Notre société de « conso-communication » l’a voulue, elle l’a eue ! Férus de technologies, inconditionnels des réseaux sociaux et autres adeptes du streaming, soyez rassurés ! La 5e génération des standards de téléphonie mobile, plus communément appelée 5G, s’impose lentement, mais sûrement, aux quatre coins de la planète. Capable de supporter jusqu’à un million de smartphones par kilomètre carré, elle promet avant tout du très haut débit, soit plusieurs gigabits de données par seconde. Cent fois plus que la 4G ! C’est par merveilleux tout ça ? Il faut reconnaître que le concept est on ne peut plus séduisant, du moins tant que l’on ne pose pas les questions qui fâchent, à commencer par l’incidence du futur réseau mondial sur l’environnement. Mais bon, tant que l’on peut suivre Netflix sans temps de latence, toute autre considération n’est que secondaire, n’est-ce pas ?
Il va sans dire que cette entrée en matière se veut ironique, la 5G s’incrivant en effet en totale contradiction avec les intentions affichées d’une réduction de nos émissions de gaz à effets de serre. Pour autant, les débats n’auront rarement été aussi passionnés sur la question. D’une part, il y a les pourfendeurs de la 5G, qui clament haut et fort que celle-ci est résolument écologique, et de l’autre, ceux qui, au contraire, estiment qu’elle accélérera le réchauffement planétaire. Aussi, analysons un instant l’argumentaire de ces deux manières de voir.
Pour commencer, revenons sur une étude publiée récemment, fruit d’une collaboration entre l’Université de Zürich et l’Empa, le laboratoire fédéral suisse d’essai des matériaux et de recherche. Selon ce rapport, avec un trafic de données multiplié par huit, la 5G sera « plus efficace » et permettra l’arrivée d’applications innovantes, telles que le travail flexible, un réseau intelligent ou l’agriculture de précision, avec pour résultats une réduction des émissions de CO2. Points que soulèvent par ailleurs d’autres études initiées sur la question, le tout appuyé par des données chiffrées. Aussi serait-on tenté de croire que, finalement, la 5G, contrairement aux idées véhiculées depuis un bon moment déjà, serait plutôt « bénéfique pour la planète ».
C’est sans compter sur les détracteurs de la technologie, lesquels persistent à relever les effets pervers de la 5G. Et il faut reconnaître que leur argumentaire tient largement la route. Ils font ainsi apparaître une première vérité : s’il est vrai que pour un même volume de données la 5G sera moins énergisante que la 4G, les capacités accrues de la première nommée en termes de flux de données encourageront les utilisateurs à consommer davantage, certains experts prédisant même que nous consommerons à titre individuel jusqu’à 200 Go de données par mois d’ici 2025. Autrement dit, la 5G générera un phénomène de création de consommation par l’offre.
En sus de cela, ils rappellent que la fabrication de smartphones et autres appareils mobiles représente, dans les pays industrialisés, jusqu’à 80% des impacts environnementaux du numérique en termes de coût carbone, de rejets toxiques et d’épuisement de certaines ressources. Par ailleurs, les mobiles sont très rarement recyclés, constituant ainsi un autre problème environnemental, qui se voit par ailleurs accentué par une accélération artificielle de l’obsolescence des terminaux. Résultat : avec l’avènement de la 5G, la production de smartphones se retrouvera boostée, d’autant que les portables actuels ne sont pour la plupart pas du tout compatibles avec le nouveau réseau.
Autant d’arguments qui, non seulement tiennent largement la route, mais sont de plus en plus repris, y compris dans certaines sphères politiques et scientifiques. L’astrophysicien et activiste environnemental Aurélien Barreau rappelait d’ailleurs dernièrement à ce propos : « A une période où l’économie d’énergie devrait être notre obsession, avec le passage à la 5G, la consommation des opérateurs sera multipliée par trois en quelques années. » Quoi qu’il en soit, au final, que l’on adhère à l’une ou l’autre thèse, une chose est sûre : la 5G, quand bien même elle ne polluerait réellement pas plus que la 4G, comme l’affirment certains, ne s’inscrit aucunement dans l’objectif d’une décélération de notre pollution numérique. Et c’est bien là une vérité que personne ne pourra cette fois contredire !