry Singh scrutés

Après la démission de Sherry Singh du poste de Chief Executive Officer (CEO) de Mauritius Telecom, l’ICAC saisit l’opportunité pour passer à la loupe les dossiers qui ont été traités sous son règne. En avril, une équipe débarque à la Telecom Tower pour prendre possession d’une série de documents dont une copie du rapport de la firme américaine FTI Consulting Ltd. Le nouveau Board, sous la présidence de Me Maxime Sauzier, Senior Counsel, avait commandité cet audit pour enquêter sur les recrutements, promotions et contrats octroyés par MT entre 2015 et 2022.

Des cas intéressent l’ICAC, soit les dessous de la vente de cuivre, l’achat des boîtiers Showmax, et la mise en œuvre de l’application my.t money, entre autres. Pour le moment, les enquêteurs de l’ICAC laissent la police et la Financial Intelligence Unit mener la charge contre Sherry Singh dans certaines affaires.
Néanmoins, l’ICAC a arrêté quatre cadres de MT en septembre concernant le dossier My.t money, nommément Dharmadutt Gokulsing, Yogendresing Soobul, Chandrakumar Ramkissoon et Sundeep Rambhojun.

Danesh Ellayah, ex-bras droit de Sherry Singh, est également inquiété dans cette affaire. Les enquêteurs soupçonnent des irrégularités dans l’achat d’équipements et services fournis à MT concernant cette application qui aurait coûté environ Rs 600 millions. Un prix considéré comme « exagéré » par la commission anti-corruption. Sherry Singh n’a pas encore donné sa version des faits sur ces dessous.

Black Label & Stag Party : l’ex-PPS Dhaliah inculpé, l’AG Gobin nullement inquiété

Rajanah Dhaliah, ancien Parlialmentary Private Secretary du Mouvement Socialiste Militant (MSM), est arrêté le 31 août dans l’affaire des pots-de-vin allégués pour l’octroi du bail de la chasse Dayot et Mangin à Grand-Bassin. Dossier aussi connu comme la Black Label and Stag Part. Le whistleblower Ajay Jeetoo a allégué que l’ex-PPS aurait sollicité une somme de Rs 4 millions afin d’user de son influence auprès de son colistier et ex-ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères et Attorney General, pour faciliter l’octroi de ce contrat.

Rajanah Dhaliah a exercé son droit au silence lors des séances d’interrogatoire Under Warning au Réduit Triangle alors que l’actuel Attorney General n’a pas été inquiété jusqu’ici, ni convoqué pour consigner sa version des faits. Ne serait que sa participation à la Black Label & Stag Pary à Grand’Bassin en plein confinement du Covid-19.

Auparavant, l’ICAC avait arrêté Rajesh Ramnarain en mai au sujet de cette enquête. L’ancien président du Sugar Investment Trust est soupçonné d’avoir joué un rôle d’intermédiaire dans cette affaire.

C’est en enquêtant sur l’affaire Franklin que l’ICAC s’intéresse au terrain d’État loué à Eco Deer Park dans la région de Grand-Bassin. Shaan Kumar Choolun (alias Mithun), arrêté pour soupçons de prête-nom pour le compte de Franklin, est un des gérants de ce terrain.
Pour mieux comprendre les dessous de l’octroi de ce bail, les lanceurs d’alerte Ajay Jeetoo et Keegan Etwaroo font certaines révélations dont les modalités entourant le paiement de Rs 3,2 millions pour obtenir ce terrain de 250 hectares. Keegan Etwaroo évoque une fête sur place, avant l’obtention du contrat à bail, et tend à confirmer la présence de Maneesh Gobin et Rajanah Dhaliah, entre autres. D’après lui, du whisky et du cerf étaient au menu.

Saint-Louis Gate : Collendavelloo entendu trois ans après sa révocation et attend encore

Après une série d’arrestations et inculpations dans la Saint-Louis Gate en 2022, l’affaire semble être au point mort. Le seul point fort dans ce dossier cette année concerne l’interrogatoire d’Ivan Collendavelloo, ex-Deputy Prime Minister et ministre de l’Énergie, révoqué de son poste en 2020. Lors de son passage au Réduit Triangle fin octobre, il a été entendu pendant presque trois heures. Même s’il n’a pas été inquiété après cet exercice, son retour au cabinet reste en suspens.
Autre fait marquant sur ce dossier en 2023, une demande de l’ICAC en mai pour l’obtention des Attachment Orders sur les biens de certains protagonistes. Cet ordre de la Cour suprême cible l’ex-président du comité technique du Central Procurement Board, Amrithsingh Raja Rai et son épouse, et l’ancien CEO du CPB, Kreetykant Dosieah, et son épouse. Les biens en question concernent des terrains, des immobiliers et des actions.

Entre-temps, l’ICAC a contesté en Cour suprême un Rruling du Senior District Magistrate, Vignesh Ellayah, qui avait rayé l’acte d’accusation provisoire contre Chavan Dabeedin en mars. L’ICAC avait logé une accusation provisoire de Bribery by Public Official en alléguant que Chavan Dabeedin aurait accepté un pot-de-vin de la compagnie Pad & Co Ltd entre 2016 et 2017 dans le cadre de l’installation de câbles souterrains dans diverses régions.

Les enquêtes en suspens

Des plaintes ont été déposées au Réduit Triangle cette année et des enquêtes n’ont pas encore passé l’étape préliminaire. À titre d’exemple, une déposition de Rajen Valayden en octobre sur les fonds décaissés par la Mauritius Investment Corporation Ltd portant sur un montant de Rs 50 milliards. Durant le même mois, l’activiste Nishal Joyram a porté plainte sous l’article 49 de la Prevention of Corruption Act car il dit soupçonner l’existence d’une caisse noire au niveau des comptes de la State Trading Corporation.
Il y a aussi des investigations sur de « petits poissons » comme les allégations d’une tentative de pot-de-vin contre le constable Unmar, ancien élément de la PHQ Special Striking Team. Une entrepreneuse l’a dénoncé en accusant le policier de l’avoir fait croire qu’elle serait impliquée dans une affaire de drogue. Il lui aurait réclamé de l’argent pour qu’elle ne soit pas inquiétée.

Ces enquêtes « oubliées »

Par contre, aucun développement sur certains dossiers majeurs en cette année 2023. L’affaire Angus Road, ciblant le Premier ministre, Pravind Jugnauth, est au point mort. Le Réduit Triangle attend toujours « des réponses auprès des autorités internationales » au sujet de certains aspects du dossier. Entre-temps, il n’y a pas eu de grandes avancées non plus sur le dossier Pack & Blister/Molnupiravir. Idem en ce qui concerne les révélations des Kistnen Papers au sujet des dépenses électorales pour le scrutin du 7 novembre 2019 à Quartier-Militaire/Moka (No 8).

Coups de “rotin bazar” de la cour à l’ICAC

La cour a remonté les bretelles de l’ICAC en quelques occasions cette année. Citons le cas de Jonathan Augustin, qui est accusé d’avoir enfreint un ordre de la cour en vendant un terrain qui était sous le coup d’un Attachment Order suite à des soupçons de blanchiment d’argent. Les avocats de l’ICAC avaient recommandé une amende lors de leurs plaidoiries. Mais la Cour suprême a critiqué cette position et a infligé trois mois de prison au prévenu en septembre.
Un mois plus tard, l’ICAC subit un autre revers en cour de Rose-Hill après que les charges provisoires d’abus de pouvoir contre Jonathan Ramasamy sont rayées. La commission avait arrêté l’ex-directeur de la State Trading Corporation en février 2021. Trente-deux mois après, l’enquête n’était pas encore terminée. Les enquêteurs justifient ce retard devant la cour en disant que l’affaire est complexe, ou qu’il y a un manque de personnel, entre autres.
En juin, la cour a rayé l’accusation de corruption contre Khalil Ramoly. Elle avait aussi signalé plusieurs lacunes dans l’enquête menée par l’ICAC comme l’absence d’identification d’un témoin clé de l’affaire.
Khalil Ramoly, propriétaire d’un magasin de pièces détachées, était accusé d’avoir mis à la disposition d’un garde-chiourme une voiture de location en échange de faveurs accordées au trafiquant de drogue Siddick Islam en prison. Khalil Ramoly a été arrêté une nouvelle fois par l’ICAC cette année dans le sillage de l’affaire Franklin.

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