Le miroir de nos tentations

Quatre millions de morts. Telle est la triste réalité de la pandémie de Covid depuis son apparition, soit depuis fin 2019/début 2020. Un bilan effrayant, dévastateur. Mais aussi accompagné malgré tout d’une bonne nouvelle, en l’occurrence la présence de vaccins pouvant nous laisser espérer que nous arriverons (peut-être) un jour à nous débarrasser de ce satané virus. Même si ce ne sera évidemment pas pour tout de suite, la planète n’étant pour l’heure vaccinée qu’à environ 12%, qui plus est avec des disparités flagrantes entre différentes régions du monde. Ce qui ne nous empêchera pas de rester optimistes… du moins sur la question sanitaire.

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Il est en effet une autre crise, mue par un tueur encore plus invisible que le virus, qu’il nous faut affronter. Passée au second plan depuis notre déclaration de guerre à la Covid, elle a pourtant commencé depuis des années à faire des victimes. Le nom de ce tueur en série ? Le changement climatique, pardi, et qui a lui seul envoie au cimetière près de cinq millions de personnes par an, soit deux fois plus que le coronavirus. Et pourtant ! Que faisons-nous pour enrayer l’emballement du climat ? Rien, ou si peu de chose, comme devrait d’ailleurs le confirmer la prochaine COP de Glasgow en fin d’année, après s’être accordée une année sabbatique pour cause de… Covid.

Et il ne s’agit bien entendu que des chiffres officiels, les pays les plus pauvres du monde – mais aussi les plus exposés – ne disposant que de peu de données sur la question. Sans compter que ce phénomène n’en est qu’au début, les chercheurs annonçant d’ores et déjà des hausses de températures autrement plus létales dans les prochaines décennies, avec des périodes de sécheresses plus longues. Les vagues de chaleur que la Terre connaît depuis ces dernières années devraient d’ailleurs suffire à nous convaincre de l’urgence, celles-ci étant plus meurtrières que les événements extrêmes, à l’instar des ouragans et des inondations, phénomènes par ailleurs dont l’augmentation et l’intensité sont tout autant liées au changement climatique.

Selon de récents travaux, un tiers de la population mondiale serait ainsi exposé à des vagues de chaleur meurtrières pendant au moins 20 jours par an. Mais une fois encore, le pire est à venir, car d’ici la fin du siècle, ce sont pas moins de trois personnes sur quatre qui pourraient mourir de chaud, dans le sens littéral du terme. Et une sur deux dans les versions les plus optimistes, soit dans l’hypothèse où l’humanité respecterait ses engagements de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

L’urgence climatique apparaît donc bien claire, car déjà chiffrable en termes de coût humain. Pas sûr malgré tout que cela soit suffisant pour instaurer la volonté nécessaire à s’engager dans un processus de décarbonisation de nos sociétés qui, et ce n’est un secret pour personne, peine à décoller depuis la fameuse COP21. Car la réduction de nos émissions polluantes, pour qu’elle soit suffisamment significative que pour avoir un impact dans les prochaines décennies, devrait être à la hauteur des enjeux climatiques. Ce qui, a fortiori, nous imposerait de revoir de fond en comble les fondements mêmes de notre société capitaliste. En d’autres termes de freiner notre machine de production pour instaurer une nouvelle structure sociétale, axée notamment sur la coopération communautaire.

En réalité, le défi de notre siècle n’est pas tant la lutte contre le réchauffement, ni même contre la Covid, la perte de la biodiversité, la déforestation, l’agriculture intensive ou même l’exclusion sociale. Non, le véritable enjeu est plutôt de convaincre les nations capitalistes de l’importance d’un changement radical de perception économique. Et qu’en la conjoncture, la croissance est tout bonnement devenue insoutenable, quand bien même aura-t-elle été temporairement freinée par le virus. Sauf qu’au lieu de cela, nous continuons, aujourd’hui plus que jamais, d’invoquer son retour plus que l’on attend celui du Messie. Comme si la croissance n’était en fait que le « parfait » reflet de l’humanité 2.0, et que l’idée de briser une fois pour toutes le miroir de nos tentations nous était des plus insupportables.

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