Joseph Staline, dans toute sa grandeur de dictateur de la Russie, disait : « A single death is a tragedy, a million deaths are a statistic». Ce n’est nullement approprié d’appliquer cette répartie pour décrire l’état d’(in)sécurité qui prévaut sur les routes à Maurice ces dernières années. Pourtant, d’autres se gargariseront avec cette formule « One death is too many » pour, surtout, se donner bonne conscience.
Mais l’état de l’(in)sécurité routière fait craindre le pire. Les dernières données en ce début d’année ne confirment aucun renversement de tendance quant au nombre de victimes. Pour les 40 premiers jours de l’année, la triste moyenne est d’une victime toutes les 50 heures. Pour ne pas dire tous les deux jours. Ou encore, un accident de la route rapporté à la police toutes les 90 minutes, soit le temps réglementaire d’un match de football sifflé par un arbitre.
Ces chiffres ont été révélés par le nouveau ministre du Transport public, Osman Mahomed, lors des travaux de l’Assemblée nationale en ce début d’année. Une façon d’alerter l’opinion sur les drames de la route. Soixante-douze heures après que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a déjà signifié l’intention du gouvernement de revenir avec l’introduction du permis à points en vue de rendre les routes de Maurice moins meurtrières, le ministre a ajouté une nouvelle couche avec au moins 16 mesures d’intention, dont une nouvelle formule de licence par étapes.
Le temps de la mise en place du cadre pour l’adoption de ces mesures, la circulation continue sur les routes, avec les accidents qui s’accumulent et l’ange de la mort circulant à grande vitesse, ne laissant rien au hasard.
Les campagnes de sensibilisation, avec des slogans plus effrayants les uns que les autres, se succèdent, tout comme les déclarations des ministres, avec pour leitmotiv : trop, c’est trop. Mais hélas, la triste vérité demeure Blood on the Road, sans intention de parodier Blood on the Tracks de Bob Dylan.
Avec l’avènement du gouvernement de l’Alliance du Changement, prônant la rupture avec le passé, l’heure de l’action a sonné. Les usagers de la route ont subi et continuent à subir frontalement les conséquences néfastes des « reckless and irresponsible decisions of putting the lives of our population at risk » des dix dernières années du précédent gouvernement.
Des mesures décisives, allant dans le sens d’un Crackdown des pratiques de Road Rage sous toutes ses formes, privilégiant le respect du Code de la route et surtout le retour de la courtoisie au volant – évidemment avec la participation des usagers de la route et la présence dissuasive des autorités appliquant la loi avec rigueur – seront les bienvenues.
Elles pourront rapporter des dividendes plus solides, renforçant tant la sécurité sur les routes que corrigeant les manquements flagrants du ministre sortant. Ou encore cette déclaration d’intention : « The House would certainly note that this Government is much more committed than the previous one to bring necessary changes to enhance road safety and build a culture of responsible driving so as to manage road accidents in the country. »
Au cours de ces dix dernières années, le Hansard ne contient-il pas de message en substance similaire à celui-ci. L’argumentaire ne devrait pas étonner. C’est la plume et le réflexe d’un fonctionnaire en poste depuis des années qui rédige les Answers to Parliamentary Questions, dont la lecture est faite par le ministre au sein de l’hémicycle.
Toujours dans le secteur du transport en commun, la National Land Transport Authority (NLTA) se présente aux yeux des usagers et du public en général comme le symbole de tout ce qui est contraire au concept d’efficacité et de bonne gouvernance dans la gestion des fonds publics.
Chaque année, des dotations, connues sous le nom de Free Travel Scheme, sont prévues sous l’item Public Transport Subsidies pour assurer le programme de transport gratuit pour les personnes âgées et les étudiants. La NLTA est investie du pouvoir de s’assurer de la qualité de service offerte à ce titre.
Mais sur la route et aux arrêts d’autobus à travers le pays, le constat est amer. Des passagers sont condamnés à attendre, s’ils ne sont pas tout simplement abandonnés à leur sort, avec un système de transport des plus erratiques. Le ministre déclare que « the satisfaction level in all segments of the population is quite low. » Il croit dans la formule magique de la main-d’œuvre étrangère pour changer la face du transport.
Libre à lui. L’invasion de la main-d’œuvre étrangère dans le secteur des services n’aura pas servi de leçon.
Mais la révélation la plus choquante demeure ce qui a été découvert en décembre sur les routes 87 et 11. Personne n’osera contredire que cette pratique est courante sur les autres lignes, à savoir « the existence of a collusion between the bus operators and the cooperative society to defraud disbursement of public funds under the free travel scheme and subsidies on diesel. »
The Cost to the Exchequer de ces pratiques frauduleuses est de l’ordre de 2,5 milliards de roupies, ou encore selon le ministre « therefore, tens of billions of rupees over 20 years. » Cette fraude a été mise au jour suite à un travail de fourmi des parlementaires du Sud et d’un conseiller de district.
Et alors, le système de contrôle de la NLTA est vraiment hors champ, et la route de sécurité vers A Bridge to the Future ne devrait-elle pas commencer par une réforme de fond en comble de cette même NLTA ?