La démocratie à l’épreuve

Un rapport sur l’état de la démocratie dans 39 pays africains, dont Maurice, donne des résultats forts inquiétants. Le document est réalisé par Afrobarometer, un réseau de recherche panafricain et non partisan qui fournit des données fiables sur les expériences africaines et les évaluations de la démocratie, de la gouvernance et de la qualité de vie depuis 1999.

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Les enquêteurs ont ainsi donné la voix aux peuples. Comme le souligne Amédée Darga, partenaire de StraConsult, qui représente Afrobarometer à Maurice, il faut tenir compte que beaucoup de pays africains sont arrivés tardivement à la démocratie. « On constate le retour des militaires dans certains pays, comme au Burkina Faso, au Niger, au Mali et, heureusement, des pays comme le Botswana, la Namibie, le Kenya et Maurice, pour ne citer que ceux-là, ont maintenu la tradition démocratique. Toutefois, une certaine inquiétude commence à gagner les observateurs concernant certains pays, dont Maurice.

On note une régression, voire une certaine insatisfaction, avec l’observation d’une tendance à la réduction de l’intérêt de la population par rapport à la démocratie. La préférence pour la démocratie et la satisfaction pour la démocratie sont intrinsèquement liées de la situation sociale et politique dans le pays », note le rapport. « Dans la mesure où les peuples constatent une corruption grandissante, une mauvaise qualité des élections ou un manque de transparence du gouvernement, cela résulte en une réduction en termes de préférence pour la démocratie et de satisfaction avec la démocratie. »

À Maurice, entre la période 2011-2013 à 2021-2023, on note quelque chose d’inquiétant. La préférence exprimée par les Mauriciens est passée de 85% pour tomber à 70%. Soit une différence de 15 points de pourcentage de moins. Pire : à la question de savoir si les Mauriciens sont satisfaits de la démocratie dans le pays, 40% de Mauriciens en moins expriment leur satisfaction, soit 72% en 2011-2013 pour 32% en 2021-2023. Peut-on en conclure que des Mauriciens commencent à tourner le dos à la démocratie ? Nous ne pensons pas. La vérité, c’est que la population rejette ce qu’on a fait de la démocratie dans le pays.

Il ne faut pas monter sur une montagne pour voir le mal fait à la démocratie parlementaire par l’ex-Speaker, dont le retrait pour des raisons de santé et de politique est qualifié de « bon débarras » par le leader du PTr, Navin Ramgoolam. Il a agi comme un éléphant dans un magasin de porcelaine au Parlement alors que ses excès, ses insultes et ses humiliations pratiquées contre les parlementaires de l’opposition étaient applaudis par les députés de la majorité. On a aussi le sentiment que, dans le pays, la liberté est de plus en plus restreinte. Et ce ne sont pas les artistes qui diront le contraire.

Maintenant, est-ce une démarche démocratique que de demander aux électeurs d’une circonscription de participer à une élection partielle en vue d’élire un député qui n’aura même pas le temps de représenter ses mandants au Parlement ? Est-il juste de demander aux électeurs de se rendre aux urnes sachant qu’ils seront appelés dans peu de temps à voter pour les élections générales ? Espérons que le Premier ministre se ravisera et n’ira pas jusqu’au bout. Autre question : en quoi l’organisation des élections municipales à la date prévue aurait-elle empêché les autorités d’engager une réflexion sur la refonte du système des administrations régionales ?

À quatre mois de la fin de la mandature de l’actuel Assemblée nationale, ou moins si elle est dissoute avant, n’aurait-il pas été plus juste de donner l’occasion aux parlementaires de faire l’expérience du Speakership ? Plusieurs ont fait leur preuve, dont Zahid Nazurally comme Deputy Speaker ou les députés Ittoo et Nuckcheddy, comme président du Committee of Supply, pour ne citer que ceux-là. La démocratie a été sacrifiée pour des intérêts politiques et personnels.

Dans une interview, l’ex-ministre Hurdoyal parlait du dégoût qu’il avait ressenti à un certain moment pour l’humanité. Nous sommes certains qu’il avait plutôt en tête certains hommes politiques et ce qu’on a fait de la démocratie à Maurice.

Jean Marc Poché

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