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Les apparences sont trompeuses

Ça y est ! La barre des deux milliards de voitures est dépassée. À elle seule, la Chine compte un parc automobile de plus de 300 millions de véhicules, soit encore une voiture pour quatre habitants. Si nous sommes évidemment loin de ce chiffre à Maurice, avec « à peine » 600 000 véhicules, le secteur automobile se porte très bien, puisqu’il concerne quasiment un Mauricien sur deux. Autant dire que le marché est loin de s’essouffler, malgré les effets dévastateurs de l’industrie sur le plan environnemental. Ainsi estime-t-on que l’empreinte carbone du marché automobile représente près de 10% des émissions mondiales totales de CO2.
Sur ce point, face aux impératifs climatiques et à l’appel du monde pour l’utilisation accrue de sources d’énergie « propre », le secteur automobile a bien sûr été obligé de s’adapter. Raison pour laquelle sortent aujourd’hui davantage des usines de véhicules tout électrique et hybrides (mix carbone/électrique), et ce, tandis que l’on espère inonder le monde de véhicules autonomes. De bonnes alternatives, serait-on tenté de dire. En fait, pas vraiment, et ce, pour plusieurs raisons.
La première, et non des moindres, est que les véhicules électriques constituent encore une part relativement insignifiante du parc mondial, sachant en effet que de nombreuses années seront encore nécessaires pour remplacer les véhicules existants, essentiellement mus donc par de l’énergie fossile. Qui plus est, le parc mondial continue de grossir de manière exponentielle, ce qui ralentira de facto son remplacement, sachant que les usines continuent bien entendu de produire des véhicules roulant aux énergies classiques.
Mais ce n’est pas tout, car les véhicules électriques sont, contrairement aux apparences, loin d’être « eco-friendly ». Pour la bonne raison que pour les alimenter, il faut de l’électricité, laquelle est encore en bonne partie produite à partir de ressources carbone. Ainsi, si l’on reprend le seul cas de la Chine, qui possède le plus grand parc automobile du monde, il faut savoir que l’énergie électrique y est encore produite à 84,4% à partir de combustibles fossiles, pour l’essentiel du charbon. Prouvant ainsi la quasi-inutilité d’y rouler en véhicule électrique. A cela vient en plus s’ajouter le problème des batteries, lesquelles requièrent non seulement des métaux rares, mais aussi ont un coût carbone à l’usine plus conséquent que dans le cas d’une batterie « classique ».
Mais quid des véhicules autonomes alors ? Et bien là aussi, on ne peut pas dire que cela soit beaucoup mieux, ceux-ci ressemblant davantage à un mirage écologique. Et pour cause : ces merveilles technologiques, censées « économiser » le cerveau humain par des prises de décision rapides, sont blindées de capteurs et d’ordinateurs, lesquels consomment énormément. Ainsi, si l’on veut un instant comparer les valeurs énergétiques, il faut savoir qu’un cerveau humain, merveille d’efficience, consomme à peine 12 watts en continu, contre… 840 W pour le matériel embarqué dans ce type de véhicule.
Des chercheurs ont d’ailleurs entrepris d’évaluer l’impact sur l’environnement des voitures autonomes si celles-ci venaient à se généraliser. Ainsi, pour un parc de « seulement » un milliard de véhicules autonomes, soit deux fois moins que de voitures traditionnelles en circulation actuellement, l’empreinte carbone serait équivalente à la totalité des émissions de CO2 produites par les Data Centers du monde entier. Soit 300 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, ou encore l’ensemble des émissions carbone du Royaume-Uni.
Face au défi climatique, la mobilité est devenue un problème cornélien. Car nos avancées modernes, qui nous permettent de produire autant de merveilles technologiques, se buttent à notre entêtement à poursuivre notre route, coûte que coûte, sur le chemin de la croissance. Lequel est, nous le savons, sans issue. Avec pour finalité de continuer à dépendre à 80% de nos ressources fossiles. Rendant du coup complètement frivole tout projet écologiquement viable, mais pourtant condamné à ne le rester dans la majeure partie des cas qu’en apparence.

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Michel Jourdan

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