Vous avez probablement tous entendu parler du sirocco, ce vent terriblement sec et chaud, tout autant que violent, venu du Sahara et qui souffle sur l’Afrique du Nord et la Méditerranée. Imaginez maintenant qu’un phénomène de nature équivalente règne sur une zone géographique beaucoup plus importante, à savoir la planète entière. Eh bien c’est à peu de chose près ce à quoi on devrait s’attendre dans les prochaines décennies. Et si vous pensiez avoir déjà beaucoup de mal à supporter les étés mauriciens, de plus en plus chauds depuis quelques années, alors vous n’êtes pas au bout de vos peines. Cette alerte, les experts du climat la lancent pourtant depuis maintenant longtemps, avec comme seul résultat notre inaptitude à traduire en actions notre lutte contre le changement climatique. C’est qu’il est hélas aussi question de gros sous et, en amont, de tout un système économique qu’il nous faudrait revoir. Ce que nous nous refusons de faire, comme de bien entendu.
Les derniers à nous avoir mis en garde sont une nouvelle fois les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) qui, dans leur tout dernier rapport, fort de 900 pages et publié il y a quelques jours, nous rappellent que l’atmosphère terrestre s’est déjà réchauffée de +1°C par rapport à l’ère préindustrielle. Autant dire que, sachant que les émissions de gaz à effet de serre ne sont nullement en diminution, nos espoirs de contenir cette hausse apparaissent bien minces en l’état, et que la résolution prise lors de la COP21 de Paris de réduire le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2100 risque de rapidement finir dans le tiroir des occasions ratées. D’autant que les conséquences dramatiques du bouleversement à venir (bien qu’en réalité déjà en cours) ont, depuis, elles aussi été revues à la hausse. Tempêtes de plus en plus violentes, inondations à gogo, périodes prolongées de sécheresse… Les projections des experts du Giec sont des plus alarmantes.
À leurs sinistres prévisions, nous pourrions évidemment aussi évoquer la question de la fonte des glaces qui, selon des scientifiques australiens cette fois, aura une énorme incidence sur la hausse des niveaux des océans. Citant particulièrement les glaces de l’Antarctique, ces chercheurs de la Victoria University dressent en effet un parallèle entre l’actuel réchauffement et le pliocène, cette ère géologique (il y a 3 millions d’années) où, sous l’effet d’une hausse d’à peine 2°C de plus que nos températures actuelles, le niveau de la mer était monté jusqu’à… 25 mètres de plus que celui d’aujourd’hui. Si vous aviez prévu de vous acheter une résidence en bord de mer, voilà en tout cas une nouvelle qui devrait vous inciter à y réfléchir à deux fois. D’autant que l’on ne parle ici que de l’Antarctique, auquel nous devons ajouter les conséquences du réchauffement sur l’Arctique, les glaciers et toutes les zones actuellement encore gelées de la planète.
Alors bien sûr, les effets du changement climatique ne peuvent encore être perçus pour l’heure que de façon épisodique et saisonnière. Mais tout cela pourrait hélas rapidement changer, nombre d’experts estimant ainsi que le point de bascule pourrait se situer autour d’une hausse de 2°C. Et n’allez pas croire que d’ici là, notre quotidien sera un parcours santé ! Car à cette élévation du niveau des océans viendront inévitablement s’ajouter nombre de calamités, dont cyclones et “flash floods”, avec une fréquence et une intensité qui devraient également s’intensifier.
Pour en revenir aux océans, il faut aussi savoir que ces derniers, selon le dernier rapport du Giec, ont absorbé plus de 90% de l’excès de chaleur du système climatique, et qu’ils pourraient en emmagasiner deux à quatre fois plus d’ici la fin du siècle. Là encore, les effets ne se feront pas attendre. Rendues plus acides et moins salées, en sus d’avoir perdu plus de 2% de leur concentration en oxygène, les eaux du globe ne permettent déjà plus la même abondance de vie marine. Alors imaginez lorsque nous aurons dépassé le seuil critique ! Avec là encore un impact sur l’Homme. Quant au permafrost, sous l’effet du réchauffement, il pourrait en accélérer le processus en libérant des centaines de milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Quand on vous parlait de coup de sirocco… !
Michel JOURDAN