La face cachée de Maurice

Roshi Bhadain, dans une interview accordée à Le-Mauricien cette semaine, a mis le doigt sur un mal qui ronge la société mauricienne au point de devenir son talon d’Achille: la passion pour la course à l’argent facile et son corollaire, le chacun pour soi. « Maurice doit retourner vers des valeurs et principes. Nos parents et grands-parents ont fait des efforts extraordinaires pour mettre le pays sur la voie de la prospérité sur le plan économique. Durant les dix ou quinze dernières années, le pays a connu une décadence. Nous avons perdu les valeurs du mauricianisme, qui comprend le vivre-ensemble. Auparavant, il n’y avait pas de course à l’argent facile. Un voisin aidait un autre voisin, contribuait à son éducation. Aujourd’hui, c’est le règne du chacun pour soi », constate le politicien.

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De fait, dans cette course à l’argent facile, c’est la fin qui justifie le moyen. Elle est à l’origine de la corruption. C’est ce qui explique que Maurice se classe à la 55e place au niveau mondial quant à la perception de la corruption. Elle donne également lieu à des pratiques déplorables comme tel était le cas pendant la période Covid, avec l’achat d’équipements médicaux, la distribution et la vente des médicaments à des prix abusifs.

C’est ce même engouement pour l’argent facile qui incite au trafic de la drogue qui continue à faire des ravages malgré les campagnes officielles annoncées contre les abus de substances et de produits illicites.  Mais le trafic ne se limite pas à la drogue, le rapport du département d’État américain dénonce année après année le trafic humain à Maurice. D’après ce document officiel, les trafiquants exploitent les migrants. Comme le souligne le syndicaliste Ally Beegun, les trafiquants exploitent la consommation des substances des victimes pour maintenir le contrôle comme moyen de coercition. Les trafiquants exploitent les ouvriers étrangers, en particulier des femmes malgaches recrutées sous faux prétexte d’emploi ou de tourisme dans le trafic sexuel, souligne le syndicaliste.

Cette faiblesse face à l’argent, même déprécié, est exploitée allègrement par certains politiciens, surtout en cette période électorale. C’est ce qui amenait le défunt Pierre Dinan à dénoncer autrefois les cadeaux offerts par les politiciens dans l’opacité et l’amenait à se prononcer en faveur du Political Financing Bill.

Au-delà de ce projet de loi, aucun effort ne devrait être épargné pour inculquer la valeur du travail et le sens du devoir chez des jeunes à un moment où tout leur est donné gratuitement.

Notre attention a aussi été retenue cette semaine par ce qui arrive à un important groupe de Chagossiens, qui se sont retrouvés sans logis en Angleterre. Détenteurs depuis peu du passeport britannique, ils ont quitté le pays sur l’instigation d’un des leurs et après avoir consenti à des sacrifices pour débarquer à  l’aéroport de Gatwick il y a deux semaines.  Faute de préparations préalables comme indiqué par les directives claires du Haut Commissariat britannique, ils ont été hébergés dans un centre de refuge d’urgence de Crawley, où vivent la plupart des Chagossiens qui ont quitté Maurice. Après la fermeture du centre après un délai légal de 15 jours, ils se sont retrouvés sans logement. Cette affaire évoquée par la BBC donne lieu actuellement à des posts sur les réseaux sociaux dans lesquels Maurice est décrit comme l’enfer pour Chagossiens. Certains se considèrent comme « BIOTiens » allant jusqu’à contester la souveraineté de Maurice sur les Chagos. Tout cela se produit alors que Maurice est dans l’attente de la reprise des discussions avec la Grande-Bretagne sur le retour des Chagos à Maurice et alors que Maurice se prépare à la réhabilitation des Chagossiens aux Chagos. Une telle situation est susceptible de mettre Maurice dans l’embarras. Même si les Chagossiens ont le droit de s’installer dans les pays qu’ils souhaitent, on se demande si les autorités mauriciennes ne peuvent pas intervenir au nom des droits de l’Homme afin d’éclaircir toute cette affaire.

Jean Marc POCHÉ

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