Tout comme la première vague de Covid-19, le retour du virus à Maurice est symptomatique du mal profond qui ronge l’humanité depuis des décennies, et même des siècles, car résultant de notre soif insatiable d’un développement tous azimuts de nos civilisations. Avec pour seul mot d’ordre : « Toujours plus ! » Ce mal, c’est notre système économique. Un système axé sur l’exploitation des biens et des personnes et qui, au final, nous aura non seulement conduits à « voler » à la Terre tout ce qu’elle avait de plus précieux à nous offrir, comme sa biodiversité, mais aussi, en exploitant les ressources fossiles, à ouvrir une boîte de Pandore que nous ne pourrons jamais refermer sans avoir à en subir les contrecoups.
La Covid, répétons-le, est l’un des fruits de ce système. Si le virus s’est transmis à l’homme, c’est bien parce que nous avons forcé la faune sauvage, par la destruction des forêts et le bétonnage, à se rapprocher de nous. Et s’il a gagné la terre entière en un laps de temps aussi court, c’est parce que nous lui avons permis de le faire en lui offrant un passeport international à bord de nos avions, de nos paquebots, de nos cargos… Pourtant, malgré cette évidence, personne, à commencer par ceux gentiment calfeutrés dans leur bureau aux plus hautes sphères des États, ne semble réellement en prendre la mesure. Notre seul souci, aujourd’hui, est de se débarrasser de ce dangereux passager clandestin pour pouvoir, une fois fait, « relancer la machine », ce même système qui, aujourd’hui, aura mis la planète à genoux et qui, demain, par l’entremise du réchauffement climatique, finira de l’achever.
Et quel meilleur exemple d’ailleurs que celui qui nous concerne directement, en l’occurrence notre propre expérience et la gestion de la pandémie sur le plan local. Comment en effet interpréter cette résurgence de la pandémie ? Si le virus, dont les autorités rappellent constamment qu’il « ne marche pas », est parmi nous, c’est bien parce qu’il a profité du système, à savoir dans le cas présent de la réouverture, même partielle, de nos frontières. Certes, notre pays, qui ne s’est jamais réellement engagé dans un programme de résilience alimentaire et énergétique, ne pouvait interdire l’approvisionnement du pays dans ses besoins de base, mais que dire des touristes et autres VIP ? Était-il nécessaire de les recevoir à nouveau en octobre dernier, soit à une époque où la promesse de l’arrivée imminente de vaccins se faisait déjà persistante ? Si ce n’était pour des raisons purement économiques, il est clair que les frontières seraient restées fermées.
D’autres décisions, plus anecdotiques, mais plus récentes, amènent des conclusions similaires. Comment en effet interpréter l’interdiction d’opérer pour les dentistes du privé, alors que les urgences dentaires du service public – a priori bien plus perméables au virus – restent ouvertes, et que, dans le même temps, les autorités dispersent les WAP aux quatre vents, y compris à des services bien moins essentiels, comme les magasins de vêtements et de parfums ? N’est-ce pas là une preuve de plus que l’économie prend assurément le pas sur les questions d’ordre purement sanitaire ? Et nous pourrions continuer longtemps, tant les exemples sont légion.
Le problème, une fois encore, tient à notre système. Si les autorités sont à blâmer dans la conjoncture, il est fort à parier que d’autres, à leur place, auraient pris des décisions quasi similaires. Et ce, pour une raison simple comme bonjour : ce système a beau être vicié, nous ne connaissons que lui ! Aussi, quelle que soit la couleur qu’aurait pu prendre un autre gouvernement, il est certain qu’il n’aurait pas engagé, plus que l’actuel, ne serait-ce que l’ébauche d’une réflexion sur la question de notre autonomie alimentaire et énergétique. Avec pour conséquences toujours plus de béton et moins d’espaces verts et cultivables, et probablement pas plus d’engagements climatiques. Le plus navrant, c’est que Maurice, de par sa position géographique, aurait pu (et pourrait toujours) être un modèle de résilience. À croire que nous sommes résolument condamnés à rester dans nos actions aussi minuscules que l’est notre place au sein du monde.