Pour son cinquième et ultime budget avant les prochaines élections générales, le Grand Argentier, Renganaden Padayachy, a pris un pari osé. Le titre du Budget Speech, soit Demain est à nous, est susceptible d’ouvrir la porte à une autre réplique. Au moins pour la forme.
Qui ne se rappelle pas cette affichette, très souvent placée ostensiblement chez le coiffeur du quartier ou de la boutique du coin – « Aujourd’hui comptant ! Demain gratuit » – comme pour bien faire comprendre que M. Crédit est mort ! Donc, pas de dette !
Alors, l’enfant, allant chez le coiffeur pour la première fois, se laissera prendre par le jeu de mots. Par contre, l’adulte, qui doit se rendre à la boutique quotidiennement, sait pertinemment bien que ce demain n’a jamais existé, n’existe pas et n’existera jamais. Et ce, en dépit de cet engagement plus que solennel. C’est ce que certains diront un pari risqué. Même si l’on a toujours appris qu’il faut toujours garder une poire pour la soif.
Bientôt, les 43 heures de débats réservées à l’Assemblée nationale sur le budget Demain est à nous seront épuisées. Mais la question légitime à poser demeure combien d’heures ont été consacrées à ce demain, qui est proposé à ce menu budgétaire. Très peu.
Peut-être une infime partie. Dans le camp du gouvernement, pour évoquer ce réajustement des prestations sociales en deux temps, de Rs 500 en juillet 2024 et Rs 500 en janvier 2025. 310 000 bénéficiaires au décompte alors que les nouveaux registres de la Commission électorale comprennent un peu plus d’un million d’électeurs. Et dans le camp de l’opposition pour tirer la sonnette d’alarme au sujet de l’érosion inéluctable, demain, du pouvoir d’achat avec la politique de dépréciation de la roupie.
La grosse majorité des intervenants, pour ne pas dire tout un chacun, ont préféré s’appuyer avec assurance sur les faits d’hier au lieu de s’aventurer sur les aléas de demain. Nullement un reproche. C’est dans la logique du temps. Le mandat de cinq ans de la présente législature tire à sa fin. Aujourd’hui, l’heure du bilan d’hier a sonné.
Les services d’archives des uns et la documentation de l’autre ont été mis à contribution pour embarrasser son vis-à-vis. Même s’il fallait remonter à 20 ans en arrière au minimum.
Mais même s’il est un secteur porteur de demain, puisqu’il touche à la jeune génération, devant assurer la relève de demain, l’éducation n’a pu émerger de plein droit dans ces débats parlementaires. Des Passing Remarks au sujet des mesures budgétaires, comme pour se donner bonne conscience et acculer l’autre avec ras morso dipin dan labous zanfan.
Pourtant, dans la conjoncture, l’éducation mérite que les décideurs s’y attardent. Les nouvelles exigences pédagogiques s’avèrent davantage un frein qu’un stimulant pour accompagner demain. Un seul point, notamment l’obligation imposée aux managers de ne recruter que des enseignants détenant le PGCE, aurait pu susciter des débats de haute facture.
D’abord, les difficultés pour dénicher ces oiseaux rares sur le marché avec les étudiants, pénalisés par le manque d’enseignants. C’est la réalité d’aujourd’hui dans le secteur de l’éducation avec les demandes des managers tombant dans l’oreille d’un sourd.
L’expérience d’hier aurait pu apporter un soulagement aujourd’hui aux adultes de demain. Comment ? Ce n’est pas le Speaker, Sooroojdev Phokeer, dans toute son arrogance de donneur de leçons, qui pourra déclamer un Out of Order sonore si ce point avait été évoqué. Un peu plus d’un demi-siècle de cela, au lendemain de ses études au secondaire, il avait pris de l’emploi dans un collège privé. Il n’était pas l’exception, qui confirme la règle.
D’autres encore se reconnaîtront en toute légitimité. Aujourd’hui, ils doivent être fiers, que même sans PGCE, ils ont assuré hier l’éducation de cette île Maurice d’aujourd’hui. Rares ont été les discours budgétaires, transmettant ce souci majeur dans le domaine de l’éducation.
Et la désillusion de ces étudiants, qui ont fourni tant d’efforts pour donner au Kreol Morisien ses lettres de noblesse en croyant pouvoir poursuivre demain leurs études dans cette matière au niveau du HSC. L’incompréhension des pédagogues, qui ont travaillé sur ce dossier, est à la mesure du désenchantement des étudiants.
Mais ce Demain est à Nous de Renganaden Padayachy trouve un écho plus cruel chez ces milliers de recalés du PSAC, qui sont parqués dans le circuit de l’Extended Programme sans savoir de quoi sera fait ce demain. Tous ceux ayant à cœur cette république de demain mettent à l’index cet Extended Programme en dépit de la bonne volonté déployée par l’encadrement académique de ces enfants, qui ont les mêmes droits que leurs autres petits camarades.
À contrario, l’affichette chez le coiffeur d’hier à l’effet que Demain, on rase gratis aura toute sa pertinence. Hélas…