S’il est un ennemi si tenace qu’il semble impossible de le combattre, c’est bien le scepticisme. L’ordre des sceptiques est en effet aujourd’hui bien établi, au point qu’il aura engendré une prolifération d’extrémistes du genre, appelés plus couramment conspirationnistes. Sans aller jusque-là – après tout, libre à eux de penser la Terre plate ou que l’homme n’a jamais posé les pieds sur la Lune –, nombre de sceptiques continuent, eux, de mettre en cause l’une des plus grandes évidences de notre siècle : le changement climatique anthropique. Ainsi, pour eux, puisqu’il ne peut être question de contester les élévations de températures à l’échelle terrestre en un temps donné, puisque mesurées et mesurables, le réchauffement constaté n’est tout simplement pas dû à l’activité humaine, mais est plutôt d’ordre naturel, entre autres géothermique.
Il faut avouer que, pour qui n’entend que ce qu’il souhaite entendre, et plus encore ceux chez qui la « chose scientifique » est étrangère, le discours des climatosceptiques séduit non seulement par son côté rassurant, mais aussi parce qu’il amène avec lui un florilège de faits empruntés à la science, bien que différemment interprétés, lui conférant de fait une certaine crédibilité. Ainsi ces éternels optimistes (pour ne pas dire illuminés) reviennent-ils allègrement sur le fait indéniable que notre planète aura connu au cours de son histoire – longue de 4,6 milliards d’années – nombre d’épisodes climatiques extrêmes. Avec une certitude : aucun d’entre eux n’aura éradiqué toute forme de vie de sa surface.
Cette vérité, car c’en est une, est appuyée par la science. Ainsi les premières traces de vie seront apparues très tôt, malgré une faible luminosité du Soleil. Et ce, en raison d’une concentration alors très élevée (mais naturelle) de gaz carbonique. L’histoire du climat montrera par ailleurs que, si la Terre aura été dans l’ensemble essentiellement « chaude », elle aura cependant été plusieurs fois entrecoupée de courtes périodes (à l’échelle géologique) de glaciations, et dont la première date d’il y a 2,3 milliards d’années. Il a « seulement » 650 millions d’années, notre planète ressemblait même à une gigantesque boule de neige. Les choses auront heureusement (pour nous) changé.
Si la température a connu de nombreux soubresauts au fil du temps, il en aura aussi été pour les gaz à effet de serre, en l’occurrence pour le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Ainsi, dans un lointain passé, la concentration en CO2 était bien plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui, notamment au crétacé (entre -145 et -65 millions d’années), où elle était… quatre fois plus forte, ou encore au tertiaire (deux fois plus). Pourtant, explique les climatosceptiques les plus éclairés – les autres étant de la trempe de Donald Trump –, il n’y avait alors aucun humain, aucune automobile et aucune usine.
De fait, comment être sûr que la hausse des gaz à effet de serre que nous constatons aujourd’hui, et responsable du réchauffement planétaire, est véritablement issue des activités humaines ? Dit autrement, pourquoi ne s’agirait-il pas d’un processus naturel, comme la Terre en a moult fois déjà vécu ? Et c’est là que la route entre sceptiques et scientifiques se sépare, les premiers préférant s’arrêter à cet instant précis, au risque sinon de perdre pied. Car des preuves, nous n’en manquons pas, et il est aujourd’hui attesté que 92% du réchauffement climatique est purement anthropique.
Plusieurs preuves sont ainsi avancées, dont la première se trouve dans les glaces de l’Antarctique. Dans ce véritable « piège du passé », des traces d’air montrent en effet une rupture entre la révolution industrielle et les deux derniers millénaires en termes de CO2. Qui plus est, le rythme et l’ampleur de leur hausse sont inédits sur plus de 800 000 ans. Enfin, non seulement il est établi que la hausse de la concentration en CO2 est la conséquence de la combustion d’énergies fossiles et de la déforestation, mais certains gaz à effet de serre ne peuvent pas être le fruit de la Nature, mais issus de notre production industrielle. Quant au fait que la Terre aura connu des taux de CO2 et de CH4 plus élevés au cours de son histoire, c’est dû aux mouvements des continents et à la répartition des océans, ceux-ci absorbant une très grande partie du CO2.
En d’autres termes, n’en déplaisent aux Bisounours du climat, si la planète continue de façonner son histoire géothermique de manière naturelle, l’homme aura réussi « l’exploit » d’aller plus vite qu’elle, quitte à précipiter son habitat en enfer. Ne pas réaliser cela n’est ni du scepticisme, ni du négationnisme climatique, mais un génocide institutionnalisé. Avec pour seule promesse de finir à la fosse commune.
Michel Jourdan