La dotation Moody’s ou l’épée de Damoclès

Le gouvernement a poussé un soupir de soulagement ce vendredi matin après la publication jeudi du rapport de l’agence de notation Moody’s. Cette dernière a en effet maintenu la note de Maurice à Baa3, permettant au pays de maintenir son statut d’Investment Grade. Depuis l’arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir, en novembre dernier, l’inquiétude, tant au niveau du gouvernement que de la Banque de Maurice, était palpable. Le rapport sur l’état de l’économie, rendu public par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, en décembre, faisait craindre le pire si aucune mesure n’était prise. On parlait même du risque que le pays soit à nouveau dégradé, avec toutes les conséquences que cela représentait pour obtenir des prêts sur le marché international à un coût raisonnable. On craignait ainsi que Maurice soit considérée comme un Junk Country.
Avec la publication du rapport de Moody’s, on peut dire que le plus dur est passé. Le Premier ministre et ministre des Finances a été prompt à réagir ce matin. « Nous sommes très heureux et soulagés de la décision de Moody’s. Le maintien de la note Baa3 nous permet de maintenir le statut d’Investment Grade, qui est essentiel à la santé de notre économie », a-t-il dit. Il observe que l’état de l’économie à l’arrivée du nouveau gouvernement, en novembre 2024, suscitait de vives inquiétudes. Et que sur la base de ces seuls chiffres, Maurice se situait déjà en dessous des critères de Moody’s pour l’obtention de la note Baa3.
Il a attribué la dégradation de l’économie et des institutions « à la gestion irresponsable » du régime MSM. Pour lui, c’est la publication de l’état de l’économie qui a permis de rétablir une relation de confiance avec Moodys. « En adoptant une approche transparente, avec des chiffres qui sont fiables et honnêtes, le gouvernement a fait le contrepoids des indicateurs financiers insuffisants. Moody’s estime que l’équipe dirigeante a su restaurer la gouvernance et la crédibilité des institutions, qu’elle a la volonté et les compétences pour redresser la situation. »
Au niveau du secteur privé, on considère avec satisfaction que Maurice a échappé de justesse au pire. « Le maintien de la notation Baa3 dans les circonstances actuelles est le meilleur résultat possible », lance ainsi Business Mauritius, qui se réjouit du maintien de l’Investment Grade pour le pays. Ce qui indique que Moodys a confiance dans le secteur privé mauricien. Toutefois, comme le souligne Business Mauritius, il sera impératif à présent de veiller à ce que les ajustements engagés sur les fondamentaux macroéconomiques, notamment en matière de gestion de la dette publique, soient pleinement réalisés.
Cela dit, Maurice n’est pas sortie de l’auberge. La perspective du pays est passée de « stable » à « négative ». Ce qui constitue une épée de Damoclès suspendue sur la tête du pays et des nouveaux dirigeants. A la moindre erreur, Moody’s n’hésitera pas à nous dégrader, et les carottes seront alors cuites. D’ailleurs, Moody’s prévoit que le taux de la dette devrait atteindre 77% en juin 2025. Alors que le niveau recommandé par Moody’s est de 58%. Ce qui est « significantly higher that of other Baa3 rated sovereigns ». Ajoutant : « However we also expect the governement to pursue a compehensive fiscal consolidation starting from fiscal. 2026, offering the prospect of reversing the fiscal deterioration and maintaining the credit worthyiness. »
En gros, tous les regards sont maintenant tournés vers le budget que présentera le gouvernement en juin prochain. Le défi consistera à réduire le déficit budgétaire, estimé à 7,6% du PIB pour l’année financière se terminant en 2025. Une tâche herculéenne attend donc le gouvernement durant les prochains mois. D’autant qu’on attend les locations qui devraient découler du bail accordé à la Grande-Bretagne sur Diego Garcia, comme si « on attendait Godot ».
Nous sommes à la merci des nouveaux oligarques américains. Ces derniers semblent ignorer totalement que Maurice a, depuis des générations, été une amie des Etats-Unis et n’a jamais refusé de soutenir une résolution américaine aux Nations Unies. Ni même que notre pays n’a jamais été contre la présence de la base militaire à Diego-Garcia. En vérité, les Américains semblent entretenir un préjugé grave pour Maurice. Espérons que les Britanniques, qui ont déjà reconnu notre droit de souveraineté sur les Chagos, arrivent à leur faire entendre raison.

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Jean Marc Poché

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