Successivement, jour après jour, la semaine dernière, les îles ont alimenté l’actualité locale. Agalega avec la visite du Premier ministre, Pravind Jugnauth, à la tête d’une forte délégation, triée sur le volet, mais avec présence des parlementaires de l’opposition, représentant la circonscription à laquelle sont rattachés les électeurs de l’archipel. Ce week-end, Rodrigues accueille dans la pure tradition, le MV Peros Banhos devant assurer, désormais, le cabotage inter-îles avec un confort renouvelé.
Puis, le sempiternel dossier qui hante les relations entre Port-Louis et Londres depuis bientôt 60 ans, soit au lendemain de la conférence constitutionnelle de Lancaster House menant à l’indépendance de Maurice. Bien sûr, il s’agit de l’exercice de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. Ou encore mieux politiquement, compléter le processus de décolonisation de Maurice.
De toute évidence, l’enjeu des développements intervenus sur le front des Outer Islands de la république de Maurice est loin, voire même très loin, de ce que le premier directeur du Mauritius Government Tourist Office (MGTO) avait envisagé pour les îles. Certes, Régis Fanchette, outre sa carrière professionnelle, plaçant Maurice sur la carte du tourisme mondial dans les années 70, était avant tout et surtout un poète émérite.
Nul ne pourrait lui reprocher d’alors d’avoir concocté que « le destin des îles est de chanter! » Il y a un demi-siècle de cela, c’était probablement vrai. Les touristes, débarquant des paquebots de croisière, étaient accueillis au son de la ravanne et du folklore. C’est encore vrai aujourd’hui. Le chant folklorique tisse cette relation dans la découverte de l’autre.
Mais dans la conjoncture internationale, la réalité dans les îles suscite d’autres préoccupations. Que ce soit à Agalega ou aux Chagos, le lexique est davantage porté sur la dimension militariste. Pourtant, les photos de ces belles plages de sable blanc et immaculé d’Agalega auraient dû inspirer plus d’un à la détente et à la joie de vivre.
Même si les affres de la guerre au Proche-Orient, avec le nombre de victimes déjà au-dessus de la barre des 30 000, sans compter les innocents, en quête de vivres humanitaires, sacrifiés à l’autel des assoiffés du règne sans partage ou encore cette guerre sans fin avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le ton des célébrations des développements d’envergure à Agalega ne correspond nullement à un mood pacifique.
Aux discours légitimement rassurants de l’urgence de la surveillance de la vaste Zone économique exclusive de Maurice, soit 2,3 millions de kilomètres carrés, représentant presque cinq fois la superficie de la France, les installations stratégiques et logistiques inaugurées n’occultent nullement une présence militaire régulière. La presse indienne se fait un devoir de souligner cette dimension avec une énumération du déploiement militaire pouvant se faire dans la région à partir de cet archipel en quête d’ombres chinoises dans l’océan.
Plus au Nord-Est d’Agalega, les Anglais, depuis plus d’un demi-siècle, puisant de leurs muscles de colonisateurs, assurent le marketing d’un produit frelaté au profit des Big Boys de Washington. Au mépris total du Droit international, ils osent imposer comme condition pour conclure un accord avec Maurice que « the United Kingdom will only enter into an agreement that protects our national interests and those of our partners. We are clear that our priority, in any scenario, is the long-term safety, security and usability of the military base on Diego Garcia ».
De la provocation pure et simple compte tenu que « the Special Chamber of ITLOS ruled that the 2019 ICJ Advisory Opinion is an authoritative statement of international law and that Mauritius has sovereignty over the whole of the Chagos Archipelago, including Diego Garcia ».
Pourtant, à la veille du 55e anniversaire de l’indépendance, l’année dernière, Maurice s’attendait au cadeau de l’exercice de souveraineté sur les Chagos. Mais patriotiquement, c’est toujours « Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». Sauf que Lord Cameron, en revenant politique, s’est installé au Foreign Office.
Dans sa Personal Written Evidence au Foreign Affairs Sub-Committee on Overseas Territory, le Pr Philippe Sands, KC, balise les Avenues of Redress dans la conjoncture. Le quatrième budget Padayachy prévoit une dotation de Rs 50 millions pour un autre déplacement dans les eaux territoriales de Maurice aux Chagos.
Avant les prochaines échéances électorales, verra-t-on la concrétisation de ce voyage de confirmation de fait de la souveraineté de Maurice, un peu comme ce déplacement à Agalega?