L’Audit, la sanction déjà infligée le 10 novembre

Les 660 pages du rapport du Directeur de l’Audit pour l’exercice financier se terminant au 30 juin dernier dressent un tableau ahurissant de la gestion des affaires de la Cité. Toutefois, force est de constater que les critiques et dénonciations des pratiques abusives des fonds publics ou encore des écarts au principe de la bonne gouvernance dans l’utilisation de l’argent des contribuables ne constituent nullement une première.

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Les précédents rapports, déposés chaque année à pareille époque, marquant le coup d’envoi de la session de l’Assemblée nationale, comportaient quasiment les mêmes manquements graves. L’endettement de la Central Water Authority n’a connu aucun renversement de tendance. Aucune velléité de changement n’a été notée au cours de ces dernières années.

Pourtant, les gouvernements successifs continuent à alimenter financièrement le kitty troué de la CWA. D’ailleurs, cette dernière reste l’institution la plus choyée. Elle reste la seule à bénéficier d’une enveloppe financière de Rs 2,6 milliards. C’était lors de la state visit du Premier ministre indien, Narendra Modi, pour les fêtes nationales. Superbe reconnaissance pour un canard boiteux.

Le Central Electricity Board, dont les dirigeants d’hier vantaient la performance financière, au point de plonger la main dans les caisses de cet organisme parapublic pour remettre à flots le Contingency Fund. Néanmoins, au 30 juin dernier, fizib CEB inn sote. L’endettement est à hauteur de Rs 7 milliards alors que des investissements massifs sont attendus pour le réarmement des centrales thermiques. Quelle creditworthiness à présenter aux institutions financières potentielles pour le montage financier nécessaire ?

Le précédent gouvernement aurait-il également ajouté une autre entité au tableau de déshonneur des quasi-autonomous non-governmental organizations (quangos) ? Ou pire encore, a-t-il mené en bateau les usagers du transport en commun sur le réseau de Metro Express ? Ce “bijou”, avec des investissements de l’ordre de Rs 15,2 milliards, avait été inauguré en grande pompe à la veille des élections générales de novembre 2019. Le Metro Express a été trimballé comme une des réalisations triomphales du Pravind Jugnauth 3.0 avorté.

La réalité sur les rails est que le Metro Express s’affiche, avec la CWA, le CEB, comme des strange bedfellows, ou encore l’autre monstre sacré des dettes non remboursées qu’a toujours été la Wastewater Management Authority. Peu importe que les pertes opérationnelles de Metro Express perdurent ou subissent d’autres dégradations financières, le remboursement des investissements initiaux de Rs 15,2 milliards doit être assuré.

Mais à quel prix ? Aux dépens de qui ? Ces questions relèvent de l’académique. C’est vrai que le contribuable passera à la caisse, comme pour les réclamations de Rs 1 milliard pour le bal des vaccins anti-Covid, commandés en excédent par Jagutpal et sa clique ? Ou encore le semblant de mystère autour de la commande des ventilateurs de Pack & Blister et la Molnupiravir Saga, que traînent sans solution les rapports de l’Audit depuis ces dernières années.

Les plus perfides diront que la sanction a déjà été infligée avec les 60/0 des élections législatives du 10 novembre 2024. Pas un ministre et pas un candidat sous la bannière de l’Alliance Lepep n’a été élu. Un châtiment politique que nul thuriféraire, installé au QG du Sun Trust, n’est encore prêt à digérer, en dépit de la rhétorique pratiquée pour justifier le forfait aux élections municipales du 4 mai.

Dans le camp du gouvernement de l’Alliance du Changement, le mot d’ordre, lancé par le Premier ministre et leader du parti travailliste, Navin Ramgoolam, est : « le rapport est pire que ce à quoi l’on s’attendait ». Il a droit à son opinion.

Mais le pire demeure que le prétexte de la pandémie de Covid-19 a été exploité à fond pour s’approprier des pieces of unexplained wealth. Le kadna, l’expression a été coined par un ancien ministre du MSM, appliquée jusqu’au 10 novembre de l’année dernière, n’a pas permis d’appréhender l’envergure de ces combines des plus sinistres.

Le déballage avec les Rs 45 millions de Menlo Parks, avec la coïncidence des sondages fictifs de Pulse Analytics donnant le Pravind Jugnauth 2.0 aux élections générales, a levé le lièvre. Puis a surgi le pactole de Rs 300 M / Rs 400 M de l’Apavou Deal, avec les révélations de minutes of proceedings trafiquées et alambiquées pour satisfaire les noirs desseins d’un ultimate beneficiary owner, dont l’identité est encore à dénoncer. Publiquement, au moins !

Sans cette sanction du 10 novembre 2024, aucun détail de ce tip of the iceberg n’aurait transpiré des cloisons politiquement étanches de la Bank of Mauritius Tower. Le bal de la MIC aurait continué avec encore plus d’éclats. Doit-on occulter les Rs 40 milliards de la MIC pour les besoins de renflouer Airport Holdings Limited avec un zero goodwill au sein d’Air Mauritius ?

Certes, la Financial Crimes Commission, avec ses ressources léguées par la défunte Independent Commission Against Corruption, tente d’ajuster à sa manière les pièces de ce puzzle, constituant un pacte de corruption et de blanchiment. La présente mission du Fonds monétaire international sur les Article IV Consultations reviendra à la charge de nouveau.

Mais l’heure n’a-t-elle pas sonné pour initier un Forensic Insight inclusif – et de manière transparente – sur les tenants et aboutissants de ces deals consentis par la MIC, avec ses Rs 82 milliards ? Et que la sanction des urnes du 10 novembre 2024 contre tous les travers éprouvés à ce niveau soit reconnue à sa juste dimension, en dépassant le cadre de la Financial Crimes Commission Act, un héritage contesté.

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