Si le changement climatique s’invite souvent dans ces colonnes, ce dernier – on ne le dira jamais assez – n’est finalement qu’un symptôme parmi d’autres de notre système productiviste, à l’origine donc de bien d’autres ravages, et donc certains sont visibles depuis bien plus longtemps que le premier nommé. C’est notamment le cas de la production de plastique qui, malgré les interdictions et autres restrictions, continue, bon gré mal gré, son petit bonhomme de chemin.
Prenant une part toujours aussi conséquente dans notre gigantesque machine industrielle, avec les conséquences que l’on connaît… ou que l’on croit connaître.
Certes, le plastique ne date pas d’hier; son histoire remonterait même à l’antiquité. Mais il aura gagné, en quelques décennies seulement, soit depuis la fin du XIXe siècle, des proportions de l’ordre du pharaonique. Ainsi, l’an dernier, 400 millions de tonnes de plastique ont été produites. Et lorsque l’on sait que pas moins de 90% de la production est encore issue d’hydrocarbures fossiles, l’on comprend à quel point l’omniprésence de ce matériau dans notre vie de tous les jours peut poser problème.
Néanmoins, l’on peut aujourd’hui le recycler afin de le réintroduire dans nos chaînes de production, pourriez-vous dire ! Et vous auriez raison. Sauf que, dans les faits, seuls 9% de la production mondiale de plastique est recyclée. Et ce n’est hélas pas tout, car il est aujourd’hui prouvé que le plastique produit à des fins alimentaires (soit 20% de la production mondiale) a un impact sur notre santé, et ce, qu’il soit ou non recyclé ! Comment ? Eh bien simplement par contact direct avec nos aliments, à qui sont alors transmises des molécules chimiques, que nous ingérons évidemment ensuite. D’ailleurs, la pollution de ce sous-produit de l’industrie pétrolière est aujourd’hui telle que l’on en retrouve sous forme de microparticules dans notre sang et nos organes.
Face à cette nouvelle donne – qui ne peut être contestée, car appuyée par la recherche –, l’industrie plastique a bien entendu cherché à redorer son image, et ce, en produisant de nouveaux dérivés, moins polluants, plus “eco-friendly”. Voire encore en proposant des plastiques biodégradables, et même… compostables. N’est-ce pas magnifique ? Si elle se veut sarcastique, cette remarque n’a pourtant rien de drôle, car le plastique compostable est en réalité une véritable mascarade. Le genre d’illusion écologique que nos industriels nous vendent et nous resservent à chaque fois qu’ils se retrouvent devants des faits scientifiques irréfutables. Bref, dans le cas présent, la parade idéale pour continuer de produire tout en se donnant bonne conscience. Et accessoirement nous prendre pour des pigeons !
Il faut en effet savoir que les emballages en plastique compostable ne sont ni recyclables, ni biodégradables. Et de fait ne concourent aucunement à créer un cercle vertueux, continuant ainsi à générer des conséquences délétères sur nos écosystèmes. Pourtant, cette escroquerie – puisque nous pouvons conclure que c’en est une – non seulement se perpétue, mais est même cautionnée et valorisée à travers le monde. Il faut dire que l’industrie compte parmi les plus juteuses de la planète, avec pas moins de USD 1 000 milliards générés annuellement. Autant dire que ce n’est pas demain la veille que le monde sera totalement débarrassé du plastique.
Pourtant, malgré le gigantisme des capitaux en jeu, ce matériau n’est qu’un exemple parmi d’autres. Car ce qui est vrai pour le plastique vaut également pour l’ensemble du produit de nos industries, à commencer par les plus polluantes. Ainsi, le plus souvent, lorsque surgit un impératif environnemental – et plus encore lorsque celui-ci est médiatisé –, la machine industrielle met les bouchées doubles pour sortir le plus rapidement possible de son chapeau une solution en adéquation avec le problème soulevé. Et, bien évidemment aussi, au moindre coût possible, histoire de ne pas remettre en question la viabilité de toute la chaîne de production déjà en place.
Le problème du plastique a ici, vous l’aurez compris, valeur de symbole. Il témoigne d’un flagrant manque de volonté à changer, malgré les menaces à court et moyen termes, l’objectif étant de maintenir la croissance mondiale la plus vivante possible. Qu’importe que l’on perde notre conscience écologique et le sens des valeurs, ou que l’on s’éloigne du chemin de l’e-résilience, pourvu que les profits suivent. Jusqu’à ce que l’on pourrisse au fond du cimetière dans une boîte Tupperware.