En cette semaine menant aux célébrations protocolaires du 55e anniversaire de l’accession de Maurice à l’indépendance et du 31e au statut de République, deux événements interpellent. Un sur le plan local, et l’autre dans le monde audiovisuel et du football anglais. La question qui se pose est : en quoi y a-t-il un point commun entre ces deux cas ?
D’abord, la dénonciation ferme et sans équivoque de ce qui s’est passé au Royal College of Curepipe (RCC), jusque-là le Nec Plus Ultra de l’éducation secondaire à Maurice, le jour de la proclamation des résultats des lauréats, le vendredi 10 février. Soit un jour de gloire détourné en un jour des plus sombres dans l’histoire de cette institution secondaire. Ensuite, le cas de Gary Lineker, ancien footballeur et présentateur sportif émérite britannique, aussi surnommé Mr Nice. La BBC, symbole de l’audiovisuel, a pris la décision de retirer ce dernier en tant que présentateur de la populaire émission sportive hebdomadaire Match of the Day, suivie par la Planète Football.
De prime abord, rien en commun. Sauf que si ces deux épisodes retiennent l’attention, à Maurice dans le cas du RCC, et sur le plan international dans l’autre cas, c’est parce que derrière ces incidents se trouve un dénominateur commun, à savoir la faculté de s’indigner face à des situations d’injustice. Dans un Tweet, Gary Lineker avait dénoncé les autorités britanniques pour le traitement envisagé à l’encontre des migrants. Et il ne regrette nullement la conviction qu’il a exprimée, même si le prix à payer aura été son éclipse du programme Match of the Day.
A Maurice, ces propos blessants, voire même avilissants, à l’encontre d’une section de la population, même dans une composition musicale, révélant le « Dark Side » de certains, sous le couvert des célébrations du succès des lauréats, étaient pris pour de l’argent comptant jusqu’ici. Sauf pour ce parent dont l’enfant venait d’être admis au sein de l’élite des élites suite aux examens du NCE. Il s’est également indigné face à ce qui était présenté comme un chant de gloire aux lauréats. Mais dans ce cas précis, il ne suffisait pas seulement de s’indigner face à une grave injustice, perpétrée année après année.
Avant même la proclamation des résultats du Higher School Certificate du vendredi 10 février, ce parent s’était engagé à lutter pour tuer le serpent dans l’œuf. A combien de portes n’a-t-il frappé pour avertir des risques potentiels ? Avant et même après la proclamation des résultats. Mais vraiment sans succès, pour des raisons que l’on ignore. Aussi, en dernier recours, et littéralement de manière désespérée, après avoir tout essayé, un coup de fil à la rédaction du Mauricien l’a délivré de ce fardeau, qui pesait lourd sur sa conscience de patriote. De Mauricien, surtout, en cette période de fêtes nationales.
Aussitôt « the Cat out of the Bag » dans notre édition du samedi 4 mars, exposant cette dérive intolérable en milieu scolaire, formant les adultes de demain, la grande opération de récupération en tous genres était enclenchée, la paternité de la dénonciation étant même réclamée par les réseaux sociaux. Mais qu’importe. Ce n’est pas grave, puisque la faculté de s’indigner de ce parent d’élève aura trouvé écho de manière irrémédiable. Toutefois, a-t-elle suscité le sursaut salutaire pour faire reculer les tentacules sectaires, ayant pris racine à tous les niveaux de la société ?
En réaction, quoique tardive – puisque le cancer avait été diagnostiqué bien avant l’ambiance euphorique du 10 février dans l’enceinte du RCC –, les autorités préconisent toute une gamme de mesures disciplinaires, dont des travaux communautaires pour des élèves encore sous la tutelle de leurs parents. Un peu comme pour revenir à l’époque où il était question de « Spare the Rod, Spoil the Child ». Mais qu’en est-il de l’autorité morale du recteur du RCC, symbole de rectitude, pour servir d’exemple à l’élite de demain ? Il ne peut plaider l’ignorance des faits. D’autant qu’il était en première ligne des célébrations le 10 février, tout en sachant ce qui était entonné à tue-tête par ces jeunes, gonflés à bloc…
Et les membres du personnel enseignant dans tout cela ? Le rôle du Discipline Master ? Sans oublier le Headboy et les Class Captains ? Et les associations d’Old Boys, avec des Achievers de premier plan, ont-elles seulement pour mission d’organiser des dîners de fin d’année ? En tout cas, autant de garde-fous ayant fait l’impasse sur cette faculté de s’indigner devant la grave injustice infligée par les puissants aux plus vulnérables, avec pour conséquence fatale que le RCC, joyau académique du secondaire, se retrouve mis à l’index au titre du MAURICIANISME. De quoi s’indigner avec dignité républicaine…