Chaque avion quittant le tarmac embarque avec lui, conservées dans l’endroit le plus sûr de l’appareil, deux boîtes noires : l’une appelée « enregistreur phonique », qui conserve les conversations entre pilotes et/ou contrôleurs aériens, et l’autre destinée à enregistrer tous les paramètres de vols du trajet. Ces boîtes noires, bien qu’en réalité pas du tout noires (elles sont généralement de couleur orange), permettent ainsi, en cas de catastrophe aérienne ou d’incident technique, d’en comprendre les raisons. Mais ce procédé judicieux, et qui aura permis de dénouer de nombreux mystères entourant des crashs aériens, pourrait-il être transposé dans d’autres domaines ?
En fait, pourquoi pas ? Nous pourrions par exemple adapter ce concept à l’échelle planétaire avec une boîte enregistrant les paramètres les plus cruciaux d’une multitude de secteurs, pourvu que ces derniers soient liés à l’évolution de notre civilisation. Pourquoi une boîte noire, alors que l’Internet fait en quelque sorte déjà le travail, demanderez-vous ? Eh bien simplement pour que ces données soient conservées au cas où notre civilisation s’effondrait. Et ne croyez pas qu’il s’agisse là de science-fiction, car l’idée a déjà fait son petit bonhomme de chemin au sein d’un groupe de chercheurs.
Étant convaincus que nous ne pourrons faire marche arrière, notamment en matière de climat, ces derniers entendent ainsi enregistrer, et de manière méthodique, toutes les étapes menant à… la fin de l’humanité. Mais pourquoi faire, pourrait-on se demander, puisque par définition il n’y aurait alors plus d’humanité ? En fait, peut-être parce qu’il se pourrait, malgré tout, que des populations survivent à notre folie, bénéficiant alors de précieuses informations sur les tragédies passées. À moins que ces dernières n’atterrissent un jour entre les mains d’une civilisation… extraterrestre.
Cette « boîte », de dix mètres de long et recouverte d’acier trempé et de granit, n’est certes pas le projet le plus sérieux du monde, mais elle met en évidence la probabilité grandissante d’un effondrement général qui, lui, est tout sauf sorti d’esprits fantaisistes. Un peu comme le décrit Collapse, le best-seller de Jared Diamond (qui avait même réussi à inquiéter publiquement le Français Edouard Philippe, alors que ce dernier occupait encore le poste de Premier ministre), ces effondrements – puisqu’ils sont multiples – n’épargneront aucun secteur de la vie sociale, que ce soit en termes environnemental, économique, écologique, politique, climatique, culturel, etc. Autant d’items interconnectés qui, du fait de leurs incidences ou origines anthropiques, se seront engagés sur le chemin d’un long déclin, avec pour conséquence finale de précipiter le monde vers un chaos sans précédent. À moins que nous ne changions notre fusil d’épaule, bien entendu.
Au risque de nous répéter, la principale cause de toutes ces catastrophes systémiques (et celles à venir) est notre économie de marché, que rien ni personne ne semble avoir intérêt à changer dans l’immédiat, et ce, bien que nous en connaissions les risques globaux. Ce faisant, nous maintenons en place un système basé sur le pillage sans relâche de nos ressources, avec les conséquences que l’on connaît, notamment sur le climat. Pour autant, tout cela aura une fin, comme lorsque le pétrole viendra à manquer et/ou deviendra trop cher à extraire. Entraînant dans son sillage tout ce que l’on peut imaginer de pire (effondrement des marchés, crises sociales, politiques…).
Prenons pour conclure un dernier exemple : celui de la biodiversité. Dans ce cas, l’effondrement pourrait être perçu comme la disparition d’un nombre suffisant d’espèces appartenant à la même famille alimentaire que pour compromettre l’équilibre de cette même chaîne. Et c’est exactement ce qui se passe. La perte de la biodiversité est d’ailleurs telle que l’on estime que nous sommes entrés dans la 6e extinction de masse, avec des centaines de milliers d’espèces éteintes du fait de l’homme en quelques siècles seulement. Malgré cela, nous faisons mine d’ignorer cette réalité. Et ce, même s’il est une espèce dont la disparition devrait pourtant davantage nous parler, puisqu’il s’agit de la nôtre. Car c’est un fait : si nous n’y prenons garde, l’homme pourrait bien rejoindre un jour prochain notre dodo national. Et par conséquent finir lui aussi dans une boîte. Noire, bien entendu !