Le Synode sur l’avenir de L’Église catholique : ouvrir des horizons d’espérance

Reynolds MICHEL 

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Le Port, La Réunion

Le Vatican a publié le 20 juin dernier un document de travail, intitulé Instrumentum Laboris (IL), en vue du prochain synode des évêques « Pour une Église synodale : communion, participation, mission », qui se déroulera du 4 au 29 octobre prochain à Rome (1). Il s’agit de la première étape de la dernière phase (la seconde, conclusive, est convoquée pour octobre 2024) d’un processus en trois phases lancé le 10 octobre 2021 par le pape François.

La première, la phase diocésaine, a mobilisé, peu ou prou, les diocèses du monde entier (chaque Église catholique des cinq continents). L’objectif de cette première étape, marquée par l’écoute et la consultation locale et nationale, était d’entendre la voix de tous les baptisés (2). La deuxième, la phase continentale qui a réuni les épiscopats de chaque continent, avait comme objectif d’approfondir le discernement sur ce qui a émergé de la phase locale et nationale. Comment ? En reformulant les questions ouvertes et mieux étayer les idées provenant des Églises locales avant de les faire remonter à Rome.

La première session du Synode prévue en octobre, qui ouvre la phase finale du processus en cours, se révèle donc capitale pour l’objectif fixé par le pape François : « non pas une Eglise cléricale, mais synodale ». Autrement dit, une Église catholique moins centrée sur la hiérarchie, plus ouverte à tous les baptisés (évêques, prêtres diacres, religieux, laïcs…) ; une Église qui favorise le passage du « je » au « nous », tout en étant en dialogue avec les croyants d’autres religions et avec les cultures et les sociétés dans lesquelles elle s’insère (cf. IL).

Instrumentum Laboris, un document de discernement et de préparation

Instrumentum Laboris (IL) est un document destiné aux participants du Synode. C’est, en quelque sorte, un document d’orientation et de discernement des travaux de l’Assemblée générale d’octobre 2023. En ce sens, l’IL ne propose pas de réponses, mais constate, ouvre et invite à l’approfondissement. IL est composé d’un texte et de quinze fiches de travail qui pointent une vision dynamique d’une Église en renouvellement. Le but du processus synodal, précise le document de travail, n’est pas de produire des documents mais d’ouvrir des horizons d’espérance. Instrumentum Laboris, il convient de le préciser, est le fruit synthétique des contributions des étapes diocésaines et continentales et rapporte l’expérience des Églises de par le monde, et ce dans des contextes très variés (guerres, menace climatique, exploitation économique, écrasement des minorités, inégalités, émigration, abus sexuels et de pouvoir qui affectent de nombreuses Églises, etc.).

Ce document qui tente, à partir des idées recueillies au cours de la première phase (diocésaine) et d’une relecture opérée lors de la deuxième phase (continentale), d’identifier les priorités sur lesquelles poursuivre le discernement durant l’Assemblée synodale d’octobre 2023, est un document honnête et stimulant. Il reprend à son compte la quasi-totalité des questions, parfois audacieuses, formulées à tous les stades de la phase de consultation. Du jamais vu ! disent certains observateurs. En effet, pour la première fois depuis Vatican II, un dialogue approfondi entre les Églises locales et les responsables du synode s’est mis en place. Toutes les questions sont mises sur la table sans tenir compte des tabous. La seule question explicitement écartée est la possibilité de l’ordination des femmes à la prêtrise. Sans doute, pour ne pas allumer la mèche de la bombe anti-synodale. Car la démarche synodale est jugée par certains prélats et influenceurs chrétiens comme suicidaire pour l’Église catholique.

Une Église où tous les baptisés cheminent ensemble et partagent la même mission

Trois priorités – en lien avec les trois mots clés du Synode : communion, mission, participation – ont été identifiées pour être proposées au discernement de l’Assemblée d’octobre 2023 : croire dans la communion en accueillant tout le monde, sans exclusion ; reconnaître et valoriser la contribution de chaque personne baptisée en vue de la mission ; identifier les structures et dynamiques de gouvernance par lesquelles articuler la participation et l’autorité au fil du temps dans une Église synodale missionnaire (cf. IL, n° 43). Et pour chacune des priorités, cinq fiches de travail ont été élaborées pour accompagner la préparation et structurer les travaux de l’Assemblée synodale d’octobre 2023. Et ce, sous forme de questions.

En effet, c’est sous forme de questions adressées à l’Assemblée synodale que les sujets, même les plus controversés, seront abordés. La place des femmes, le rapport à l’autorité, l’inclusion des minorités blessées, telles que les personnes divorcées et remariées, les personnes polygames, les personnes LGBTQ+, le rapport entre la culture occidentale et latine et les autres cultures, l’ordination sacerdotale des hommes mariés et la nécessité de la formation initiale et permanente pour le Peuple de Dieu comptent parmi les sujets les plus marquants. Arrêtons-nous sur les questions du diaconat féminin (l’accès des femmes au rôle de diacre), de l’ordination des hommes mariés et de l’autorité dans l’Église.

Le diaconat féminin. L’invitation à promouvoir « la dignité baptismale des femmes », en prêtant attention à leur l’expérience, statut et rôle dans l’Église, fait l’unanimité des Assemblées continentales. Le désir de leur  « présence à des postes de responsabilité et de gouvernance »  est notamment souligné, ainsi que leur inclusion dans les « ministères à tous les niveaux de l’Église ». La question de leur accès au diaconat (3), sujet plutôt controversé dans l’Église catholique, est expressément envisagée. Il en est de même de la question de l’ouverture de la prêtrise à des hommes mariés. Notons que ces deux propositions, formulées en octobre 2019 par le Synode de l’Amazonie, ont rencontré un net refus de la part du pape François à l’époque.

La question de l’autorité, de sa signification et du style de son exercice au sein de l’Église, d’une Église qui se veut synodale. L’enjeu de cette question est de taille après la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église catholique en octobre 2021 et les remontées, lors des assemblées continentales 2022/2023 sur « les phénomènes d’appropriation du pouvoir et des processus de décision » dans l’Église ces dernières décennies (IL). « Les responsabilités dans le traitement des cas d’abus sont-elles individuelles ou systémiques ? », interroge le document, soulignant la nécessité de repenser la gouvernance, en la rendant plus transparente, entre autres. Un appel à la transparence qui n’est pas sans remettre en cause « la manière dont le ministère de l’évêque est exercé ». L’autorité se présente-t-elle comme une forme de pouvoir dérivée des modèles offerts par le monde ou comme un véritable service ? (IL,57).

Des pistes d’approfondissement, mais pas de révolution

Même s’il s’agit d’un Synode des évêques, 70 membres non-évêques participeront à ce Synode et prendront part au vote, dont une quarantaine de femmes, sur une assemblée d’environ 370 membres. Un tournant historique, dit-on ici et là.  À travers ces petits changements historiques, le pape François manifeste sa détermination de remettre l’Église sur les rails. Avec quelles chances de convaincre ? Est-ce que le Synode pourra faire émerger un fort consensus sur un certain nombre de sujets ? Quoi qu’il en soit, il ne faut pas s’attendre à une révolution. Même si le texte présenté (IL) constitue déjà une avancée décisive, ses questionnements ne portent que sur la pastorale et/ou la gouvernance, pas sur la doctrine et la morale, pourtant fortement interrogées. Une limite objective et regrettable pour certains. Pour d’autres, la tenue de ce Synode constitue déjà un danger pour le dépôt de la foi. On peut donc s’attendre à des débats sans précédent, sur des sujets marquants, à ce niveau de l’Église catholique, et, souhaitons-le, un grand pas en avant dans la marche d’une Eglise dialogique à tous les niveaux.

1.Une veillée de prière œcuménique aura lieu sur la place de Saint-Pierre, à Rome, le samedi 30 septembre 2023, en vue du bon déroulement de cette session synodale.

2.MICHEL Reynolds, L’Église catholique convoquée en synode, in Médias locaux, octobre 2021

3.Les diacres dans l’Église catholique peuvent célébrer baptêmes, mariages et funérailles mais pas les messes. Le mot « diacre » vient du grec « diaconos » qui signifie « serviteur » et, de fait, c’est le service qui caractérise les missions du diacre.

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