Les grands défis du siècle – réchauffement climatique, perte de la biodiversité, érosion sociale, trafics en tout genre, etc. – ont tous pour dénominateur commun de découler, directement ou indirectement, de la recherche perpétuelle de l’augmentation des profits, et donc d’une croissance soutenue. Ce qui ne peut se faire que par une hausse de nos dépenses énergétiques, à travers notamment notre appareil de production, mais également de l’acheminement de nos biens et services. Telle est la réalité économique, mais aussi physique. Car l’énergie, dans l’univers, est une nécessité absolue, que ce soit pour le soleil, pour les planètes… ou pour les hommes. À la différence que, contrairement aux deux premiers nommés, l’homme, lui, reste maître de sa destinée. Ainsi, s’il est estimé que le soleil aura brûlé toute son énergie d’ici cinq milliards d’années, en la consommant de manière quasi continue – dicté uniquement par les lois physiques donc –, l’homme, lui, s’il a aussi besoin d’énergie, peut cependant en varier sa dépendance selon ses envies.
Tout le problème de notre modèle économique est justement là. Dans tout système libéral, la machine industrielle pousse invariablement à l’excès. Ce qui, revers de la médaille de ce regain de confort, aura eu de multiples conséquences, à l’instar d’un épuisement de nos ressources et de la hausse graduelle de nos émissions carbone. Un système qui, pourtant, était d’emblée voué à l’échec, vu que nos ressources énergétiques, fossiles pour la plupart, ne sont, par nature, pas renouvelables, si ce n’est sur une très longue période géologique.
Mais alors, pourquoi ne pas en changer ? Certes, cela reste du domaine du possible… si ce n’était un petit souci : nous sommes tous, bien qu’à des échelles diverses à travers la planète, enracinés dans ce système, seul que nous n’ayons jamais connu. Nous ne sommes en effet pas les instigateurs de l’économie moderne, qui aura vu le jour avec l’avènement de l’ère industrielle. Dit autrement, nous ne l’avons pas créée, nous la subissons… et en jouissons !
Reste que nous sommes aujourd’hui conscients que « quelque chose ne va pas », et que pour remettre bon ordre dans tout ce désordre, il nous faudrait, pour bien faire, revoir le système avant qu’il ne s’écroule. Ce qui, encore une fois, est extrêmement difficile à imaginer, du moins à courte échéance, tant le chantier qui nous attend semble colossal. Aussi préfère-t-on le remettre à demain, et continuer sur cette voie de l’excès et de l’irrationalité qui nous aura précipités au bord du gouffre. Car oui, le fonctionnement de notre monde industrialisé est complètement irrationnel. Sauf que, ancré dans nos habitudes, nous ne voulons pas le voir.
Prenons ainsi l’exemple d’une simple boîte conserve, achetée à la supérette du coin. Réfléchissons un instant à ce qui la constitue. Des petits pois, des champignons, une préparation pour pizza… Des produits qui, rarement, proviennent de notre région, ni même de notre pays. Mais aussi des composants et autres additifs qui auront quelquefois voyagé des milliers de kilomètres pour être assemblés encore bien loin de chez nous. Sans compter le contenant : les métaux composant la boîte, le papier servant à l’étiquetage, l’encre utilisée pour l’imprimer, le plastique ou le carton permettant de faciliter le transport, etc. Autant de composants, là encore, qui ajoutent à la facture carbone de l’ensemble. Une empreinte pharaonique au regard de la valeur réelle du produit final. N’est-ce pas là une preuve de notre irrationalité ?
Qui plus est, notre modèle économique ne pouvait, de facto, que générer des inégalités. C’est d’ailleurs là l’essence même du système : créer un besoin, alimenter ce besoin et récolter les fruits de ce besoin. Expliqué plus simplement, pour que les producteurs puissent engranger, les consommateurs doivent dépenser. Avec pour effet de voir se creuser davantage le fossé entre deux classes d’humains, à savoir les profiteurs – qui, bien que minoritaires, ont la main sur les rouages du système –, et l’immense majorité que constituent les autres, et dont la survie des premiers dépend pourtant.
Autant de raisons donc qui devraient nous forcer à optimiser nos ressources naturelles, mais aussi à capitaliser sur d’autres, qui plus est totalement gratuites, en l’occurrence nos ressources physiques, sociales, culturelles et intellectuelles. Un travail de longue haleine pour lequel nous n’avons plus beaucoup de temps ! Pas plus hélas que d’envie…