Alors que le Covid-19 continue de faire des ravages à travers la planète et que des cas viennent d’être recensés à Maurice, nous pouvons aujourd’hui nous demander si la psychose générée par ce virulent coronavirus est réellement justifiée. Si pour certains la réponse est clairement « oui », d’autres, en revanche, pensent l’exact contraire, rappelant notamment que le monde a déjà eu à faire face à d’autres calamités du même acabit (SRAS, Ebola…), quelquefois il est vrai plus localisées, et que l’humanité s’en sera toujours relevée. Et c’est vrai, du moins en partie. Car en réalité, la réponse à cette question n’est pas aussi évidente qu’il y paraît, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, comme toute nouvelle souche, elle inspire une légitime inquiétude, d’autant que le virus s’avère potentiellement mortel. A contrario, nous pourrions rappeler que pareils micro-organismes ont toujours existé, la seule différence demeurant aujourd’hui dans la vitesse de sa propagation, du fait de la mondialisation.
Ce point éclairci, reste une autre question, plus sournoise, et probablement aussi bien plus polémique : le Covid-19 n’est-il pas finalement une opportunité pour l’humanité ? Et là, la réponse est beaucoup plus claire : assurément ! Bien entendu, pas question ici de minimiser l’impact du virus, pas plus que ses conséquences. Le coronavirus a fait des milliers de morts, et c’est bien sûr extrêmement navrant. Reste que, dans un certain sens, le Covid-19 aura permis au monde de prendre la mesure de certaines réalités imposées par nos sociétés contemporaines. Et en cela, c’est plutôt une bonne chose. En premier lieu, le virus nous aura en effet rappelé les effets pervers de notre monde globalisé, où les flux de marchandises et personnes se font de plus en plus conséquents. Sans cela, le virus se serait retrouvé confiné dans une zone géographique relativement restreinte, sans possibilité d’expansion donc.
Par ailleurs, et c’est bien plus important en soi, le Covid-19 nous aura permis de matérialiser ce que l’avenir nous réserve, et de prendre conscience de notre extrême dépendance à ce que nous avons depuis trop longtemps considéré comme acquis, et qui par définition sont donc intouchables. En fait, non, rien n’est intouchable ! Et, oui, tout ce qui constitue aujourd’hui notre quotidien pourrait bien un jour totalement disparaître. Avec le coronavirus, nous avons ainsi assisté à des scènes de paniques générales, notamment dans les supermarchés, où les rayons se sont vidés à une vitesse accélérée par crainte de pénuries. Idem du côté des pharmacies. Contre toute logique, donc, car il est évident que les stocks auront presque toujours été suffisants. Rien en effet dans la conjoncture ne viendra modifier nos modes de production et, donc, d’achat.
Hélas, d’ailleurs, pourrait-on dire, tant notre compulsivité maladive à acquérir le superflu plus que le nécessaire nous aura conduits au gouffre dans lequel le monde s’apprête à plonger. Mais tout cela n’est que temporaire. Un jour viendra en effet où notre consumérisme ne sera tout simplement plus soutenable. Par ailleurs, du fait de notre hystérie collective face à un « simple » virus, aussi virulent soit-il, nous savons aujourd’hui ce qu’un fléau, quel qu’il soit, peut provoquer en termes de panique. Autant dire que l’avenir paraît bien sombre si l’on songe, par exemple, à la fin programmée du pétrole, dont nous dépendons tous largement. Que ferons-nous en effet lorsque nous ne pourrons plus mettre d’essence dans nos réservoirs ou lorsque la fourniture électrique viendra à manquer ? Comment réagirons-nous quand les magasins seront vides, l’industrie mondiale ne pouvant tout simplement plus les approvisionner, par absence d’énergie nécessaire à la fabrication et par manque de carburant pour effectuer les livraisons ? Comment ferons-nous sans smartphone, sans téléviseur, sans internet ? Sans distribution d’eau ? Sans aucun doute, les temps seront durs, car nous ne sommes absolument pas préparés à cette plus que probable néo-féodalisation sociétale. En ce sens, le Covid-19 nous aura rendu service en nous préparant au pire. Encore faudra-t-il bien entendu en tirer les leçons une fois qu’il aura disparu, et ainsi espérer minimiser l’impact du plus virulent des virus que le monde ait porté : l’homme !
Michel Jourdan