La cause est entendue

Alors que le monde continue de se débattre pour se sortir de la crise sanitaire induite par la pandémie de Covid, la question du changement climatique revient sur les devants de la scène, après avoir inutilement pris une année sabbatique. Après le G20 Environnement, Climat et Énergie, tenu à Naples, le prochain rendez-vous sur le climat est fixé du 1er au 12 novembre à Glasgow, en Écosse. Si le programme de la COP 26 apparaît déjà assez chargé dans l’ensemble, son véritable enjeu restera surtout de situer les progrès accomplis par les États signataires de l’accord de Paris lors de la COP 21, six ans plus tôt donc, puisque le monde aura décidé en 2020 que l’urgence climatique pouvait bien attendre une petite année de plus.

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Le souci, c’est que la planète, elle, n’a que faire de nos tergiversations, pas plus que de la Covid d’ailleurs. Que nous ralentissions ou pas la cadence en termes d’émissions de gaz à effets de serre ne l’empêchera pas de continuer de tourner autour de son astre. En d’autres termes, elle laisse à l’Homo sapiens, à qui elle aura permis d’émerger quelques petites centaines de milliers d’années plus tôt, la responsabilité de son destin, et dans son sillage de celui de millions d’autres espèces. D’autant qu’elle nous aura mis en garde plus d’une fois, à chaque fois de manière plus dramatique, plus violente. En attestent encore les récentes inondations meurtrières en Europe et en Chine, les mégas incendies en Australie et aux Etats-Unis, ou encore cette sécheresse interminable qui arrache chaque jour des milliers de vies à la terre dans certaines régions du continent africain, comme dans le sud de Madagascar. Avec une promesse, celle de faire, si nous continuons de rester impassibles, plus de victimes, humaines et animales, que la Covid et tous les virus réunis ne le feront jamais.

Car c’est un fait – et pas besoin d’attendre les conclusions de la COP 26 pour ça –, nous ne prenons absolument pas le bon chemin. La preuve vient d’ailleurs d’être publiée noir sur blanc dans le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie, dont les experts sont des plus pessimistes. Pour eux, en effet, aucun doute n’est permis : nos émissions de CO2 ne vont non seulement pas diminuer, mais elles vont même continuer d’augmenter fortement. Un « record » est même déjà prévu pour 2023, lequel devrait dépasser celui de 2018. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes. Ainsi, en 2020, malgré le ralentissement de la production industrielle liée à la crise sanitaire, le monde a émis 31,4 gigatonnes (Gt) de CO2. Avec la relance, et tenant compte des chiffres déjà disponibles pour cette année, nous devrions atteindre, d’ici 2025, les 34,7 Gt. Problème : pour réaliser l’objectif « zéro émissions » à l’horizon 2050, nous ne devrions pas dépasser d’ici trois ans les… 27,9 Gt!

En l’état, et quand bien même nous prendrions la mesure de l’urgence climatique, nous sommes donc totalement incapables de respecter ne serait-ce que sensiblement nos engagements à l’échelle planétaire. La faute à quoi, la faute à qui ? Une faute collective, en vérité, mais surtout la faute à un système vicié axé sur l’offre et la demande, sur une économie de marché qui impose le billet vert comme seul élément stabilisateur. Avec en leitmotiv la croissance, seule capable de maintenir notre niveau de confort et de développement actuel. Or, changer de système demande beaucoup d’effort, mais aussi et surtout de sacrifices. En d’autres termes un devoir d’acceptation que nous ne voulons absolument pas ne serait-ce qu’envisager.

La meilleure preuve nous aura été amenée avec la Covid. Combien de peuples, en effet, ne se révoltent-ils pas encore aujourd’hui contre les dispositions, draconiennes ou non, imposées afin de limiter la propagation du virus ? Toute action, toute loi, toute imposition – comme le simple port du masque – sont alors interprétées comme des atteintes aux droits individuels et des mesures liberticides. Et on le sait : on ne transige pas avec la liberté ! Autant dire que la cause climatique, avec son lot de concessions qu’elle sous-tend si nous voulons limiter la casse, est déjà entendue !

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