VEENA PULTON
Être ou devenir enseignant(e) confère-t-il le même prestige que jadis ? Est-il vrai que la vocation d’enseigner est bien ancrée chez certains alors que le plaisir de l’enseignement s’amenuise chez d’autres ? Peu importe les sentiments ou ressentiments, que cette Journée dédiée aux enseignant(e)s, prévue pour le 5 octobre, nous sensibilise à leur rôle prépondérant dans la construction de notre société et que les défis rencontrés durant leur carrière soient mis en lumière.
Chaque année depuis 1994, la Journée mondiale des enseignant(e)s est aussi l’occasion de commémorer l’anniversaire de l’adoption de la Recommandation de 1966 concernant la condition du personnel enseignant instituée conjointement par l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour la Science, l’Éducation et la Culture). En septembre 2022, un Sommet mondial sur la transformation de l’éducation est organisé à l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, M. Antonio Guterres. Ce Sommet évoque les efforts à déployer afin d’assurer une éducation de qualité pour tous d’ici 2030 car « … dans de nombreuses régions du monde, les salles de classe sont surchargées et les enseignants trop peu nombreux, en plus d’être submergés de travail, démotivés et sans soutien. En conséquence, un nombre sans précédent d’entre eux quitte la profession alors que l’on constate un déclin significatif du nombre de personnes qui étudient pour devenir enseignants. » Chez nous, à l’île Maurice, la pénurie d’enseignants faisant souvent la une des médias devrait tous nous concerner car il ne faudrait pas que l’enseignement, le plus beau métier du monde, perde ses lettres de noblesse.
Enseigner, c’est d’abord changer le destin d’un enfant. En lui transmettant le savoir et les valeurs essentielles de la vie, l’enseignant(e) contribue à l’épanouissement de son élève. Instruire, éduquer et évaluer : l’enseignant(e) est polyvalent(e). Dans un monde qui évolue à un rythme vertigineux, l’enseignant(e) est contraint(e) de se plier aux exigences de la profession. Il va sans dire que la principale source de stress de l’enseignant(e) demeure sa responsabilité quant à la réussite de ses élèves. Mais pour y parvenir, il faut travailler avec diverses personnalités et un large éventail de sensibilités. De ce fait, il faut adapter son enseignement au profil de chaque élève. L’enseignant(e) doit être en mesure de gérer les difficultés d’apprentissage car les besoins éducatifs varient d’un élève à un autre. En situation de handicap ou dyslexique, victime de bullying ou de harcèlement, tout élève a besoin d’une attention particulière. Il faut donc pouvoir se substituer au psychologue ou au mentor.
L’enseignement est d’autant plus fascinant car c’est un métier qui nous permet de contribuer au développement personnel et à l’émancipation de son élève. Au cours de ma longue et productive carrière dans le monde de l’éducation, je dirai que parfois, ce sont les élèves qui donnent aux adultes une belle leçon de vie. Ma rencontre avec Andriana, une jeune fille non voyante de 19 ans, reste une de mes expériences les plus enrichissantes en tant que pédagogue. Je ressens encore aujourd’hui une immense satisfaction d’avoir contribué à sa réussite puisqu’elle a pu décrocher un A+ en français au niveau HSC (Higher School Certificate). Impressionnée par son dévouement et son acharnement au travail, je dirai que j’ai beaucoup appris d’elle …Résilience, patience et persévérance.
Un(e) enseignant(e) travaillant avec des adolescent(e)s sait pertinemment que l’adolescence est une étape d’instabilité que vivent les jeunes en général. Comment enseigner à une élève qui a vécu une grossesse précoce et donc déjà maman à son jeune âge ? Comment instiller la confiance chez celles et ceux qui vivent très mal cet âge dit ingrat ? Si vous y parvenez en toute sérénité, alors je dirai qu’il y a de quoi se réjouir. Oui, voir la métamorphose chez une jeune fille en manque d’estime de soi ou un jeune garçon en proie à une crise profonde, c’est se (re)donner envie de poursuivre notre noble profession.
Il est vrai que confronté à une classe difficile, si l’éducateur ne pose ni impose des règles de discipline, sa vie de prof pourra devenir un vrai calvaire ! Mais quand la pression des parents est abusive, le calvaire risque d’engendrer un geste tragique comme ce fut le cas tout récemment en Corée du Sud. En juillet 2023, le monde éducatif sud-coréen est ébranlé par le suicide d’une jeune enseignante de 23 ans sur son lieu de travail. Selon les syndicats, elle aurait été victime du harcèlement des parents d’un élève accusé de violence. Le 5 août 2023, indignés et révoltés, des dizaines de milliers d’enseignants vêtus de noir sont descendus dans les rues de Séoul pour alerter l’opinion et exiger une révision de la loi afin d’être protégés contre les abus des “parents d’élèves tyranniques”.
Toutefois, tout le monde peut se tromper mais il faut pouvoir reconnaître son erreur. Quand un(e) enseignant(e) se trompe en classe, il/elle peut rectifier le tir en toute discrétion. Mais quand l’erreur est commise à une plus grande échelle, la situation peut virer au psychodrame. Au lycée international Nelson-Mandela à Nantes, en France, les lycéens se présentant à une épreuve au baccalauréat 2022, ont le choc d’apprendre que leur prof leur a enseigné le mauvais programme. Au lieu d’étudier le cursus de l’année en cours, il les a formés pour l’année prochaine. Heureusement des mesures sont prises par le rectorat afin que les élèves ne subissent aucun préjudice.
Il se révèle aussi qu’un élève soit un Late Bloomer et surprend son professeur par sa réussite spectaculaire. Adam Sandler, célèbre acteur américain, est bien placé pour parler de son expérience devenue une anecdote. Que serait-il devenu s’il avait suivi les conseils de son professeur à la New York University lui recommandant de renoncer au métier d’acteur et de choisir une autre voie ? Mais quand la superstar rencontre à nouveau son prof, pensez-vous qu’il se vante de son succès et qu’il lui fait des reproches quant à son erreur de jugement ? Et bien non ! Adam Sandler est plutôt touché par la considération du prof à son égard alors qu’il était encore étudiant : “This is the only teacher who ever bought me a drink”.
Un(e) enseignant(e) dont le rôle fondamental est de protéger le droit à l’éducation même dans les circonstances les plus difficiles, a en effet besoin d’une bonne formation pour pratiquer ce métier vieux de plusieurs millénaires. Mais quand les circonstances plus que difficiles sont imprévisibles comme lors de la pandémie de Covid-19, que dire de ces pédagogues soucieux de transmettre leur savoir à leurs apprenants. Bien que soumis à une pression énorme, ils ont su adapter l’enseignement en classe à un modèle entièrement en ligne et hybride ou blended learning (approche pédagogique comprenant éducation traditionnelle et nouvelles technologies). Pour cela, chapeau à vous les éducateurs !
En bref ! Vocation ou nécessité, enseigner c’est d’abord aimer, même si ce long chemin apporte son lot de réussites et d’échecs. “Choix de carrière” ou “choix de vie”, enseigner c’est éprouver ce grand sentiment d’accomplissement de voir les jeunes évoluer, s’ouvrir au monde tout en forgeant leur identité.
Sources
allocine.fr
https://www.unesco.org
le point.fr
le télégramme.fr
rfi.fr