Alors que le mandat de la présente législature et, par conséquent, le mandat du gouvernement tirent à leur fin, les inaugurations, les poses de première pierre ainsi que les générosités politiques se multiplient. Les dernières cérémonies de pose de première pierre concernant la construction de logements sociaux à travers l’île sont annoncées pour ce mois-ci. On s’engage déjà dans l’inauguration et la remise des clés des premières maisons à Olivia. Le Premier ministre adjoint et ministre du Logement, Steven Obeegadoo, a même annoncé la mise en branle de sa caravane, qui se rendra dans une série de sites aussi bien dans les régions rurales que dans les régions urbaines, avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth, comme invité d’honneur dans les agglomérations principales en vue de la remise des clés avant la dissolution du Parlement.
L’hôpital universitaire de Flacq, financé par le gouvernement indien, et qui remplacera l’hôpital Bruno Cheong, entrera, lui, en opération dès cette semaine. Les travaux de construction de routes et d’autoponts dans plusieurs régions s’activent aussi en vue de leur livraison dans les prochaines semaines.
Personne ne peut nier les réalisations de l’actuel gouvernement en matière infrastructurelle concernant les routes ainsi que dans les domaines du logement ou de la santé. Même l’ancien leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, a été vu cette semaine au New Cancer Hospital, à Solférino, alors que le Speaker guidait les Senior Citizens dans les couloirs du Parlement et dans l’hémicycle, qu’ils découvraient, ont-ils dit, pour la première fois. Ils ont, comme on le dit, « dekouver Lamerik lor map ». Tout cela est très bien et très visible. Mais ce qui est moins visible, voire même invisible, c’est l’effritement de la confiance des Mauriciens dans nos institutions. Le sondage publié cette semaine par Straconsult, et qui est réalisé tous les deux ans pour le compte d’Afrobarometer, est à ce titre inquiétant, malgré la polémique qui a suivi la publication des données recueillies. Pas moins de 61% des personnes interrogées estiment ainsi que la corruption dans le pays a augmenté au cours de l’année écoulée. De plus, la population a perdu confiance dans la classe politique, aussi bien du gouvernement que de l’opposition, dans les administrations régionales, dans l’Assemblée nationale, et même dans le Premier ministre.
Le rapport d’Afrobarometer observe : « De nombreux Mauriciens constatent une corruption généralisée dans ces institutions et dans d’autres institutions clés. La majorité des gens considèrent que le gouvernement fait un mauvais travail dans la lutte contre la corruption et disent que des “whistles blowers” risquent des représailles s’ils dénoncent la corruption. » Heureusement, plus de 50% des personnes interrogées disent encore faire confiance dans le Judiciaire, même si on relève que 42% de la population est sceptique. Qui sont les responsables de cette situation dramatique ? Amédée Darga, directeur de Straconsult, considère que même si les hommes politiques ont leur part de responsabilité, il faut regarder au-delà des partis. À l’instar de plusieurs personnes bien intentionnées qui ont participé au débat, la faute revient aux choix des personnes qui sont à la tête de nos institutions et à l’absence de méritocratie. Beaucoup d’entre eux sont en effet des nominés politiques assujettis à des politiciens. Certains, aujourd’hui, regrettent l’amendement de la Constitution, en 1983, qui aurait fait que les hauts fonctionnaires de l’État perdent leur indépendance.
Il apparaît que tout le système de nomination à la tête des institutions mérite d’être revu. Différentes propositions ont été faites de part et d’autre concernant le recrutement des hauts fonctionnaires et de personnes à la tête des institutions en toute indépendance. Alors que les partis politiques se penchent sur leurs programmes électoraux, cette question, dont dépend la bonne gouvernance, sera suivie avec beaucoup d’attention. En sus de cela, l’absence d’éducation civique dans nos institutions scolaires dès le primaire se fait de plus en plus sentir. Espérons que ces demandes ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd.
Jean Marc Poché